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Variole du singe : "Il faut s'attendre à ce que le nombre de cas continue d'augmenter dans les semaines et les mois à venir", prévient un virologue

Face à la flambée de cas de variole du singe, l'OMS a décidé de déclencher son plus haut niveau d'alerte. Pour Yannick Simonin, virologue, cette décision va envoyer un "signal positif" au niveau mondial pour "déclencher des mesures appropriées" et "accélérer les campagnes de vaccination".

Article rédigé par Victor Matet - édité par Phéline Leloir-Duault
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des test de variole du singe identifiés comme positifs. Image d'illustration. (JOAO LUIZ BULCAO / HANS LUCAS / AFP)

En janvier 2020, lorsque l'Organisation mondiale de la Santé tire la sonnette d'alarme à propos du Covid-19, déjà 12 000 personnes en Chine et près d'une centaine dans 18 autres pays sont touchées. Deux ans plus tard, l’OMS déclare à nouveau une urgence sanitaire mondiale, cette fois-ci pour la variole du singe qui a dépassé les 17 000 cas – dont plus de 11 000 rien qu’en Europe – et touche 75 pays. Mais les deux épidémies sont difficilement comparables, ne serait-ce qu'en termes de mortalité. La variole du singe n'a fait que cinq morts cette année, pour le moment. C'est la raison pour laquelle les experts n'étaient pas d'accord entre eux sur la conduite à adopter face au virus.

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Pour Yannick Simonin, virologue et enseignant chercheur à l'Inserm de l'université de Montpellier, cette décision doit être saluée car elle n'a "n'a pas fait consensus". Mais il estime qu'au vu de "l'évolution de la situation actuelle, c'est-à-dire une augmentation du nombre de cas constants et des difficultés à maîtriser l'épidémie", il y voit un "signal positif" qui pourra "déclencher des mesures appropriées" et "accélérer les campagnes de vaccination".

franceinfo : 17 000 cas dans le monde, dont plus de 1 500 en France, et presque tous les malades sont des jeunes hommes homosexuels. Pourquoi ce profil est-il particulièrement touché ?

Yannick Simonin : On remarque en effet que la très grande majorité des cas identifiés sont des hommes ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes. C'est donc une partie de la communauté homosexuelle qui est touchée : on est à peu près à 96 % des cas confirmés chez des hommes. On a quelques éléments qui permettent de savoir pourquoi cette communauté est plus particulièrement touchée. Probablement, c'est lié à l'origine à des clusters qui sont apparus dans certains pays et au niveau de rassemblements qui ont eu lieu au sein de cette communauté. Le virus s'est ainsi diffusé assez rapidement, notamment chez les jeunes adultes avec une vie sexuelle active qui ont contribué à favoriser la diffusion de ce virus au sein de cette communauté. Mais ça ne veut pas dire que c'est une maladie qui est uniquement restreinte à la communauté homosexuelle et c'est une maladie qui peut potentiellement également se transmettre au sein de la communauté hétérosexuelle. Donc ce n'est pas une maladie en soi qui ne touche que ou qui ne touchera que la communauté homosexuelle si on la laisse se propager et qu'on ne met pas en place de mesures de contrôle.

Il y a deux semaines, sur notre antenne sur franceinfo, vous exprimiez votre inquiétude avec cette alerte de l'OMS. Dans quelle mesure est ce qu'il faut aujourd'hui s'inquiéter ?

Il est extrêmement difficile avec cette maladie de pouvoir retracer précisément les cas contacts, les chaînes de transmission, puisqu'on est sur un nombre de cas croissant, avec plus de 17 000 cas en Europe. Donc, retracer les chaînes de transmission devient extrêmement compliqué, surtout que les personnes qui ont été infectées par la variole du singe ont du mal à identifier dans quel contexte précisément ils ont été infectés, ainsi que la personne qui aurait pu les contaminer. Du coup, on est obligé de passer par une vaccination plus globale, plus générale au sein de la communauté homosexuelle pour freiner la propagation le plus rapidement possible. Probablement, il faut s'attendre à ce que le nombre de cas continue d'augmenter dans les semaines et les mois à venir, car l'effet de la vaccination prend du temps. Il faut deux doses de vaccin pour les personnes qui n'ont jamais été vaccinées contre la variole humaine, donc c'est un temps long avant d'avoir les effets de la vaccination. 

Quels sont les risques au niveau sanitaire aujourd'hui de cette variole du singe ?

La plupart des cas sont relativement bénins. Sur les 1 500 cas en France, on a environ une trentaine d'hospitalisations, ce qui peut sembler peu. Mais il faut savoir que c'est une maladie qui peut être extrêmement douloureuse, invalidante et qui n'est pas sans effet sur les personnes qui sont infectées, même lorsque les cas sont en majorité bénins. Il faut aussi observer l'évolution potentielle de ce virus : plus un virus circule au sein d'une population donnée, plus il peut potentiellement accumuler des mutations. Néanmoins la variole du singe n'est pas comme le Covid, c'est un virus plus stable, qui mute beaucoup moins, mais qui évolue et mute tout de même, au niveau des séquences à disposition. Plus on laisse un virus circuler, plus on laisse un virus muter, plus on a le risque que le virus s'adapte davantage à l'homme. C'est pour ça qu'il faut agir le plus rapidement possible pour freiner la circulation de ce virus et limiter les risques qu'il évolue également.

Peut-on rappeler les symptômes ?

Les symptômes qu'on observe actuellement sont un peu différents des symptômes qu'on observe dans les zones d'endémie de ce virus, c'est-à-dire dans les zones où le virus circule habituellement. On observe des éruptions cutanées, principalement au niveau des zones génitales, mais également au niveau du visage, de la paume des mains, de la plante des pieds, associée à une fièvre qui peut être modérée. Par la suite, ces éruptions cutanées vont donner des sortes de pustules qui vont se transformer progressivement en cicatrices qui peuvent être extrêmement invalidantes, et puis qui peuvent être associées également à des infections secondaires bactériennes. Donc, ce sont surtout ces risques d'évolution au niveau des lésions cutanées qui peuvent conduire à des hospitalisations.

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