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Quatre questions que vous vous posez sur les somnifères

Quatre millions de Français ont recours à des produits pour mieux dormir. La France en est le premier pays consommateur en Europe. Francetv info s'interroge sur ce phénomène.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Certains hypnotiques aident à s'endormir plus rapidement le soir. D'autres sont efficaces pour ceux qui se réveillent la nuit. Mais aucun ne favorise le sommeil lent, profond, celui qui est réparateur. (GETTY IMAGES )

"Certaines nuits, il m'arrive de voir, sur le radio-réveil, toutes les heures défiler. Le matin, c'est l'horreur", confie Pat, une internaute, à francetv info. Pat est loin d'être la seule à passer des nuits chaotiques. Selon une étude publiée par l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) et la MGEN, 37% des Français se plaignent de troubles du sommeil. Pour remédier à ces désordres, voire aux insomnies, quatre millions de Français ont recours aux hypnotiques, connus sous le nom de somnifères. La France en est même le premier pays européen consommateur, d'après un rapport de la Haute Autorité de santé (HAS), publié en 2012. 

1Pourquoi consomme-t-on autant de somnifères ?

Une facilité. "Après trois années à me réveiller chaque nuit pendant une, parfois deux heures, j'en ai eu marre. Cela a joué sur mes nerfs. A un moment, il fallait bien dormir", raconte Geneviève à francetv info. La quinquagénaire est allée voir son médecin généraliste, qui lui a prescrit des somnifères. "Je reconnais que c'est une solution de facilité, mais je suis raisonnable. J'essaie d'interrompre le traitement pour ne pas être dépendante", plaide Geneviève.

Une habitude. "Chaque société a sa solution pour essayer d'échapper à ce qui la préoccupe, explique à francetv info le docteur Sylvie Royant-Parola, psychiatre, spécialiste du sommeil et présidente du Réseau Morphée, qui se consacre à la prise en charge des troubles du sommeil. Les Allemands consomment beaucoup de plantes pour régler leurs problèmes de santé. Les médecins anglais prescrivent très fréquemment des neuroleptiques. Et pour bien dormir, prendre un verre de whisky n'est pas rare en Angleterre. La France est, de manière générale, très consommatrice de médicaments."

Un manque de formation. Les problèmes de sommeil ne sont souvent pas assez pris au sérieux. "L'insomnie est perçue comme un spleen auquel il faut s'habituer. Un patient sur deux ne consulte pas", souligne Sylvie Royant-Parola. Et les médecins généralistes ne sont pas toujours armés pour faire face à ce type de problèmes. "Vous savez, parfois, on prescrit [des somnifères] parce qu’on se dit que, sinon, le patient va finir par faire un geste de désespoir. Et que notre rôle, c’est de l’aider pour qu’il ne coule pas définitivement", confiait ainsi un médecin désemparé au journal La Croix.

Sylvie Royant-Parola estime que l'absence de formation des médecins en France est "dramatique". "Au total, l'enseignement du sommeil représente trois heures de cours pendant les études de médecine. Certaines facultés mettent en place dix heures, mais pas plus", constate-t-elle. La spécialité "somnologie" n'existe pas en France, contrairement à l'Allemagne. Ce pays compte d'ailleurs 300 centres du sommeil, contre cinquante dans l'Hexagone.

2Est-ce utile de prendre des somnifères ?

Il existe plusieurs familles de somnifères. Certains hypnotiques vont aider à s'endormir plus rapidement le soir. D'autres ont une durée d'action plus longue. lls sont efficaces pour ceux qui se réveillent la nuit. Tous agissent directement au niveau du cerveau. Ils calment l'activité neuronale. "Les hypnotiques peuvent être merveilleux, note le docteur Sylvie Royant-Parola. Ils permettent à des gens de se sortir de situations inextricables. Ils les aident à s'apaiser et à faire une coupure quand ils n'y arrivent plus. Mais ces médicaments ont seulement un rôle dans un temps limité."  

