Est-il réaliste de peindre un astéroïde pour le dévier de sa trajectoire ?
Dans un article publié par Gizmodo, un responsable de la Nasa évoque la possibilité de peindre l'astéroïde Bennu pour dévier sa trajectoire. Une possibilité théorique "extrêmement compliquée" à mettre en œuvre selon Patrick Michel, chercheur au CNRS.
Peindre un astéroïde pour dévier sa trajectoire et l'empêcher de frapper la Terre. C'est le projet un peu fou prêté à l'agence spatiale américaine (Nasa) par plusieurs médias au sujet de l'astéroïde Bennu. Cet objet spatial de 3,4 milliards de tonnes et 500 mètres de diamètre, pourrait heurter notre planète en 2135. Interrogé par le site Gizmodo (en anglais), l'un de ses responsables explique que "peindre ne serait-ce que la moitié de la surface avec une couleur différente changerait ses propriétés thermiques et changerait son orbite".
Mais la réalité est moins artistique. "Il ne faut pas confondre les études sur le papier avec les projets concrets, financés", rappelle Patrick Michel, astrophysicien au CNRS contacté par franceinfo. Ce scientifique est bien placé pour le savoir : il est responsable de l'équipe scientifique européenne de la mission spatiale AIDA, chargée justement d'effectuer un test de déviation d'un astéroïde. "Le seul projet à l'œuvre, la seule chose qu'on envisage vraiment de faire, c'est de projeter un projectile artificiel à haute vitesse contre l'astéroïde", poursuit-il.
Un projectile testé en 2022
Pour le scientifique, peindre l'astéroïde n'est pas, pour le moment, une idée réaliste. "Théoriquement, en modifiant les propriétés thermiques de l'objet [ce que ferait la peinture en modifiant l'exposition au soleil], on peut effectivement jouer sur la trajectoire d’un corps, explique-t-il. Mais dans la pratique, cela reste extrêmement compliqué à mettre en œuvre : comment la peinture va-t-elle s'accrocher à la surface de l'astéroïde dont on ne connaît pas la composition ? Comment peindre un objet qui tourne sur lui-même ?" En 2023, une sonde, Osiris-Rex, doit prélever des échantillons de l'astéroïde Bennu pour les ramener sur Terre.
D'autres possibilités, comme celle d'envoyer une bombe nucléaire sur l'astéroïde, ne sont pas plus sérieuses. "Ce ne sera jamais testé parce qu'il est interdit d'envoyer des armes dans l'espace et heureusement", estime Patrick Michel.
La seule chose qu'on envisage de faire, c'est le projectile artificiel, parce que c'est celui qui nécessite le moins de connaissance sur l'astéroïde.
Patrick Michelà franceinfo
Selon le calendrier de la mission AIDA, cette option doit être expérimentée en 2022 sur l'astéroïde Didymos. L'agence spatiale européenne doit fournir l'orbiteur (AIM) qui filmera et analysera l'impact du projectile artificiel (Dart), piloté lui par la Nasa. Mais le financement de cette mission n'a pas encore été validé. "Nous espérons qu'il le sera, confie Patrick Michel. Parce que sinon, nous n'aurons plus aucune mission petits corps en Europe et il ne se passera plus rien pendant vingt ans alors que les Japonais et les Américains continueront à avancer sur le sujet." Réponse en 2019.
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