Climat : le retour de la "myopathie atypique" équine a déjà fait près de 300 victimes
UNE ANNÉE NOIRE
A la date du 30 novembre 2009, 266 cas compatibles avec le diagnostic de myopathie atypique ont été recensés en Belgique (55 cas), en Allemagne (54 cas), en Angleterre (27 cas), en France (80 cas), aux Pays-Bas (16 cas), au Luxembourg (2 cas) et en Suisse (29 cas)…
Depuis ce message d’alerte émis par la Faculté de Médecine vétérinaire de Liège, qui depuis six ans mène une étude subventionnée par la Région wallonne afin de déterminer les causes de cette maladie équine mortelle, l'hécatombe se poursuit. " Cette année est une année particulièrement désastreuse. C’est près de 300 cas qui sont enregistrés début décembre, alors que les autres années, pour l’ensemble de l’Europe, on ne dépassait pas une centaine de cas", explique Dominique Votion, docteur en médecine vétérinaire chargée de recenser les cas de MA au sein de l’Europe, via le Centre Européen du Cheval de Mont-le-Soie (Belgique).
Cette année, la France est également particulièrement touchée. "On en est à plus de 85 cas alors qu’en général, c’était à peine une cinquantaine de cas pour les mauvaises années", précise-t-elle. Si toute la moitié Nord du pays semble touchée, la Haute-Loire (43) serait actuellement le département le plus concerné avec 60 chevaux décédés de cette maladie (90% de certitude), selon le Réseau d’épidémiolo-surveillance en pathologie équine. Statistiques auxquelles il faut rajouter les nombreux cas, qui n'ont pas, ou pas encore été déclarés.
MALADIE FOUDROYANTE
Le drame de cette maladie, "c’est que les signes cliniques évoluent vraiment très rapidement", explique Dominique Votion. Un cheval apparemment bien portant le matin peut ainsi développer, en quelques heures seulement, de premiers symptômes tels que signes d’abattement, de coliques, tremblements, raideurs, difficultés à rester debout. "L’émission d’urine anormalement foncée est probablement le signe le plus spécifique de la myopathie atypique", précise encore le site belge dédié à la MA. A noter qu’à contrario des symptômes généralement observés en cas de maladie, le cheval atteint de cette affection ne présente en général pas de fièvre.
Une maladie foudroyante puisque la durée de survie moyenne d’un cheval est de 24 à 72 heures. "Donc même si on trouve la cause, malheureusement l’évolution de la maladie est tellement rapide qu’on n’aura pas le temps de mettre en œuvre un traitement", poursuit le Dr Votion.
LA PRÉVENTION COMME SEUL REMÈDE
Si la prise en charge rapide par un vétérinaire dès l’apparition des premiers symptômes peut augmenter les chances de survie, elle n’est en rien une garantie. La prévention reste donc encore la meilleure arme. Le 11 novembre dernier, le Dr Hélène Bourguignon, vétérinaire équin dans les Yvelines (78), a reçu un bulletin d’alerte à la myopathie atypique équine. Si elle n’a pas encore eu à traiter de cas personnellement, elle suit l’évolution de la maladie de très près dans la région Ile-de-France. "Il y aurait quelques cas dans les Yvelines, mais aussi dans le 91, dans l’Essonne, des cas aussi dans le 77 et le 94", indique-t-elle.
Au fur et à mesure que la maladie progresse, le nouvelle commence à se répandre, les propriétaires en parlent entre eux, se renseignent sur des forums. "Ils viennent nous poser des questions et on essaie de les alerter nous-mêmes évidemment", explique la vétérinaire.
Alerter, mais aussi et surtout conseiller sur les mesures de précaution à prendre pour éviter de nouveaux décès. "C’est une maladie qui touche principalement les chevaux qui vivent au pré et qui n’ont pas d’alimentation en complément. On conseille donc aux gens qui ont des chevaux dans les prés de les nourrir en plus, en leur donnant des compléments alimentaires complets et du foin mis dans des râteliers de façon à ce que l’aliment ne touche pas le sol. La contamination se ferait en effet de façon alimentaire ou par voie orale en mangeant de l’herbe ou des débris végétaux qui seraient sur un sol humide. Et s’il y a des cas qui sont recensés à proximité, on conseille évidemment de rentrer les chevaux à l’écurie ", précise le Dr Bourguignon.
