Santé : l'État doit "dire très clairement que l'obésité est une maladie", plaide le Collectif national des associations d'obèses
"On aimerait que l'Etat dise très clairement que l'obésité est une maladie", a déclaré sur franceinfo samedi 4 mars Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses, à l'occasion de la Journée mondiale contre l'Obésité, alors que 47% des Français sont en surpoids. Le collectif reconnaît des "avancées", avec des "recommandations de la Haute Autorité de Santé et un plan obésité", mais réclame "des actions".
Anne-Sophie Joly demande aussi à ce que les médecins soient formés "en cursus initial" pour permettre une meilleure prise en charge. Il faut aussi selon elle créer un cadre légal sur les discriminations que subissent les personnes obèses, notamment à l'embauche.
franceinfo : Est-ce qu'on comprend encore mal l'obésité aujourd'hui en France ?
Anne-Sophie Joly : On la comprend trop mal, mais au-delà de ça, elle fait peur. Les gens ont tendance à faire encore des raccourcis, même si les choses évoluent un peu. Cela fait 23 ans que je milite, on a avancé, mais on a encore le poids de cette méconnaissance, de cette non-information. La problématique la plus importante reste que les professionnels de santé, quels qu'ils soient, médicaux ou paramédicaux, ne sont pas formés en cursus initial.
En pleine épidémie de Covid, vous aviez demandé que l'obésité soit reconnue comme une maladie grave. Vous n'avez pas été entendue depuis ?
C'est une maladie reconnue par l'Organisation Mondiale de la Santé. Donc des choses ont évolué. On a eu des recommandations de la Haute Autorité de Santé, on a eu un plan obésité, on eu la feuille de route. Ceci dit, on est encore en carence du fait qu'on aimerait que l'Etat dise très clairement que l'obésité est une maladie. Cela permettrait à la population de se dire que, passé un certain seuil d'IMC (Indice de Masse Corporelle), on rentre dans la catégorie obèse ou obèse morbide. Les mots sont durs, violents, mais le risque de morbidité est réel parce qu'il y a 19 pathologies associées : augmentation de cancers, hypertension artérielle... Pendant le Covid, on a payé le prix très cher. 40% des décès, c'était nous, 47% des réanimations, c'était nous.
Est-ce que c'est compliqué quand on est obèse, d'aller voir son son médecin ou, en tout cas, de se faire prendre en charge ?
Le médecin n'a pas été formé à un cursus initial. C'est un immense problème, parce qu'il est bien désemparé quand il nous voit arriver. Il va soigner les comorbidités associées, le diabète, l'hypertension artérielle, mais il ne va pas soigner la source. D'où la création des centres spécialisés obésité (CSO) et le fait qu'on demande effectivement la formation en cursus initial. Il y a une méconnaissance et un trou dans la raquette. On espère grandement que les recommandations de la Haute Autorité de Santé sorties l'été dernier sur la prise en charge soient lues et surtout soient appliquées. On est assez content, mais on veut maintenant des actions.
L’obésité est aussi facteur de discrimination. En 2016, selon le Défenseur des droits, les femmes obèses rapportaient huit fois plus que les autres des discriminations à cause de leur apparence physique. Comment lutter contre ça aujourd'hui, en 2023 ?
Le harcèlement est la discrimination la plus répandue dans le monde. Ceci étant, c'est elle aussi qui est la plus acceptée et tolérée de la part de la société. Et cela fait excessivement mal de le dire, parce qu'on ne peut légalement plus se moquer de la couleur de peau de quelqu'un, en revanche, sur sa problématique de santé, on continue à le faire et à discriminer. Est-ce qu'on va se moquer de quelqu'un qui se bat contre un cancer ? Je ne pense pas. Pourquoi continue-t-on et accepte-t-on de se moquer ou de refuser l'accès à l'emploi ou à une vie sociale correcte à quelqu'un qui n'a pas décidé de devenir obèse ? On ne se lève pas le matin en de disant "génial, aujourd'hui, je vais être obèse !" On a aussi de la discrimination dans les écoles, des enfants déscolarisés, ce n'est pas pensable et ce n'est pas humain. Il faut que la lutte contre les discriminations soit inscrite dans un cadre légal, qu'on puisse avoir un projet de loi, que l'on puisse dire aux personnes qu'elles ont été discriminées et que c'est punissable.
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