Procès du suicide assisté : un vétérinaire relaxé après avoir aidé un ami à mourir, le parquet fait appel
Un vétérinaire a été relaxé lundi par le tribunal d'Angers. Il était jugé pour avoir fourni de fausses ordonnances à un ami pour l'aider à mourir. Mais le procureur fait appel de la décision, a appris franceinfo vendredi.
Le lundi 2 mai, le tribunal correctionnel d'Angers a relaxé un vétérinaire jugé pour avoir rédigé de fausses ordonnances afin d'aider à mourir l'un de ses amis, atteint de la maladie de Charcot. Une première dans l'histoire de la justice française, selon l'avocat de la défense. Mais le parquet a fait appel de cette décision jeudi, a appris une journaliste de franceinfo vendredi 6 mai.
L'affaire commence au printemps 2018. Ce vétérinaire rencontre un homme dans un café qui lui raconte les souffrances insupportables provoquées par sa maladie neurodégénérative qui affaiblit progressivement tous ses muscles, le condamne à la paralysie et à une mort certaine. Il affirme n'avoir plus que trois à cinq années à vivre.
"Il faut surtout me laisser partir cette fois."
Quelques mois plus tard, cet homme lui demande une ordonnance pour un médicament réservé aux animaux en France, mais testé, au Canada, sur les personnes atteintes de la maladie de Charcot. Le vétérinaire refuse dans un premier temps, puis s'exécute en prescrivant le médicament à un chien qui pourtant n'existe pas. Le traitement fonctionne d'abord, puis la maladie reprend le dessus.
Le malade fait plusieurs tentatives de suicide par mutilation et par noyade, sans y parvenir. Il demande alors une nouvelle ordonnance, cette fois-ci pour un médicament mortel. Le vétérinaire refuse, hésite, puis cède. Il lui prescrit des médicaments et l'informe de la marche à suivre. L'homme échoue une première fois, puis est retrouvé mort à son domicile le 21 mai 2019. À côté de lui, quelques mots sont retrouvés : "Il faut surtout me laisser partir cette fois."
Une enquête est ouverte et, très vite, les enquêteurs remontent jusqu'au vétérinaire. Celui-ci reconnaît avoir rédigé les ordonnances "par humanité pour porter assistance à cet ami qui avait beaucoup insisté" et qui allait très mal, explique son avocat. Il est d'abord mis en examen pour "tentative d'assassinat" mais les poursuites sont rapidement requalifiées en "faux en écriture" et "usage de faux", car le vétérinaire n'a pas donné lui-même le médicament à cet homme juste avant sa mort.
Relaxe en première instance
Le procès a lieu et le lundi 2 mai 2022, le tribunal correctionnel décide finalement de relaxer le prévenu en raison de ce qu'il appelle "l'état de nécessité". Cela correspond à l'article 122-7 du code pénal : "N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a des disproportions entre les moyens employés et la gravité de la menace." Un principe utilisé pour la première fois par un juge en 1898, pour innocenter une femme qui avait volé du pain pour nourrir son enfant.
"On est dans des circonstances similaires, commente à franceinfo l'avocat du vétérinaire, Me Antoine Barret, puisqu'il s'agissait pour une personne d'aider un ami à échapper, conformément à son souhait, aux affres d'une maladie terrible et d'une fin de vie certaine." "À partir de ce constat-là, ajoute l'avocat, le simple fait de commettre des faux en écriture comme des ordonnances peut paraître totalement indifférent ou subalterne par rapport à l'enjeu humain qui se glisse derrière cette situation."
Le procureur fait appel
Mais le procureur de la République d'Angers, Eric Bouillard, n'est pas de cet avis. "L'état de nécessité exige une proportion entre les faits et l'objectif poursuivi, explique-t-il à franceinfo, Il faut aussi qu'il n'y ait pas d'autres possibilités que de le faire, or il en existe d'autres et je pense que le tribunal doit rester dans ce cadre". Eric Bouillard a donc fait appel du jugement rendu lundi.
L'avocat du vétérinaire espère que la cour d'appel confirmera la relaxe de son client et que cela permettra de rouvrir le débat sur le suicide assisté, toujours interdit en France.
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