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Quatre découvertes fondamentales de la sonde Cassini avant son ultime plongeon vers Saturne

Vingt ans après son lancement, l'engin spatial doit se désintégrer dans l'atmosphère de Saturne, vendredi. A cette occasion, franceinfo revient sur les trouvailles majeures de cette odyssée considérée comme l'une des plus grandes missions d'exploration du système solaire.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Vue d'artiste illustrant la sonde Cassini entre Saturne et ses anneaux. (SIPA)

C'est la fin de l'une des plus grandes épopées spatiales. Vingt ans après son lancement, la sonde Cassini doit se désintégrer dans l'atmosphère de Saturne, vendredi 15 septembre. Cette mission, fruit d'une collaboration entre la Nasa et l'Agence spatiale européenne (ESA), a permis d'importantes découvertes. Franceinfo revient sur quatre grands apports de cette aventure considérée par les spécialistes comme l'une des plus grandes missions d'exploration du système solaire.

1Le cyclone éternel du pôle nord de Saturne est (vraiment) mystérieux

Impossible de le manquer. Un amas nuageux constamment présent, sous la forme d'un hexagone presque parfait de 30 000 km de large, environ deux fois le diamètre de la Terre. La sonde Voyager 1 l'avait déjà observé pendant quelques jours au début des années 1980. Mais Cassini a permis de l'approcher comme jamais auparavant, et sur une période nettement plus longue.

Au centre de cet hexagone se trouve un cyclone dont les vents s'élèvent à plus de 300 km/h. Et nos connaissances ont largement progressé sur ce phénomène météorologique, qui était encore énigmatique il y a une dizaine d'années. "L’observation de l’hexagone situé au pôle Nord de Saturne a permis de déterminer qu’il s’agissait d’un vortex à six tourbillons. Que ce dernier était stable dans le temps mais que sa couleur évoluait au fil des saisons de Saturne", résume sur le site du Cnes, Francis Rocard, responsable du programme d'exploration du système solaire au centre d'études spatiales depuis 1989.

Mais des zones d'ombre subsistent et certains mécanismes demeurent inconnus. "On ne comprend pas comment cette forme peut se maintenir alors qu'elle se trouve à côté d'un cyclone géant", explique également Francis Rocard à Atlantico.

2Les anneaux sont (encore) plus complexes que prévu

Ils sont observés depuis des siècles mais restaient encore extrêmement mystérieux. Grâce à Cassini, les scientifiques ont fait des découvertes inattendues sur les anneaux de Saturne.

La surprise, c’est que les anneaux ne sont pas figés, ils sont même extrêmement dynamiques. Ils sont parcourus d’ondes, ils vibrent comme une membrane dans le champ de gravité de la planète et de ses satellites.

Sébastien Charnoz, astrophysicien à l’université Paris-Diderot

au Cnes

Ils sont même tellement dynamiques que des lunes s'y forment. "Il y a de cela trois ans, un nouveau modèle a été validé par les observations : au bord de l’anneau B, Cassini a pu voir apparaître une nouvelle lune, qui n’était pas là il y a dix ans", relate l'astrophysicien Sébastien Charnoz sur le site du Cnes. Et de confier : "Ces processus d’accrétion à l’extérieur des anneaux sont les découvertes qui m’ont le plus marqué."

Au final, les chercheurs dénombrent sept groupes d'anneaux qui s'étendent sur environ 220 000 km et comptent quelque 22 000 structures différentes en leur sein.

Photo prise par la sonde Cassini, le 4 juin 2017, montrant une structure particulière dans des anneaux de Saturne.  (NASA / JPL / SPACE SCIENCE INSTITUTE)

Cassini a permis d'améliorer considérablement nos connaissances en la matière grâce à des photos avec un niveau de détails inégalé et des mesures inédites. Mais le champ des inconnues reste immense. "Nous ne savons toujours pas comment se forment les anneaux, relève Sébastien Charnoz. Ni pourquoi les géantes gazeuses en ont, contrairement aux planètes telluriques [comme la Terre ou Mars]."

