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Faut-il privilégier l'automédication ? "Le bon sens ne remplacera jamais l'avis d'un professionnel"

L'industrie pharmaceutique a lancé, lundi, une campagne de sensibilisation pour inciter les patients à se soigner seuls en cas de pathologies bénignes. Ce qui n'est pas du goût des médecins, dont nous avons recueilli les avis.

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Dans une pharmacie de Lille, le 18 avril 2016. (MAXPPP)

"L'automédication permettrait de réaliser des économies de plus de 1,5 milliard d’euros dès la première année", affirme l'étude publiée par l'Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa) en mars. L'association s'est appuyée sur ces données pour lancer sa campagne, lundi 20 juin, incitant les Français à se soigner seuls lorsqu'ils sont atteints de pathologies bénignes. 

Argument principal : les économies qui pourraient être réalisées sur les consultations médicales et le remboursement des médicaments par l'assurance-maladie. Une campagne qui tombe à pic dans le contexte de la contestation contre certains médicaments trop chers, traitant des pathologies lourdes, qui plombent les comptes de l'assurance-maladie.

L'automédication représente 15,4% du marché des médicaments, d'après l'Afipa, et l'argument de l'association semble être essentiellement économique. Mais pour les médecins contactés par francetv info, ça n'est pas suffisant. Explications. 

"Ça m'arrive d'avoir des patients qui ne savent pas pourquoi ils sont dans mon cabinet"

"On a fait dix ans d’études, donc on est sans doute les plus qualifiés pour soigner, affirme Mehdi Yalaoui. On aura toujours un regard basé sur l’expérience et on saura interpréter les signes." Le jeune interne en médecine, qui exerce dans l'Oise, donne l'exemple, d'apparence banale, d'un mal à la tête. "Si c'est sur une personne de 30 ans en bonne santé, je ne vois pas d'inconvénients à ce qu'elle prenne un Doliprane [paracétamol], mais si c'est sur une personne plus âgée, cela peut être le signe d'une poussée de tension que le patient n'interprétera pas forcément comme tel." 

Guillaume Potherat, médecin remplaçant à Paris, renchérit : "Ça m'arrive d'avoir des patients qui ne savent même pas pourquoi ils sont dans mon cabinet, au-delà des symptômes, ou qui ont mal identifié leur pathologie." Dans ces conditions, difficile de se soigner sans l'avis d'un professionnel. Même si l'Afipa encourage les malades à demander conseil aux pharmaciens, "ils ne font pas toujours les bons choix thérapeutiques", constate le médecin parisien.

"Avec l'autodiagnostic par internet, on passe directement du symptôme au drame"

Mais si l'on ne dispose que du bon sens courant, comment savoir si les symptômes nécessitent une consultation ou un simple passage à la pharmacie ? Dans la plupart des cas, soit il s'agit de symptômes chroniques que le patient reconnaîtra sans mal, soit il ira consulter un site internet. Et là encore, les médecins ne sont pas très enthousiastes. 

Les connaissances médicales sont de plus en plus banalisées sur le web, mais ce n'est pas pour autant que tout un chacun peut s'improviser médecin. "Si on n'a pas de formation adéquate, je ne vois pas comment on peut comprendre toutes les informations médicales qui sont disponibles sur internet", affirme Guillaume Potherat. D'ailleurs, pour son confrère de l'Oise, "les sites de vulgarisation sont beaucoup plus anxiogènes que rassurants pour les patients parce qu'ils passent directement d'un symptôme à un drame". 

"Les anti-inflammatoires ne sont pas à prendre à la légère"

D'ailleurs, il convient de rester prudent même avec les médicaments qui sont vendus sans ordonnance. "Les anti-inflammatoires peuvent avoir des effets dramatiques [comme des troubles intestinaux], prévient Mehdi Yalaoui, notamment sur des personnes âgées ou les plus jeunes. C'est le cas de l'ibuprofène. Ce sont des médicaments qu'il ne faut pas prendre à la légère." 

Les seules circonstances dans lesquelles le médecin incite à l'automédication, c'est dans le cas d'une pathologie chronique, par exemple la cystite chez une femme. "Si elle part en vacances et qu'elle a l'habitude d'être touchée par cette infection, je vais lui prescrire d'avance l'antibiotique à prendre, mais tout en lui conseillant de consulter si jamais elle a un symptôme inhabituel comme de la fièvre, explique Mehdi Yalaoui. Car le bon sens le plus élémentaire ne remplacera jamais l'avis d'un professionnel."

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