Sans rachat, point de salut pour Dailymotion ?
En s'opposant au rachat de
Dailymotion par Yahoo!, Arnaud Montebourg s'est attiré bien des inimitiés.
Au-delà de la cacophonie gouvernementale, le ministre du Redressement
productif, arguant de la "santé vacillante " du géant
américain pour justifier son refus, a provoqué le courroux du petit monde des
entrepreneurs du web, qui pensent pour la plupart que le signal envoyé ainsi
aux investisseurs étrangers est catastrophique.
C'est le cas par exemple du
fondateur emblématique du site de commerce en ligne Price Minister. Il y a
trois ans, Pierre Kosciusko-Morizet avait vendu au Japonais Rakuten : "Si
on était restés français, on serait mort. Dailymotion n'avait plus le choix, ils
avaient besoin de se développer pour affronter la concurrence. Là, je pense que
Dailymotion va mourir. " Il parle ni plus ni moins d'un acte digne d'une "république bananière ".
Dailymotion, champion
français
2,5 milliards de vidéos
visionnées chaque mois selon le cabinet ComScore, près de 300 millions de
contenus disponibles. Depuis sa création en 2005 par deux jeunes Français,
Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey, Dailymotion n'a cessé de grandir. Au point
de ne plus nourrir d'immense complexe d'infériorité vis-à-vis de son concurrent
américain YouTube, racheté lui par Google.
Aujourd'hui, Dailymotion
est devenu le 31ème site le plus visité au monde. Les États-Unis
représentent la plus grosse part de son activité, 35 %, contre 15 % pour la France.
Ses 150 salariés, des Français pour la majorité, travaillent à Paris, Londres ou
encore New York.
Depuis janvier dernier, c'est
France Télécom-Orange qui possède le bijou avec 100 % du capital. Et
comme l'État possède encore 27 % de l'opérateur téléphonique - il en est l'actionnaire
principal - il a encore son mot à dire.
Champion à vendre
Mais alors, pourquoi France
Télécom cherche-t-il à vendre une telle société ? Pour Philippe Crevel, économiste et secrétaire général du Cercle des Épargnants, "Orange
considère aujourd'hui que Dailymotion ne rentre pas dans son plan stratégique ",
préférant vendre tant que les rentrées d'argent sont possibles.
Pour le PDG de
Dailymotion, Cédric Tournay, interrogé par lemonde.fr : "Orange
entend bien jouer son rôle d'actionnaire et de partenaire industriel, comme il
le fait depuis deux ans ". Cependant, il est "évidemment " déçu de l'attitude d'Arnaud Montebourg, et du rachat avorté par Yahoo!. Une
décision qu'il comprend d'autant plus mal que le géant américain a opéré ces
derniers mois un redressement spectaculaire : "La stratégie de
Yahoo! est d'investir massivement dans la vidéo. Dailymotion aurait bénéficié
de ces investissements. Ce projet était aussi à l'avantage d'Orange, qui aurait
continué à nous accompagner ".
Un avenir fragilisé ?
Pour Orange, cette rentrée
d'argent frais aurait effectivement eu un effet bénéfique. Évalué à quelque 300
millions d'euros aujourd'hui, Dailymotion possède une valeur marchande toujours
intéressante.
Pour Yahoo!, Dailymotion
est l'un des outils qui peuvent lui permettre de rattraper son retard sur
Google, dans un marché de l'Internet mondial féroce.
Cédric Tournay en est
persuadé : "Nous vivons dans un environnement mondialisé où nous
devons, pour le bien de nos entreprises, faire des choix qui maximisent nos
chances de succès sur le long terme ". Stéphane Richard, le patron de France
Télécom-Orange, avait expliqué jeudi : "Notre priorité est de
trouver un allié qui assure le développement de Dailymotion hors d'Europe ".
D'ailleurs, selon les informations du Point, Stéphane Richard doit s'envoler la
semaine prochaine pour la Silicon Valley, pour y rencontrer les acteurs majeurs
du Web. Le projet n'est donc pas enterré.
Pour affronter la
concurrence mondiale, Dailymotion aurait donc besoin d'un partenaire américain.
Dans le même temps, Benoît Thieulin, président du Conseil national du
numérique, tempère : "Oui, Dailymotion a besoin d'un accord
stratégique, mais il dit avoir besoin de 50 millions d'euros, ce qui n'est pas
énorme et peut se trouver " en France ou en Europe.
Dailymotion attise l'appétit
de nombreux acteurs du secteur. En France, le groupe Vivendi, ou Free, seraient
intéressés par un éventuel rachat. Difficile à envisager pour le moment. En même temps, pour une
société qui croît "de 60 % par an " selon Cédric Tournay, le jeu en
vaut la chandelle. "Nous sommes profitables " affirme-t-il. C'est
justement pour cela que le politique n'a pas envie de voir Dailymotion partir
sous d'autres cieux.
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