On a commencé [à étudier les anneaux] au mois de juillet 1609 et je pense qu'on en a encore pour quatre ou cinq siècles pour commencer à comprendre ce qui se passe.

André Brahic, astrophysicien spécialiste de Saturne et de Neptune

lors d'une conférence en 2010

3Des lacs d'hydrocarbures à la surface de Titan

Titan est le plus gros satellite de Saturne avec 5 150 km de diamètre. La sonde Huygens, transportée par Cassini, s'y est posée le 14 janvier 2005. Un progrès inouï. "C’était un monde inconnu, nous savions qu’il avait une atmosphère mais si opaque que nous ne savions rien de sa surface, relate sur le site du Cnes Patrick Michel, astrophysicien et planétologue, directeur de recherche au CNRS. Avoir pu y entrer et voir l’atterrissage de Huygens comme si nous y étions, c’était incroyable."

Les chercheurs ont découvert de grandes étendues liquides sur la surface gelée de Titan. Elles se trouvent en majorité dans les régions polaires. Sauf qu'il ne s'agit pas d'eau mais d'hydrocarbures – principalement du méthane – à -180°C. Ces lacs proviennent "essentiellement des précipitations associées à la présence de nuages dans son atmosphère", a détaillé le CNRS, en 2014. Le plus grand, Kraken Mare, mesure 1 170 km de diamètre.

Titan abrite également un océan sous sa surface gelée, à 60 km de profondeur, rappelle au Huffington Post François Raulin, chercheur au CNRS, spécialiste de ce satellite et d'exobiologie. Il y a quelque 4,5 milliards d'années, "cet océan était en contact avec le sol et même avec l'air libre", relève le site d'information. "Il est donc possible que la vie soit apparue à l'époque et ait perduré depuis, dans cet océan sous la surface", conclut le scientifique.

4Les geysers d'Encelade contiennent de l'hydrogène

Encelade est la sixième lune de Saturne par la taille. Elle a intrigué les chercheurs à cause de geysers au niveau de son pôle Sud. En octobre 2015, la sonde Cassini a survolé cette région à seulement 49 km de la surface afin de réaliser des prélèvements dans ces jaillissements qui percent la croûte glacée.

Les instruments de Cassini ont détecté de l'hydrogène moléculaire dans les projections des geysers d'Encelade. (NASA / JPL / SPACE SCIENCE INSTITUTE)

L'analyse des échantillons a montré qu'ils contenaient notamment de l'hydrogène et du dioxyde de carbone. Or, ces éléments sont essentiels à la méthanogénèse, une réaction chimique permettant sur Terre à des microbes de vivre dans des profondeurs océaniques que les rayons du Soleil ne peuvent atteindre.

Cela signifie-t-il qu'Encelade peut abriter la vie ? Non, il ne faut pas se précipiter. "Cette observation représente une avancée importante pour évaluer l'habitabilité d'Encelade", avait estimé, en avril, Jeffrey Seewald, un scientifique de la Woods Hole Oceanographic Institution.

Cette observation montre qu'Encelade présente bien tous les éléments d'habitabilité, mais cela n'a rien à voir avec la vie.

Olivier Grasset, professeur au laboratoire de géodynamique à l'université de Nantes

à franceinfo

"Jusqu'ici, nous n'avons pas encore découvert de phosphore, un élément très difficile à produire, poursuit Olivier Grasset. Et sans phosphore, il n'y a pas de vivant."

Mais il ne faut pas minimiser ces résultats. "Ce monde océanique d'Encelade a vraiment changé notre approche sur la recherche de la vie, ailleurs dans notre système solaire et au-delà", a commenté Linda Spilker, scientifique de la mission au Jet Propulsion Laboratory de la Nasa en Californie (Etats-Unis). Même si aucune forme de vie n'a été trouvée ailleurs que sur Terre, l'état des connaissances permet de constater qu'il existe des corps célestes où l'on peut trouver certains des éléments indispensables à la vie. Reste à savoir si d'autres formes du vivant sont possibles en dehors de celles connues. Un vaste chantier aussi passionnant que frustrant.

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