Migraines : le mal est-il plus profond que ce que l'on pensait ?
Pour l’essentiel, les structures du cerveau sont insensibles à la douleur – ce qui permet de réaliser des opérations sur patient éveillé. Toutefois, certains maux de têtes sont liés à la sensibilité de certains vaisseaux sanguins qui irriguent cet organe, ainsi qu’à celle de la dure-mère (structure fibreuse qui entoure le cerveau). Le fait est établi de longue date : en 1940, deux chercheurs nord-américains, Bronson Ray et Harold Wolff, ont recensé ces zones sensibles au cours d’une trentaine d’opérations du crâne sur des patients éveillés. Depuis lors, leurs observations "positives" ont été confirmées par d’autres chercheurs. Mais les zones désignées comme insensibles l’étaient-elles réellement ?
Des chercheurs français ont voulu en avoir le cœur net. Entre 2010 et 2017, trois neurochirurgiens ont invité les patients devant bénéficier d’une extraction de tumeur cérébrale à indiquer toute sensation douloureuse au cours des opérations. Années après années, les chirurgiens ont été surpris de voir que certains de leurs gestes chirurgicaux, théoriquement indolores, entraînait des sensations ponctuelles mais vives sur le visage de leurs patients.
Une étude publiée fin janvier dans la revue Brain compile l’ensemble de ces observations, qui suggèrent fortement que Ray et Wolff n’avait pas achevé leur cartographie des zones sensibles : la pie-mère – la méninge la plus fine, qui tapisse les circonvolutions cérébrales – et certains des vaisseaux qui l’alimentent seraient bel et bien sources potentielles de douleur, dans une zone pouvant courir du front à la racine du nez, en passant par les yeux et les tempes.
Les auteurs notent que de nombreux arguments existent aujourd’hui pour désigner les artères intracrâniennes comme l’une des principales sources de la douleur ressentie dans les migraines (caractère pulsatile de la douleur, similitude entre migraine et douleur induite par dilatation des artères et dans certaines pathologies). Or, "les petites artères de la pie-mère étant considérées comme insensibles à la douleur, la plupart des hypothèses physiopathologiques ont porté sur le rôle des artères de la dure-mère et [d’autres artères cérébrales]". Selon les chercheurs, "la similitude entre les localisations de la douleur après stimulation des petites artères de la pie-mère [et celles de la migraine]" rend plausible leur implication dans cette affection. Des recherches ultérieures doivent permettre de confirmer cette hypothèse, qui pourrait alors offrir de nouvelles cibles thérapeutiques.
Source : Denys Fontaine et al, "Dural and pial pain-sensitive structures in humans: new inputs from awake craniotomies", Brain, 28 janvier 2018, doi: 10.1093/brain/awy005
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.