Cet article date de plus de six ans.

Sida : "L'État s'est retiré des dispositifs de prévention", dénonce l'association Aides

L'association de lutte contre le sida Aides tire la sonnette d'alarme à deux jours du Sidaction. Son président Aurélien Beaucamp dénonce mercredi sur franceinfo un manque de prévention à destination des jeunes. "C'est de la responsabilité de l'État", estime-t-il.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Aurélien Beaucamp, président de l'association Aides avec Florence Thune, secrétaire générale de Sidaction, le 24 juillet 2017 devant le ministère de la Santé. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

Alors que la manifestation du Sidaction commence vendredi 23 mars, une étude alarmante est publiée par l'Ifop. D'après ce sondage, les jeunes de 15 à 24 ans sont de plus en plus mal informés sur le sida. Un jeune sur cinq pense que le virus peut se transmettre en embrassant une personne malade ou par sa transpiration. Pire encore, 14% des jeunes interrogés disent avoir des pratiques sexuelles à risque non protégées. Cette situation est liée au fait que "l'État s'est retiré de ces dispositifs de prévention", estime, mercredi 21 mars sur franceinfo, Aurélien Beaucamp, président de l'association Aides.

Franceinfo : Êtes-vous surpris par le résultat du sondage qui montre un manque d'information des 15-24 ans sur le sida ?

Aurélien Beaucamp : Il ne me surprend plus tellement puisque tous les ans on a ce type d'enquête qui sort et le constat est toujours là. La prévention primaire telle qu'elle existait dans les années 1990 pour les collégiens et les lycéens en terme de prévention des risques sexuels, n'existe plus. En tout cas, beaucoup moins. Pourtant, nous connaissons les solutions. Il faut réintroduire ce passage-là, puisque c'est au collège et au lycée qu'on a cette éducation sexuelle qui permet de réduire les risques de transmission du VIH.

Selon cette étude, 20% des jeunes s'estiment mal informés sur le VIH, d'où vient le problème, selon vous ?

Je fais partie de cette génération des années 1990 où nous étions encore, avant l'arrivée des traitements, sur l'idée d'une maladie mortelle, et où le paquet était mis sur la prévention. À la fin des années 1990, on a eu l'arrivée des traitements, on s'est retrouvés dans la gestion d'une épidémie où nous savions que l'on pouvait soigner les personnes, et où les personnes soignées pouvaient vivre aussi bien que n'importe qui. Donc, l'État s'est retiré de ces dispositifs de prévention, en laissant aux associations le pouvoir de le faire. Sauf que faire de la prévention coûte très cher et forcément les associations ne peuvent pas tout faire. Ce n'est pas notre rôle non plus de travailler sur ces sujets-là. Nous, nous allons sur les populations les plus fragilisées, comme les hommes qui ont des relations sexuelles avec d'autres hommes, les usagers de drogues, les migrants, les travailleurs du sexe, qui sont clairement les populations les plus fragilisées face au VIH. On ne peut pas aller vers les jeunes en général, c'est trop énorme, c'est de la responsabilité de l'État.

On part de très loin, comment expliquer qu'on en soit encore là malgré 30 ans de campagnes de prévention ?

Une campagne de prévention telle qu'elle est affichée dans les métros ou les abribus par exemple ne remplace pas l'échange avec un professionnel de santé ou avec un militant associatif, cela ne suffit pas. Il faut vraiment parler des problématiques de santé sexuelle avec les jeunes en général pour leur donner un background [contexte] initial, et pour savoir de quoi nous parlons. C'est toujours dans le dialogue qu'il faut le faire, et c'est ce qui manque aujourd'hui dans les collèges et les lycées. Ce ne sont pas les parents qui vont le faire, on ne parle pas de sexualité avec ses parents. Ce ne sont pas non plus les professeurs qui vont faire cela. Il y a une proposition du ministère de la Santé qui me semble assez intéressante qui serait de permettre aux étudiants en médecine et aux étudiants infirmiers de faire des stages ou des interventions dans les écoles dans le cadre de leur formation. Ce qui ferait d'une pierre deux coups, parce que la problématique de prévention est aussi très limitée chez les médecins et les personnels soignants.

Y-a-t-il le retour d'une forme de tabou là-dessus ?

Depuis quelques années, effectivement, on assiste à un retour de la morale et du jugement par rapport à ce qui est de l'ordre de l'affectif et du sexuel parce que considéré comme sale. Regardez les débats que l'on a pu avoir par rapport au mariage pour tous, et aujourd'hui par rapport à des affiches de prévention Santé publique France d'il y a deux ans, qui montrent très clairement la réalité de l'épidémie du VIH. Nous avions cette campagne très soft, qui montrait deux gays qui se tenaient par la main. Nous avons eu des maires et élus locaux qui voulaient interdire cette campagne. Ce n'était jamais arrivé auparavant.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.