"LA MYOPATHIE ATYPIQUE N'EST PAS UNE MALADIE DU CHEVAL MAL SOIGNÉ"
Les poulains mais aussi les chevaux d'âge mûr semblent les populations les plus vulnérables face à cette maladie. "L’inquiétude des propriétaires est légitime car les chevaux atteints (par la MA) sont des chevaux en bonne santé et qu’il est tout à fait logique de laisser en pâture aux vues des conditions climatiques" (automne chaud), indique le docteur Votion. " La myopathie atypique n’est pas du tout une maladie du cheval mal soigné ", insiste-t-elle. D’où d’ailleurs le "drame personnel" vécu par les propriétaires, fait remarquer le vétérinaire. "Je pense en effet qu’aucun propriétaire ne s’attend à perdre un cheval en 24 heures alors que rien ne laissait suspecter qu’il était en souffrance ou présentait une maladie quelconque. Donc oui, c’est une maladie qui est stressante et avec laquelle il faudra vivre à l’avenir", souligne-t-elle.
La myopathie atypique n'est pas une maladie nouvelle. Identifiée pour la première fois au milieu des années 80, elle a touché la Belgique de façon significative en 2000, avant de faire ses premières victimes en France en 2002. Depuis le 1er mars 2003, les scientifiques tentent de faire la lumière sur cette affection, dont la cause reste toujours inconnue à ce jour.
"Il est très difficile évidemment de trouver la cause d’une maladie qui apparaît comme ça, sans prévenir, à la faveur de conditions climatiques particulières. Néanmoins la recherche avance quand même", explique Dominique Votion. Et " les pistes vont dans le sens d’une origine bactérienne ", précise-t-elle. Bactérie qui exercerait sa toxicité "à la faveur de conditions environnementales particulières ", insiste le docteur vétérinaire.
LE CLIMAT EN CAUSE ?
Autrement dit, si l’étiologie de la myopathie atypique équine reste encore à préciser, le climat semble bien en être une des causes probables. Une observation qui fait d’autant plus d’écho que s’ouvre aujourd’hui la conférence internationale de Copenhague (voir notre article).
"En 2006, comme cette année, il y a eu un nombre très important de cas. Or, ces deux automnes sont caractérisés par une température anormalement élevée pour la saison. Donc oui, il y a un lien évident entre les conditions climatiques, et semble-t-il le réchauffement de la planète, et malheureusement l’incidence des cas de myopathie atypique", affirme le Dr Votion.
EN ATTENDANT LE FROID
Si la recherche avance, la myopathie atypique reste encore, sous bien des aspects, une énigme pour les scientifiques. "C’est vraiment là qu’est le problème. On n’a pas de traitement pour cette maladie car on n'en connaît pas la cause précise. On peut juste essayer de faire un traitement symptomatique et surtout éviter qu’elle se produise", regrette Hélène Bourguignon, qui reste en alerte dans les Yvelines.
Seule bonne nouvelle, il semblerait que les chevaux atteints qui survivent à la maladie (entre 15% et 25%) ne présentent " aucune séquelle " malgré la gravité des signes cliniques qu’ils ont présentés. "C’est vraiment une particularité de la maladie. Une fois que la toxine a été métabolisée par l’organisme, le cheval est aussi bien qu’avant qu’il ne fasse cette grave maladie", précise pour sa part Dominique Votion.
Une grave maladie qui, comme elle est venue avec un automne anormalement chaud et humide, devrait maintenant disparaître avec un froid particulièrement rigoureux. " Quand il y a plusieurs jours de gelées importantes successifs, en général les cas s’arrêtent ", indique Hélène Bourguignon. Chevaux, propriétaires et vétérinaires attendent donc l’arrivée d'un hiver salvateur.
Cécile Mimaut et Isabelle Raymond
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.