En images Espace : le télescope James-Webb a observé des galaxies spirales comme jamais auparavant

Dix-neuf images publiées le 29 janvier montrent de façon inédite des galaxies en forme de spirale, comme la nôtre, la Voie lactée.
Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Mosaïque de 19 galaxies en spirale observées par le télescope James Webb et publiée le 29 janvier 2024. (NASA / ESA / CSA / STSCI / J. LEE (STSCI) / T. WILLIAMS (OXFORD))

Hypnotiques et intrigantes, elles vont vous faire tourner la tête. Dix-neuf images de galaxies en forme de spirale ont été publiées, lundi 29 janvier, par les agences spatiales européenne (ESA) et américaine (Nasa). Elles ont été réalisées grâce aux instruments du télescope James-Webb (JWST), le plus puissant jamais conçu. La forme spirale est assez générique pour les galaxies : c'est le cas pour environ 60% d'entre elles, selon les estimations. Notre galaxie, la Voie lactée, en est une représentante.

Sur ces images, les étoiles brillent en bleu et les nuances d'orange et de rouge correspondent à de la poussière qui se trouve autour des étoiles et entre les étoiles. Franceinfo a interrogé plusieurs scientifiques pour mieux comprendre ce qui a été observé et photographié.

La galaxie du Fantôme (NGC 628)

Située à environ 32 millions d'années-lumière dans la constellation des Poissons, cette galaxie (aussi appelée NGC 628 ou M74) a déjà été observée par James-Webb, donnant à lieu à la publication d'une image en août 2022. Les téléscopes Hubble (dans la lumière visible) et Spitzer (dans l'infrarouge) avaient déjà scruté de nombreuses galaxies, dont celle-ci, mais les instruments du JWST livrent des détails incroyables.

La galaxie NGC 628, aussi appelée M74, et surnommée la galaxie du Fantôme, vue par des instruments du télescope James Webb, dans une image publiée le 29 janvier 2024. (NASA / ESA / CSA / STSCI / J. LEE (STSCI) / T. WILLIAMS (OXFORD))

Ces visuels sont "époustouflants même pour des chercheurs qui ont étudié ces galaxies depuis des décennies", a commenté Janice Lee, scientifique au Space Telescope Science Institute de Baltimore (Etats-Unis). Ce que confirme à franceinfo Annie Hughes, membre du projet Phangs (Physics at High Angular resolution in Nearby GalaxieS) qui surveille 90 grosses galaxies où se forment des étoiles et aux premières loges pour étudier ces nouvelles photos : "Nous connaissons ces objets, nous connaissons la puissance du James-Webb, cela fait des décennies qu'il était en projet. Mais lorsque les images sont arrivées, nous avons quand même fait 'Waouh !'"

Le télescope James-Webb opère dans un registre qui permet d'observer spécifiquement les toutes premières étapes de la formation des étoiles. Celles-ci naissant dans de vastes nuages de gaz et de poussières, ces moments de jeunesse sont habituellement masqués. Mais les instruments du JWST permettent de percer ce qui échappe normalement à notre vue. "Quand on regarde dans le visible, la poussière absorbe la lumière. On voit alors des bandes sombres. Mais cette poussière émet dans l'infrarouge, et avec le James-Webb [spécialisé dans l'infrarouge], nous pouvons vraiment voir ces structures de poussières et de gaz", commente l'astrophysicien Eric Lagadec.

"On voit des filaments avec des gaz et de la poussière. On voit aussi des trous : c'est là que des étoiles ont explosé."

Eric Lagadec, astrophysicien

à franceinfo

De façon générale, il existe deux grands types de galaxies spirales, exposait l'astrophysicienne Françoise Combes au Collège de France, en 2017 : le "grand design", qui présente des formes régulières, avec "des bras spiraux qui vont du centre au bord", et le "stochastique", qui va présenter "des petits bouts de bras spiraux", mais sans structure cohérente.

