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A-t-on vraiment trouvé la recette de l'élixir de jeunesse grâce à des souris ?

Des équipes de chercheurs américains ont montré que la transfusion de sang de jeunes souris sur des rongeurs plus âgés a des effets bénéfiques sur les muscles mais aussi sur le cerveau. Un pas de plus vers la découverte d'un élixir de jouvence ?

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Des chercheurs américains ont révélé le 4 mai 2014 l'effet bénéfique sur le cerveau et les muscles de la transfusion de sang d'une souris jeune à une souris plus âgée. (ODILON DIMIER / MAXPPP)

Des séances collectives de transfusion sanguine dans les maisons de retraite de l'hexagone histoire de redonner un bain de jouvence à tous les résidents : vous pensez être au milieu d'un scénario de science-fiction ? Oui peut-être, mais les dernières études de chercheurs américains sur les bienfaits d'un transfert de plasma d'une jeune souris à une souris plus âgée, relancent l'éternelle question du rajeunissement. Francetv info fait le point sur ces nouvelles recherches en trois points.

Des avancées significatives

Dimanche 4 mai, les deux centres de recherche de Stanford et Harvard ont publié simultanément les résultats de leurs recherches dans la revue Nature (en anglais).

Tout d'abord, l'équipe des professeurs Amy Wagers et Lee Rubin de Harvard, a montré que la transfusion de plasma d'une jeune souris sur une souris plus âgée permet de revivifier ses muscles. Les rongeurs âgés qui ont reçu du sang neuf ont été capables de parcourir des labyrinthes beaucoup plus rapidement, et ce grâce à la présence dans le sang de la protéine baptisée GDF11.

Par ailleurs, les expérimentations menées par l'équipe du professeur Saul Villeda de Stanford ont permis de constater, de manière plus inattendue, que cette même transfusion augmentait les performances cognitives de la souris la plus âgée. Ainsi une souris âgée de 18 mois, à qui on a transfusé du sang provenant d'une souris de 3 mois, arrive mieux à retrouver une plate-forme cachée dans l'eau d'une piscine dans laquelle elle est plongée. Et cela grâce à des repères qu'elle avait dû mémoriser au préalable. "Il y a sûrement quelque chose de spécial dans le sang jeune qui permet d'améliorer de nombreux aspects du vieillissement", a commenté Saul Villeda à l'AFP. Le facteur, qui stimule ces neurones et qui permet de les restaurer, doit encore être identifié.

Les deux études ont par ailleurs confirmé que la transfusion avait augmenté la croissance des neurones du cerveau et les performances olfactives de la souris âgée.

Un espoir pour la recherche

"Notre étude est la première à montrer un effet du sang jeune sur des fonctions cognitives supérieures", s'est félicité le professeur Villeda. Néanmoins d'autres équipes de recherche travaillent depuis des années sur le thème du rajeunissement. 

En 2005, les travaux du neurologue Thomas Rando et de son équipe de l'université de Stanford avaient déjà ouvert la voie, comme le rappelle Le Figaro. Ils ont montré que des "cellules souches de muscles de souris âgées retrouvaient leur aptitude réparatrice lorsqu’elles étaient transférées chez de jeunes souris", rapportait Sciences et Avenir. Puis l'équipe a voulu observer le comportement du sang. Les chercheurs ont transfusé de manière réciproque des souris de différents âges, et observé les réactions de leur organisme aux lésions. Quand deux souris âgées échangent leur sang, la cicatrisation est lente. Mais quand une souris âgée reçoit le sang d'une souris plus jeune alors le processus de cicatrisation est accéléré. 

En France en 2011, Jean-Marc Lemaître, directeur de recherches à l'Inserm et spécialiste du vieillissement des cellules, et son équipe de l'institut de génomique fonctionnelle de Montpellier, ont mis au point une technique pour faire rajeunir des cellules humaines. Ainsi, des cellules prélevées sur des personnes centenaires sont revenues au stade de cellules embryonnaires, comme pour un nourrisson, explique France Info"Nous n'avons pas trouvé le secret de l'immortalité mais nous avons réussi à effacer les marqueurs du vieillissement de ces cellules. Néanmoins la cellule reprend ensuite son cycle de vieillissement", avait alors déclaré Jean-Marc Lemaître à La Dépêche. L'Inserm évoquait alors une "nouvelle étape vers la médecine régénérative". 

Mais des applications encore lointaines

De la recherche à la pratique, comment peut-on imaginer une traduction de ces résultats ? Vu de France, cela ne semble pas si simple. "Pour moi qui suis clinicien, c'est à la limite de la science-fiction", confie Philippe Ménasché, professeur en chirurgie cardiaque à l'Hôpital européen Georges Pompidou (APHP), contacté par francetv info. "Une application de ces résultats me paraît illusoire, il ne faut pas donner de l'espoir aux gens en leur disant qu'ils vont tous rajeunir", poursuit-il. Le professeur ajoute, "toutefois il s'agit là d'outils méthodologiques prometteurs et la protéine qu'ils ont réussi à isoler dans le plasma est intéressante". 

Joint par francetv info, Jean-Marc Lemaître, estime qu'il faut maintenant "montrer que cette protéine a le même effet sur la souris et sur l'homme". "C'est encore à fouiller et les expérimentations doivent se poursuivre sur des animaux", ajoute-t-ilSelon le spécialiste, grâce à de telles recherches, on pourrait notamment espérer corriger les effets de maladies neurodégénératives qui apparaissent avec l'âge. "On est encore dans l'exploration mais c'est très excitant", poursuit-il. Jean-Marc Lemaître explique à francetv info que son équipe entend bien se saisir de ces résultats : "La protéine isolée va être mise à disposition très rapidement par les laboratoires pour faire des tests sur des souris. C'est très prometteur, on va regarder ça de près."

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