Plusieurs centaines d’études scientifiques accusées d’avoir utilisé des organes de détenus chinois
Qui dit recherche médicale dit forcément règles éthiques. Dans une publication parue dans le journal BMJ Open, des chercheurs en philosophie et en éthique médicale des universités de Sydney et Macquarie (Australie) appellent au retrait des études soupçonnées d’avoir utilisé pour des greffes des organes obtenus sans consentement sur des prisonniers condamnés à mort en Chine. Ces études, conduites en Chine, ont été publiées dans des revues scientifiques internationales, en langue anglaise. Mais les chercheurs australiens ne précisent pas si des scientifiques d'autres nationalités ont collaboré à ces travaux.
92,5% des études analysées ne précisent pas la source des organes
En pratique, les chercheurs à l’origine de ces travaux se sont penchés sur toutes les études scientifiques portant sur des greffes d’organe (cœur, foie ou poumon) en Chine publiées entre janvier 2000 et avril 2017, soit un total de 445 études. Si la majorité des études précisent que le consentement des participants recevant les greffes a bien été recueilli, il n’en est pas de même pour le consentement des donneurs. Ainsi, sur toutes ces publications, 412 (soit 92,5%) ne précisent pas la source de provenance des organes utilisés et 439 (soit 99%) ne mentionnent pas si le don d’organe a fait ou non l’objet d’un consentement préalable.
Parmi les papiers les plus transparents, 33 stipulent explicitement avoir utilisé des organes de personnes volontaires. Une affirmation que les auteurs de l’étude australienne peinent à croire, et pour cause : "selon les rapports chinois, toute la Chine ne comptait que 120 donneurs volontaires jusqu’en 2009 et le nombre de dons était faible pendant les débuts du programme de donneurs volontaires, entre 2010 et 2014."
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"Des prisonniers d’opinion tués dans le but de se procurer des organes" ?
Or, "l’usage des organes provenant de prisonniers exécutés est largement condamné car la situation coercitive d’être dans le couloir de la mort ébranle la possibilité d’un consentement éthique valide, ou le consentement pourrait même ne pas du tout avoir été recherché. De plus, en Chine, de nombreux rapports crédibles sur des prélèvements d’organes non volontaires sur des prisonniers d’opinion s’ajoutent aux préoccupations éthiques" alertent les chercheurs dans leur publication. "Il est donc possible – même si cela n’est pas vérifiable dans un cas particulier – que des publications revues par des pairs contiennent des données obtenues sur des prisonniers d’opinion tués dans le but de se procurer des organes" alertent les docteurs Wendy Rogers et Matthew Robertson, co-auteurs de l’étude, dans une tribune qu’ils signent sur le site The Conversation.
En demandant le retrait de ces études aux sources d’organes douteuses, mais aussi l’organisation d’un sommet international autour des études sur les greffes d’organes, les scientifiques se font les avocats d’une recherche médicale intègre. Les études scientifiques se fondent en effet sur plusieurs règles éthiques, dont celle du consentement libre et éclairé des participants à une expérimentation. En Europe, celui-ci est défini par la Convention européenne sur les droits de l’Homme et la biomédecine selon laquelle "une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu'après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l'intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement." Une condition sine qua non qui s’applique à tous les types d’intervention, y compris le prélèvement d’organes post mortem.
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