S'ils empêchent de rester éveillé, ces produits ne favorisent pas le sommeil lent, profond, celui qui est réparateur et qui permet réellement de récupérer. La Haute Autorité de santé préconise donc un recours "ponctuel" aux somnifères, et uniquement "lorsque l’insomnie est sévère et rejaillit sur la qualité de vie".

3Quels sont leurs dangers ?

Les effets secondaires. Les hypnotiques peuvent provoquer des somnolences en journée, des états confusionnels, des pertes de conscience, des chutes. "Je suis très contente quand j'arrive à dormir trois heures sans me réveiller, et c'est très rare. Mais je déteste les somnifères, ils me rendent molle en journée", témoigne pour francetv info, @Alex, une internaute.

Des interactions avec d'autres médicaments. La Haute Autorité de santé estime que, dans plus d'un cas sur deux, leur prescription n'est pas indiquée, notamment chez les personnes âgées. Le sommeil s'altère avec l'âge, et les somnifères sont rarement la solution. Or, "plus d’un quart des plus de 65 ans sont exposés de manière chronique aux somnifères, et cette proportion s’élève à près de 40 % chez les plus de 85 ans", précise la HAS dans son rapport. Les personnes âgées prenant souvent d'autres traitements, "le risque d’interaction avec d’autres substances est donc plus grand", ajoute le rapport.

Les risques de dépendance. Les somnifères sont totalement déconseillés sur le long terme, car "il y a un risque de dépendance, d'accoutumance", note Sylvie Royant-Parola. Au bout de quelques semaines de prise, les effets des somnifères diminuent, et "les personnes augmentent les doses", déplore la spécialiste du sommeil. Les effets secondaires se font eux davantage ressentir. 

Des troubles neurologiques ? Les somnifères appartenant à la famille des benzodiazépines pourraient, à long terme, augmenter le risque de développer la maladie d'Alzheimer, selon une étude franco-canadienne publiée le 10 septembre dernier. Néanmoins, le docteur Sylvie Royant-Parola invite à la prudence : "D'autres études disent également le contraire. En revanche, il est certain que les benzodiazépines sont à bannir pour des personnes qui souffrent déjà de troubles neurologiques ou d'un début de démence."

4Comment ne pas devenir dépendant ?

Selon la Haute Autorité de santé, la moyenne de prise de somnifères en France est de sept mois. Or, la durée maximale recommandée est de trente jours. Afin de diminuer cette consommation, la HAS incite à recourir à d'autres méthodes, comme la thérapie comportementale et cognitive. Les résultats seraient probants, notamment sur des personnes habituées aux somnifères ou sur des personnes âgées. La réduction des symptômes d'insomnie varie de 50 à 60% chez environ 70 à 80% des sujets, rapporte Le Figaro Santé, selon une étude de l'American Academy of Sleep Medicine (en anglais)."C'est la thérapie de référence", assure Sylvie Royant-Parola.

Ces thérapies, menées par des psychiatres ou des psychologues, peuvent se pratiquer de manière individuelle, mais aussi en groupe. "Il ne s'agit pas d'un groupe de parole, mais le fait d'être à plusieurs permet aussi de relativiser son problème de sommeil", explique la spécialiste. Mais ces ateliers sont très peu répandus en France. Les centres du sommeil qui les proposent sont rares. En Ile-de-France, le Réseau Morphée, constitué de médecins spécialisés dans le sommeil, organise de tels ateliers pour les personnes souffrant d'insomnie.

Ils s'adressent à ceux qui ont une angoisse face au sommeil, qui ont peur de ne pas dormir. Les patients doivent d'abord remplir un questionnaire, rencontrer un médecin afin d'écarter des pathologies liées au sommeil, type apnées. Puis ils sont dirigés vers ces ateliers, qui sont entièrement pris en charge par l'Agence régionale de santé.

La sophrologie, le yoga, la méditation peuvent aussi constituer des alternatives chez certaines personnes, tout comme la phytothérapie. Les plantes, sous forme de tisane ou de comprimés, peuvent aider à trouver le sommeil. Mais l'automédication est proscrite. Il est conseillé de se tourner vers un pharmacien ou un médecin. Certains sont en plus spécialisés dans la phytothérapie.

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