Cet article date de plus de neuf ans.

Touchers vaginaux et rectaux : trois questions pour comprendre la polémique

Une cinquantaine de médecins, journalistes et féministes dénoncent l'enseignement aux jeunes médecins du toucher vaginal ou rectal sur des patients anesthésiés. Certains praticiens défendent l'intérêt de la pratique.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une cinquantaine de médecins, journalistes et féministes ont dénoncé, le 6 février 2015, l'apprentissage des touchers vaginaux et rectaux sur des patients anesthésiés (photo d'illustration). (GARO / PHANIE / AFP)

"Doit-on enseigner aux jeunes médecins le toucher vaginal ou rectal sur des patient-e-s endormi-e-s au bloc ?" Une cinquantaine de médecins, journalistes et féministes ont publié, vendredi 6 février, une tribune dénonçant des pratiques "faisant fi" du consentement des malades.

La polémique a éclaté lundi, après la publication d'un article de Metronews qui relayait un document publié sur le site de la Faculté de médecine Lyon Sud Charles-Mérieux. Le texte évoquait un "apprentissage du bloc sur patiente endormie", laissant penser que ces méthodes étaient employées par ses étudiants. Qu'en est-il réellement ? Faut-il s'inquiéter d'une telle pratique ? Francetv info revient sur la polémique en trois questions.

Les touchers vaginaux ou rectaux sur des patients endormis sont-ils courants ? 

Un médecin cité dans l'un des documents dévoilés par Metronews affirme ne pas "connaître l'existence" de ce carnet. Praticien à Lyon-Sud, il assure également ne pas avoir eu connaissance d'une "telle pratique" au sein de son établissement. Des allégations fermement démenties par l'hôpital : "Il n'a jamais été organisé de formation sur des patientes endormies (...) Ce n'est pas possible, ce n'est pas éthique, ce serait inacceptable", affirme le chef du service de Lyon Sud, François Golfier.

Pourtant, de nombreux témoignages évoquent l'existence de tels touchers vaginaux et rectaux. "Il ne faut pas être hypocrite, tout le monde le fait", affirme à Pourquoi docteur le chef du service urologie d'un hôpital parisien. Interrogée par le site spécialisé, une ancienne externe raconte ainsi avoir été invitée, avec d'autres étudiants, à examiner la prostate d'un malade anesthésié. "Oui, on pratique les touchers vaginaux sur des patientes endormies", affirme aussi, sur notre blog "Souriez, vous êtes soignés", un interne en médecine.

Dans L'Obs, le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français confirme la pratique. Bernard Hédon se refuse cependant à parler d'"entraînement" et préfère évoquer un acte de "formation" des étudiants, "sous la responsabilité du médecin". "Les étudiants palpent beaucoup mieux les structures lorsque la patiente est anesthésiée, car les muscles sont détendus", explique-t-il.

Que demandent les opposants à cette pratique ? 

Dans leur tribune, les opposants à la pratique estiment qu'elle "fait fi" du consentement des malades. "Négation" des droits du malade, le toucher vaginal "effectué sans consentement pourrait même être assimilé, au sens pénal, à un acte de pénétration sexuelle commis sur la personne d'autrui par contrainte ou par surprise, c'est-à-dire un viol", écrivent-ils.

Ils demandent aux ministres Marisol Touraine (Santé) et Najat Vallaud-Belkacem (Enseignement supérieur) "de faire toute la lumière sur cette affaire et les conditions de l'apprentissage pratique des futurs médecins". Les signataires réclament d'ailleurs le recueil systématique du consentement des patients "sur les actes pratiqués par des étudiants dans l'ensemble des hôpitaux français".

"L'apprentissage des touchers pelviens et rectaux doit être réalisé dans le respect de la loi, avec interdiction formelle pour un étudiant d'examiner un(e) patient(e)" sans son "consentement éclairé", ni "sans la présence et la supervision d'un enseignant", répond le ministère. "Si des infractions étaient avérées elles seraient inadmissibles et devraient être sanctionnées." Sur Twitter, la secrétaire d'État chargée des Droits des Femmes, Pascale Boistard, réclame "la lumière sur les cas évoqués".

Que répondent leurs confrères ? 

"Personne ne subira un toucher vaginal s'il vient se faire opérer de l'oreille ou de l'épaule, explique un interne en médecine sur notre blog "Souriez, vous êtes soignés". C'est bien sûr au cours d'une intervention gynécologique ou urologique que ce geste est important. (...) Dans ces contextes opératoires ce geste est évidemment utile pour la santé de la patiente."

Le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français estime que cette pratique est encadrée, avec la présence de praticiens chevronnés. "Ce type d’examen est pratiqué dans un bloc, avec un anesthésiste autour, une infirmière, détaille-t-il. C’est de la médecine, on n’est pas dans un fantasme de viol !" Bernard Hénon reconnaît que les patients ne sont pas forcément prévenus en amont, mais estime que "faire signer un papier avant cet examen" relèverait de "la pudibonderie" : "Le corps médical est très respectueux des patients."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.