Interdiction de ChatGPT à Sciences Po : "C'est un outil phénoménal" qui a "des impacts négatifs", juge la directrice de la formation initiale de l'institut
"C'est un outil assez phénoménal, la puissance est juste incroyable, mais il y a des effets pervers" et "des impacts négatifs", a expliqué samedi 28 janvier sur franceinfo Myriam Dubois-Monkachi, directrice de la formation initiale de Sciences Po Paris qui vient d'interdire l'utilisation de ChatGPT à ses étudiants, "sous peine d'exclusion". Cet outil, capable de rédiger des textes en réponse à des questions simples, inquiète particulièrement les enseignants. Certains étudiants ont déjà eu recours à ChatGPT pour produire des dissertations. "Ce n'est pas du tout équitable" et "on sort du cadre qui régit les exigences académiques d'une formation dans l'enseignement supérieur", a-t-elle rappelé.
franceinfo : Qu'est-ce que c'est exactement ChatGPT ?
Myriam Dubois-Monkachi : C'est un nouvel outil dans le grand écosystème de l'intelligence artificielle qui a été mis à disposition du grand public en novembre dernier. C'est un agent conversationnel qui a donc recours à l'intelligence artificielle et qui peut produire des textes qui donnent l'illusion d'avoir été rédigés par des humains.
Il peut fournir aux étudiants des dissertations "clé en main"?
Ce n'est pas aussi simple que ça, mais ça peut donner cette illusion. C'est un outil qui est sorti à la fin du mois de novembre. Il a ému beaucoup de communautés, notamment dans le monde de l'éducation et de la recherche. C'est pour cette raison qu'on a voulu très rapidement à la rentrée prévenir nos étudiants, leur donner la position de l'institution sur ce sujet. Sciences Po interdit depuis des années, comme toutes les universités et toutes les écoles, le recours au plagiat et détecte le plagiat via des outils. Mais effectivement, devant ce phénomène ChatGPT, il nous a semblé important, dans un premier temps de dire aux étudiants : "Non, on n'utilise pas cet outil dans le cadre d'une évaluation !" Ce n'est pas du tout équitable et en termes d'intégrité académique, on sort du cadre qui régit les exigences académiques d'une formation dans l'enseignement supérieur.
>> ChatGPT : l'intelligence artificielle au service du complotisme ?
Comment comptez-vous agir pour lutter contre l'utilisation de cet outil par les étudiants ?
C'est un outil qui est tout récent. Les évolutions sont très rapides. Chaque jour arrive un nouvel outil qui vient détecter l'utilisation de l'intelligence artificielle. On n'a pas encore mesuré l'ensemble des impacts de cette machine calculatoire et donc on souhaiterait se donner le temps, même si les choses vont très vite, notamment à notre institut des compétences et de l'innovation et à nos chercheurs experts sur le sujet de l'intelligence artificielle, de définir de nouveaux modes d'évaluation qui permettront de donner une place à cette intelligence artificielle. Nous savons très bien qu'elle fera partie de l'écosystème numérique. Comment vivre avec ? Comment l'utiliser sans qu'elle vienne percuter les fondamentaux de l'intégrité académique qui fondent un parcours universitaire et un parcours scolaire?
C'est assez simple de repérer une copie produite par de l'intelligence artificielle ?
Absolument. C'est souvent très plat. La structure est souvent identique. Des collègues à Lyon avaient repéré une dizaine de copies quasiment identiques.
"L'idée, ce n'est pas de l'interdire de manière systématique et absolue, mais que les étudiants prennent le temps de comprendre comment elle fonctionne."
Myriam Dubois-Monkachià franceinfo
C'est un outil assez phénoménal, la puissance est juste incroyable. Mais il y a des effets pervers. Il y a des impacts négatifs, notamment sur la production d'informations, qui ne sont pas de bonnes informations. Nos étudiants sont soumis à une exigence académique qui nécessite une réflexion et un travail personnel qui fondent des compétences qui seront utiles pour eux dans leur vie professionnelle et dans leur vie de citoyens tout court. C'est un sujet qui à la fois qui concerne l'éducation, mais aussi la société tout entière dans la formation des citoyens qui doivent être en mesure de prendre part aux débats de société et donc avoir les bonnes connaissances sur les sujets.
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