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Comment le changement climatique perturbe notre sommeil (et pourquoi ça ne va pas s'arranger)

Selon une étude danoise publiée dans la revue "One Earth", la hausse des températures causée par le réchauffement climatique pourrait nous faire perdre jusqu’à 58 heures de sommeil par an d'ici 2099.

Article rédigé par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
La probabilité de ne pas profiter d’un sommeil réparateur est multipliée par 3,5 lorsque la température extérieure atteint 25 degrés. (EMS-FORSTER-PRODUCTIONS / DIGITAL VISION)

Quarante-quatre heures, ou onze nuits de moins de sept heures de sommeil : c’est ce que chaque être humain perd actuellement en temps de sommeil à cause de la hausse des températures, selon une étude conduite par des chercheurs danois de l'université de Copenhague entre les années 2015 et 2017 et publiée dans la revue One Earth le 20 mai 2022. 

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Pour réaliser ses travaux, l’équipe danoise a collecté les données fournies par un échantillon de 47 000 personnes, issues de 68 pays, équipées d’un bracelet de suivi de sommeil, qu’ils ont croisées avec les données météorologiques locales. Soit, en tout, quelque sept millions de nuits de sommeil enregistrées. Au terme de leurs travaux, ils ont pu établir que dès 25°C mesurés à l’extérieur, la probabilité de ne pas profiter d’un sommeil réparateur est multipliée par 3,5. En effet, alors que la température idéale pour s’endormir se situe autour de 19°C, des températures extérieures plus élevées retardent le moment de l’endormissement (puisque nous avons besoin que notre corps se refroidisse pour que nous nous endormions) et avancent l’heure de notre réveil.

Jusqu'à 58 heures de sommeil en moins d'ici 2099

Cette dégradation du temps de sommeil pourrait s'amplifier dans le futur : les scientifiques de l'université de Copenhague ont ainsi établi que la hausse des températures causée par le réchauffement climatique pourrait nous priver de 50 à 58 heures de sommeil par an d'ici 2099. 

Parmi les premiers touchés, les femmes et les personnes âgées : dans des conditions identiques, la température corporelle centrale des femmes diminue plus tôt dans la soirée que celle des hommes, explique l'étude, ce qui pourrait exposer les femmes à des températures environnementales trop élevées au moment où elles commencent à dormir habituellement. L’organisme des plus âgés, lui, régule moins efficacement la chaleur que les sujets plus jeunes.

Les chercheurs avancent, en reconnaissant toutefois ne pas pouvoir le prouver, que les habitants des pays en voie de développement pourraient être davantage concernés, puisque moins équipés en système de climatisation.

Un sommeil de mauvaise qualité est dangereux pour la santé

Avec, en sus, des conséquences graves sur la santé mentale, une réduction des performances cognitives, une baisse de la productivité, une augmentation de l'absentéisme, une baisse d’efficacité du système immunitaire, un risque élevé d'hypertension. Et davantage de dépressions et de comportements suicidaires.

Les privations de sommeil retardent aussi les temps de réaction, augmentent le risque d'accident, inhibent l'encodage neuronal des nouvelles expériences dans la mémoire et limitent l'élimination des métabolites neurotoxiques du cerveau liés au vieillissement et aux maladies neurodégénératives. Enfin, le manque de sommeil augmenterait fortement le sentiment de faim : dans une autre étude parue en mars 2017, des scientifiques de l’université de Pennsylvanie établissaient que les nuits de moins de six heures favorisaient la production de ghréline, l’hormone digestive qui stimule l’appétit, et diminuait celle de la leptine, qui régule les réserves de graisses dans l'organisme et l'appétit en contrôlant la sensation de satiété.

La publication de cette étude intervient alors que l'épisode de canicule qui sévit en Inde et au Pakistan a déjà causé la mort de 90 personnes. Selon les scientifiques du World Weather Attribution (WWA), le réseau de scientifiques pionniers en matière d'attribution des événements extrêmes au changement climatique, cet épisode caniculaire a été rendu trente fois plus probable par le changement climatique.

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