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Vaccins et autisme : l'histoire d'une fraude scientifique

L’association Autisme Vaccinations a annoncé lundi qu’elle allait lancer une action de groupe en septembre contre des laboratoires pharmaceutiques. Les familles représentées sont convaincues que la vaccination est responsable de l’autisme de leurs enfants et exigent des réparations. Cette idée remonte à 1998 avec la publication d’une étude frauduleuse qui continue à propager le virus du doute.
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
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"Nous allons attaquer en justice quatre laboratoires", annonçait dans le Parisien lundi 24 juillet Martine Ferguson-André, militante anti-vaccins et membre de l’association Autisme-Vaccinations. Une action de groupe devrait être déposée devant la justice en septembre, par près d’une centaine de familles, contre les laboratoires Sanofi, Pfizer, Eli Lilly et GlaxoSmithKline. Leur but : obtenir réparation des dommages causés par l’autisme de leurs enfants, dont les vaccins sont selon elles à l’origine.

La mesure annoncée début juillet par la ministre de la Santé Agnès Buzyn d’augmenter le nombre de vaccins obligatoires (de 3 à 11) avait déjà provoqué un tollé chez les anti-vaccins. Ceux-ci s’appuient sur une étude parue en 1998, contredite maintes fois depuis, qui établissait un lien entre autisme et vaccination ROR (Rougeole-Oreillons-Rubéole).

En 1998, un chirurgien britannique, Andrew Wakefield, publie un article fracassant dans l'une des plus grandes revues médicales, The Lancet. Il y décrivait une forme d'entérocolite avec autisme chez l'enfant, qu'il reliait à la vaccination ROR : Rougeole-Oreillons-Rubéole. Cet article a servi de prétexte à des campagnes anti-vaccination. A la suite de la présentation des résultats, une chute importante de la couverture vaccinale a été constatée, notamment au États-Unis et au Royaume-Uni. En France, on a observé une résurgence de la maladie entre 2008 et 2012, avec un pic en 2011 (plus de 24.000 cas déclarés).

Seulement douze patients étudiés

La rougeole est une maladie virale très contagieuse pour laquelle il existe un vaccin efficace (en combinaison avec les oreillons et la rubéole : le ROR) depuis de nombreuses années et qui, avec un taux de couverture vaccinale supérieur à 95%, permet d'éradiquer la maladie, comme on l'a fait avec la variole ou la poliomyélite. La rougeole a des complications redoutables : surinfections, troubles neurologiques, cécité, stérilité.

Andrew Wakefield décrivait une forme nouvelle d'autisme avec régression comportementale, des troubles développementaux et curieusement une pathologie digestive (entérocolite autiste). Les données sur lesquelles se fondaient ces conclusions étaient pour le moins ténues, puisqu’il n’avait observé que douze patients. En outre, aucune comparaison n'était effectuée avec des enfants en bonne santé (un groupe "contrôle", qui aurait permis de mettre en perspective les résultats). En dépit de ces faiblesses méthodologiques, Wakefield n'hésitait pas à affirmer une causalité de la vaccination.

Des travaux falsifiés

Aucune autre équipe d'épidémiologistes n’a pourtant retrouvé la corrélation pointée du doigt par le médecin. L’un des parents des douze enfants cités dans l'étude s’était même publiquement étonné que la description du cas de son fils comporte de très nombreuses erreurs.

Il s’avéra que les travaux publiés par Wakefield et ses co-auteurs étaient simplement falsifiés. Entre 2004 et 2010, le journaliste d'investigation Brian Deer, du Sunday Times, met au jour l'existence de nombreuses anomalies. Il révèle notamment l'existence de liens d'intérêts non déclarés entre Wakefield et une organisation d'avocats anti-vaccination, qui avait sponsorisé l'étude. Wakefield admet ces liens d'intérêts, mais maintiendra ses affirmations, avec le soutien du Lancet. Par la suite, un à un, les co-auteurs de l'étude se rétractent...

Plusieurs études montrent l’absence de lien entre autisme et vaccination

La même année, le BMC (British Médical Council, l'équivalent de l'Ordre des Médecins des Etats-Unis), reconnaîtra Wakefield coupable de "nombreuses malhonnêtetés", de mise en danger de patients, de violation de l'éthique médicale. Le fraudeur sera rayé à vie de cet ordre.

L'histoire ne s'arrête toutefois pas là : en 2011, Brian Deer démontre que Wakefield voulait lancer une entreprise anti-vaccination commercialisant un prétendu test qui aurait permis de détecter l'entérocolite autiste (estimant le marché 32 millions d'euros aux USA et UK). Aujourd'hui, Wakefield intervient à prix d'or lors de conférences organisées par les ligues anti-vaccination outre-Atlantique.

Depuis, cinq études, sérieuses cette fois, ont montré l’absence de lien entre autisme et vaccination. En 2015, l’une d’entre elles, publiée dans la revue JAMA analyse, de 1997 à 2012, les demandes de remboursements de plus de 96.000 enfants, dont certains avaient des frères et sœurs ainés autistes, (ce qui accroît le risque pour les membres suivants de la fratrie). Résultat : quel que soit l'âge, les antécédents familiaux ou la dose de vaccin ROR reçue (absence de vaccin, une ou deux injections), il n'y a aucune preuve qui suggère que le vaccin favorise l'apparition de troubles autistiques.

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