La galaxie du Fantôme, qui se distingue par sa grande régularité et sa symétrie forte, fait partie de la première famille. Le "motif" de la galaxie NGC 628, qui peut évoquer de la "dentelle" selon Annie Hughes, est lié à la façon dont les jeunes étoiles se comportent et structurent leur environnement, notamment les gaz alentour.

Parmi les 19 images de galaxies mises en avant, NGC 4254 (aussi appelée M99), située dans la constellation de la Chevelure de Bérénice, à 50 millions d'années-lumière de la Terre, se caractérise par une grande régularité.

La galaxie NGC 4254 (aussi appelée M99), située dans la constellation de la Chevelure de Bérénice, à 50 millions d'années-lumière de la Terre, vue par des instruments du télescope James Webb, dans une image publiée le 29 janvier 2024. (SPACE TELESCOPE SCIENCE INSTITUT / ESA/WEBB)

La (très) lumineuse galaxie NGC 1087

Le motif de la galaxie NGC 1087, qui se trouve dans la constellation de la Baleine, à 80 millions d'années-lumière de nous, est moins régulier que celui de la galaxie du Fantôme. Mais Annie Hughes souligne que notre œil est irrémédiablement attiré par la brillance de son cœur.

La galaxie NGC1087 vue par des instruments du télescope James Webb, dans une image publiée le 29 janvier 2024. (NASA / ESA / CSA / STSCI / J. LEE (STSCI) / T. WILLIAMS (OXFORD))

Cette luminosité, selon elle, est liée à l'activité causée par le trou noir supermassif qui se trouve au centre de cette galaxie. La brillance peut être causée par deux choses : soit il y a beaucoup de matière, soit cela a été fortement chauffé lors du transfert de matière du cœur de la galaxie vers son trou noir.

Le motif en spirale est plus facile à distinguer avec les images qui suivent (en vidéo), également réalisées dans le cadre du projet Phangs, mais faites avec des instruments du Very Large Telescope de l'observatoire européen austral (ESO), qui se trouve dans le désert d'Atacama, au Chili.

Les galaxies spirales barrées (comme NGC 3351 et NGC 1512)

Située dans la constellation du Lion, à 33 millions d'années-lumière de la Terre, la galaxie NGC 3351, aussi appelé M95, est une galaxie spirale. Et plus précisément une galaxie spirale barrée. Une sous-famille dont fait partie la Voie lactée. Les bras spiraux ne partent pas directement du centre de la galaxie, mais d'une barre qui passe en son centre. 

La galaxie NGC 3351 vue par des instruments du télescope James Webb, dans une image publiée le 29 janvier 2024. (NASA / ESA / CSA / STSCI / J. LEE (STSCI) / T. WILLIAMS (OXFORD))

Sur l'image ci-dessus, cette barre est bleutée, mettant en évidence la présence d'un amas d'étoiles concentré autour du centre de la galaxie. Ces étoiles ont toutes le même âge et ont des caractéristiques différentes de celles présentes ailleurs dans la galaxie, remarque Annie Hughes.

Au-delà du halo central, les filaments des bras spiraux sont parsemés de trous, comme cela a été constaté dans d'autres cas, comme celui de la galaxie du Fantôme. Globalement, le schéma est dans la même veine pour NGC 1512 (ci-dessous). Cette autre galaxie spirale barrée se trouve dans la constellation de l'Horloge, à environ 30 millions d'années-lumière de nous.

La galaxie NGC 1512 vue par des instruments du télescope James Webb, dans une image publiée le 29 janvier 2024. (NASA / ESA / CSA / STSCI / J. LEE (STSCI) / T. WILLIAMS (OXFORD))

S'il est spécialisé dans l'observation d'objets très lointains, les nouveautés apportées par le télescope James-Webb, dans ce volet sur les galaxies spirales, vont permettre de mieux connaître la formation des étoiles. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.