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Industrie, université, spécialité... Le déremboursement de l'homéopathie en cinq questions

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé mercredi 10 juillet la fin prochaine du remboursement de l'homéopathie. Une décision historique qui pose de nombreuses questions.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le gouvernement a annoncé, mercredi 10 juillet, le déremboursement de l'homéopathie. (GARO / PHANIE / AFP)

C'est une petite révolution de santé publique. Le gouvernement a annoncé, mercredi 10 juillet, le déremboursement progressif de l'homéopathie. "J'ai toujours dit que je suivrais l'avis de la Haute Autorité de santé (HAS), j'ai donc décidé d'engager la procédure de déremboursement total", a expliqué la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dans les colonnes de Parisien

Certains médicaments homéopathiques étaient jusqu'ici remboursés par la Sécurité sociale sans avoir prouvé leur efficacité scientifique, en vertu d'un statut dérogatoire. Leur taux de remboursement, fixé à 65% en 1984, avait déjà été ramené à 35% en 2003 puis 30% en 2011.

L'an dernier, l'homéopathie a représenté 126,8 millions d'euros sur environ 20 milliards pour l'ensemble des médicaments remboursés, selon l'assurance-maladie. Franceinfo revient sur les questions qui se posent après cette décision historique.

1Qu'a décidé la ministre ?

Dès le 1er janvier 2020, les petites granules aujourd'hui remboursées à 30% ne le seront plus qu'à 15%, puis ce remboursement disparaitra en 2021, a-t-on appris mardi auprès du ministère de la Santé. Une décision en deux temps qui ne satisfait ni les laboratoires ni les tenants de l'"anti-homéopathie". Cette "période de transition" permettra de "se laisser le temps de la pédagogie" auprès des patients et "laissera aussi le temps aux industriels de s'organiser", a plaidé la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.

La ministre adresse donc une fin de non-recevoir aux laboratoires qui avaient plaidé pour un "moratoire" sur la question du remboursement et pour un "débat parlementaire" après la publication fin juin de l'avis scientifique accablant de la Haute autorité de santé (HAS). Cet organisme chargé d'évaluer les médicaments avait conclu que les produits homéopathiques n'avaient "pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d'un remboursement".

2Quelles conséquences pour l'industrie ?

De nombreux députés et élus de régions, comme Xavier Bertrand (Hauts-de-France) ou Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes), abritant des sites de production d'homéopathie, s'étaient prononcés pour un maintien du remboursement, mettant en avant l'activité économique générée. Les laboratoires assurent qu'un déremboursement va mettre en péril 1 300 emplois : 1 000 chez le français Boiron (leader mondial) et 300 chez le français Lehning et le suisse Weleda.

Un argument qui n'émeut pas la ministre de la Santé. "Je suis la ministre de la Sécurité sociale, dont l'argent n'a pas vocation à soutenir des entreprises, même si elles sont françaises", rappelle Agnès Buzyn dans Le Parisien. Selon elle, les laboratoires ne seront pas déstabilisés puisque les Français continueront à consommer des traitements homéopathiques et que le marché se développe à l'international, notamment en Asie.

3Comme réagissent les anti-homéopathies ?

Le collectif FakeMed, qui rassemble des médecins opposés à la prise en charge de l'homéopathie, à l'origine d'une tribune publiée en 2018 qui avait relancé le débat, s'est dit "déçu" de ce déremboursement "petit à petit". "Passer à 15%, ça n'a pas de sens, juge François Morel, secrétaire de ce collectif, interrogé par l'AFP. Un remboursement à 15%, cela correspond à un service médical rendu faible ou peu important, alors que la HAS a statué sur l'absence d'efficacité spécifique de l'homéopathie".

4L'homéopathie va-t-elle continuer d'être enseignée à l'université ?

L'instance qui représente les médecins généralistes enseignant en faculté a réclamé, vendredi 5 juillet, la "suppression" des diplômes universitaires d'homéopathie : celle-ci véhicule des "aberrations grossières aux antipodes de la démarche scientifique", a accusé le CNGE (Collège national des généralistes enseignants). La suppression de ces diplômes est également une demande du collectif FakeMed. A l'inverse, les partisans de l'homéopathie estiment "important" que son "enseignement continue à être délivré dans un cadre universitaire", assurait mi-juin Charles Bentz, président du syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF).

Actuellement, cet enseignement n'est qu'optionnel et fait l'objet de diplômes universitaires (DU), parfois délivrés conjointement par plusieurs facs (diplômes interuniversitaires ou DIU). "La moitié des facultés de médecine [sur une trentaine en tout] propose encore des diplômes universitaires d'homéopathie, ainsi que certaines facultés de pharmacie", souligne le CNGE. Certaines y ont toutefois renoncé. En septembre dernier, la faculté de Lille avait suspendu le sien dans l'attente de l'avis de la HAS et celle d'Angers l'avait tout simplement supprimé.

Mardi 9 juillet, le président de l'université Paris-Descartes a annoncé son souhait de suspendre le DU d'homéopathie de sa faculté de pharmacie. "Nous sommes la première université de santé en France. Nous revendiquons une approche scientifique et nous formons nos étudiants à l'esprit critique. C'était un peu incohérent d'avoir ce DU, qui donne une caution à une pratique très contestée", explique à franceinfo Frédéric Dardel. Soutien affiché du collectif FakeMed, il avait été interpellé sur les réseaux sociaux sur le paradoxe de continuer à proposer cet enseignement dans son université.

J'ai pris ma décision vis-à-vis de l'image que ça renvoie. Une grande université qui enseigne une technique qui n'a pas d'effets, c'est embarrassant.

Frédéric Dardel, président de l'université Paris-Descartes

à franceinfo

A l'inverse, d'autres facs ne comptent pas supprimer leur diplôme d'homéopathie, en tout cas pour l'instant. Lyon-1, qui propose un DIU en partenariat avec Brest et Reims, n'envisage pas sa fermeture "sans une demande officielle de la part de la conférence des doyens ou du ministère""Les soins par l'homéopathie sont une réalité en France, il est donc du ressort de l'université de pouvoir accompagner des formations qui, sinon, seraient faites à l'extérieur sans aucun contrôle", fait valoir la fac lyonnaise, dont un amphithéatre porte le nom du laboratoire Boiron.

5Les médecins pourront-ils continuer à se dire homéopathes ?

L'avis de la HAS pourrait avoir une dernière conséquence. La mention "homéopathie" sur les plaques et les ordonnances des médecins pourrait être interdite par le Conseil national de l'Ordre des médecins. Ce dernier se réunira en octobre pour trancher sur ce "droit au titre", qui permet aux médecins de se prévaloir de certaines spécialités. "Si le droit au titre était supprimé, ça voudrait dire que la mention 'homéopathie' ne serait plus reconnue par l'Ordre", expliquait à l'AFP son président, Patrick Bouet.

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