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Cytotec : "On a considéré mon bébé comme un produit à rentabiliser"

Le Cytotec, médicament destiné à traiter les ulcères gastriques souvent utilisé pour déclencher les accouchements, va être retiré du marché, a annoncé son fabricant jeudi. Élodie, jeune femme qui a été déclenchée grâce à ce médicament, dénonce son utilisation. 

Article rédigé par Bruno Rougier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une femme enceinte, en 2012. Photo d'illustration. (MAXPPP)

Le Cytotec, médicament du laboratoire Pfizer prévu pour soigner les ulcères, va être retiré du marché ler 1er mars 2018, a annoncé l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), jeudi 19 octobre. Ce traitement est en effet régulièrement détourné pour déclencher des accouchements à terme ou des interruptions volontaires de grossesse (IVG), avec des risques pour la mère comme pour l'enfant. Si le Cytotec possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour son utilisation gastrique, il n'en est rien pour les usages gynécologiques dont il fait l'objet. 

Élodie, maman dont l'accouchement a été déclenché par Cytotec, témoigne.

Le scandale a été dénoncé jeudi matin par l'association de défense des patients Le Lien, qui consacrait ses 6e états généraux à l'utilisation constamment détournée de ce médicament, mis sur le marché en 1987. Élodie, jeune maman, a été déclenchée à l'hôpital Necker de Paris après avoir dépassé son terme de trois jours. Pour accélérer l'accouchement, on lui a donné du Cytotec sans lui demander son accord. Aujourd'hui, elle dénonce l'utilisation du Cytotec dans ce cadre-là. 

"Le médicament devait ouvrir mon col, il ne l'a jamais ouvert"

"Le jour du déclenchement, la sage-femme m'a expliqué qu'on allait maturer mon col avec un médicament", se souvient Élodie. Le Cytotec est donc placé au niveau du vagin de la jeune femme, "sans [lui] dire de quoi il s'agissait". Élodie fait alors parts de ses inquiétudes à la sage-femme : "Je lui ai demandé si je pourrai accoucher de manière physiologique, comme il était inscrit dans mon dossier. Elle m'a dit que oui, il n'y avait pas de problème." 

Malgré les douleurs extrêmes qu'Élodie subit, le Cytotec n'agit pas. "Le médicament devait ouvrir mon col. Il ne l'a jamais ouvert", déplore la jeune femme. La suite vire alors au cauchemar pour elle. "On m'a prévenu que j'allais avoir une césarienne donc j'étais dévastée puisque j'ai eu un accouchement médicalisé, et que c'était tout ce que je ne souhaitais pas."

Un médicament 200 fois moins cher que les autres

En plus de son accouchement par césarienne, Élodie regrette l'attitude du corps médical à son égard. Lorsqu'elle demande pourquoi elle a été déclenchée grâce au Cytotec, le chef de service lui répond que ce médicament est moins cher (30 centimes par comprimé contre 60 à 90 euros pour les gels ou tampons) et qu'il permet, d'après lui, un accouchement plus rapide.

Pour faire des économies, pour aller plus vite, ils peuvent prendre des médicaments qui n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché

Élodie, dont l'accouchement a été déclenché par Cytotec

à franceinfo

"Ce qui m'a le plus traumatisé c'est le fait de souffrir", se souvient Élodie. Elle estime que les médecins se focalisent sur l'aspect économique plutôt que sur la santé. "Aucun médecin n'a le droit de faire souffrir comme ça. Ils devraient protéger, proposer des médicaments pour le bien de la patiente. J'ai l'impression qu'on a considéré mon bébé comme un produit à rentabiliser."

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