Vidéo Burn-out des internes : "Non, ce n'est pas normal d'avoir des idées suicidaires à 25 ans", raconte une ancienne étudiante en médecine

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Durée de la vidéo : 7 min
Ancienne interne en médecine, Elena Fournier s'est réorientée après un burn-out. Elle a lancé un programme d'accompagnement pour venir en aide aux internes.
"Non, c'est pas normal qu'à 25 ans, on ait des idées suicidaires", Elena ex-interne en médecine Ancienne interne en médecine, Elena Fournier s'est réorientée après un burn-out. Elle a lancé un programme d'accompagnement pour venir en aide aux internes. (Aude Lambert)
Article rédigé par franceinfo - Aude Lambert
Radio France
Ancienne interne en médecine, Elena Fournier a décidé de se réorienter après un burn-out. Elle a lancé son programme d'accompagnement pour venir en aide aux internes qui subissent ce mal-être encore tabou dans la profession.

"Est-ce que j'arrête la médecine ?" Elena Fournier a tourné cette question mille fois dans sa tête avant de prendre sa décision, il y a deux ans. Le parcours de cette Nîmoise de 25 ans, ancienne interne en médecine générale, a pris un tout autre tournant à la suite d'un burn-out.

En 2016, la jeune femme débute ses études de médecine. Comme tous les étudiants en médecine, elle fait d'abord ses premières années d'externat. Elle rencontre des premiers signes de stress intense pendant sa 6e année d'études."J'étais épuisée physiquement et mentalement, j'avais cette impression d'étouffer." À ce moment-là, Elena n'ose pas parler de son mal-être autour d'elle.

"Je ne pouvais plus ouvrir un bouquin, je pleurais toute la journée."

Elena Fournier, ex-interne en médecine

à franceinfo

Vient ensuite sa première année d'internat, avec des périodes de stage. Entre les révisions, les stages, les gardes, la thèse à préparer, la pression monte d'un cran.

Lors d'un stage à l'hôpital aux urgences, son mal-être prend une autre dimension, elle craque un jour de garde. "Je me suis retrouvée dans un box à examiner un patient et je me suis mise à pleurer. C'était une personne âgée, elle n'a pas du tout vu que je pleurais. Moi, je ne me rend pas compte que ce n'est pas OK d'être dans cet état-là et c'est impossible que je dise 'Ça ne va pas, je ne peux plus !', car sinon le chef se retrouve tout seul." L'étudiante est surtout paniquée à l'idée de faire une erreur dans son diagnostic : "Je me dis juste que je n'ai pas le choix".

Lever le voile sur ce tabou

Pendant plusieurs mois, Elena se tait. Le problème semble tabou autour d'elle mais ce mal-être, l'étudiante le ressent aussi chez ses pairs."J'avais honte que ça n'aille pas, et je n'avais pas envie d'en parler parce que j'avais l'impression que ça n'allait pas pour beaucoup de personnes."

En 2021, une enquête sur la santé mentale des futurs médecins avait été menée par l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et l'Association nationale des étudiants en médecine de France (l'Anemf) auprès de plus de 11 000 internes. 67% des étudiants avaient répondu avoir ressenti des symptômes de burn-out et 19% évoquaient des pensées suicidaires.

"J'avais honte de parler car mes co-internes n'étaient pas au top non plus."

Elena, ancienne interne en médecine

à franceinfo

Elena culpabilisait de se sentir mal, "Tout le monde se sentait un peu mal autour de moi. Eux aussi allaient mal, donc dire 'ça ne va pas', c'était leur refiler mon temps de travail, ça aurait été pire pour eux." Avec le recul, l'étudiante se rend compte que son mal-être était multifactoriel. Elle pointe la peur de ne pas être à la hauteur en tant que médecin, et "la perte de sens". "Je ne comprenais pas comment fonctionnait l'hôpital. Et puis avec le manque de temps, le manque de moyens, on finit par maltraiter les patients, ça m'était devenu insupportable. C'est pour ça que j'ai décidé d'arrêter."

Quand Elena décide d'évoquer son épuisement professionnel avec ses supérieurs, la jeune femme reçoit une écoute bienveillante mais des réponses en décalage avec son ressenti : "Leur première réaction ça a été de dire : 'Moi aussi, j'ai douté. Moi aussi, j'ai remis en question le fait d'être médecin. Tu vas t'arrêter, te reposer et ça va aller.' Pour moi, à ce moment-là, c'est impossible d'entendre ça car je ne veux plus remettre un pied à l'hôpital."

Une communauté d'entraide

S'ensuivra une période de doutes et l'essai de différentes thérapies. "J'ai tout essayé : la sophrologie, les anxiolytiques, les antidépresseurs". Elle se tourne aussi vers un psychologue puis un psychiatre. Mais c'est lorsqu'elle finit par parler à deux anciens internes reconvertis qu'Elena a le déclic : elle veut aider ses pairs.

Elle lance alors une communauté sur Facebook, qui va vite gagner en membres : Colibri Libre, Entraide Santé mentale pour internes et externes en médecine. Aujourd'hui, 2 000 internes y sont inscrits. Elena se rend compte que cette communauté s'étoffe. Elle met alors en place un programme de suivi pour soutenir et proposer les solutions qu'elle aurait aimé trouver à l'époque : une partie gratuite avec la communauté et des vidéos et contenus libres, et un accompagnement payant avec un suivi individuel quotidien pour passer le cap difficile et des groupes de parole entre internes.

L'important pour elle, c'est de mettre en place de nouvelles habitudes pour sortir de cette spirale néfaste. Prioriser un équilibre professionnel et personnel, s'accorder des pauses… "La question, finalement, ce n'est pas tellement 'Est-ce que je dois arrêter la médecine ?' C'est plutôt 'Comment je fais pour être épanoui dans la vie ?""

Si Elena reconnaît rencontrer de nouveaux défis dans sa carrière d'entrepreneure, elle ne regrette absolument pas son choix d'arrêter, ni ses longues études qui font sens aujourd'hui. Une autre façon d'aider les autres. Et de conclure : "Je sais pourquoi je me lève le matin !"

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