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Vrai ou faux Covid-19 : les personnes souffrant de troubles anxieux ou de dépression peuvent-elles se faire vacciner sans vérification ?

D'après les observations et les témoignages recueillis par franceinfo, les vérifications sont sommaires ou inexistantes.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Dans un centre de vaccination contre le Covid-19, à Toulouse (Haute-Garonne), le 5 mai 2021. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

La campagne de vaccination contre le Covid-19 a été élargie, depuis le samedi 1er mai, à quatre millions de personnes fragiles. Il s'agit de "Français et Françaises de plus de 18 ans souffrant d'une ou plusieurs comorbidités"écrit le ministère de la Santé sur son site. Parmi celles-ci figurent en fin de liste les "troubles psychiatriques".

"Sur déclaration de leur(s) comorbidité(s), [les personnes concernées] pourront être vaccinées avec les vaccins Pfizer-BioNTech ou Moderna, sans nécessité d’une prescription médicale", peut-on également lire sur le site officiel du ministère de la Santé. Mais tous ceux souffrant d'anxiété et de dépression peuvent-ils vraiment se faire vacciner en priorité sans vérification, comme semble le clamer l'éditorialiste de LCI Renaud Pila sur Twitter ? Franceinfo détaille les subtilités de cette récente annonce.

Dépression majeure, schizophrénie et troubles bipolaires

En réalité, tous les troubles psychiatriques ne sont pas concernés. La direction générale de la santé (DGS) se fonde sur la liste de comorbidités établie par la HAute autorité de santé (HAS). Dans un document de 113 pages (PDF), daté du mois de mars, la HAS s'est intéressée aux comorbidités retenues dans d'autres pays comme l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Canada. Contactée par Libération, la HAS précise qu'elle englobe "la dépression majeure, la schizophrénie, les troubles bipolaires" dans la catégorie "troubles psychiatriques" présentée ici. La démence, elle, est explicitement mentionnée à part dans la liste établie par le ministère de la Santé.

En revanche, aucune trace dans cette liste d’une dépression passagère ou de l’anxiété. La DGS, sollicitée par franceinfo, n'a livré aucune autre liste plus détaillée.

Présenter un justificatif n'est pas obligatoire

Sur le terrain, dans les centres de vaccination, se pose la question de la vérification, et donc des éventuels éléments de preuve attestant de ces troubles. "Cela se fera sur la base de la déclaration simple, sur la base de la confiance", avait déclaré le ministre de la Santé, Olivier Véran, sur BFMTV, le 30 avril.

"Pour simplifier et fluidifier le parcours du patient, il est préférable de se munir d’un justificatif (ordonnance, prescription, etc.), lorsque le patient peut s’en procurer un facilement, mais cela n’est pas une obligation", a toutefois nuancé la HAS, citée par Monde.

Cette recommandation est finalement peu suivie par les professionnels de santé chargés de réaliser les injections. "On n’est pas là, dans les centres de vaccination, pour contrôler, pour faire des interrogatoires et pour demander les prescriptions des patients", a déclaré à franceinfo Luc Duquesnel, président de la branche "généraliste" de la Confédération des syndicats médicaux français.

"On est là pour vacciner. On n'est pas là pour faire un travail de flic."

Luc Duquesnel, président de la branche "généraliste" de la Confédération des syndicats médicaux français

à franceinfo

Même position pour le médecin et ancien journaliste Jean-Daniel Flaysakier, qui vaccine dans un centre en Touraine. "Je ne vais pas faire passer un quiz à chaque personne pour savoir si son rendez-vous est justifié. Notre rôle, c’est de vacciner en prévenant les risques, pas de jouer les enquêteurs", a-t-il écrit dans une série de tweets. "A partir du moment où les pouvoirs publics disent 'sans justificatif' on ne va pas commencer à déclencher des engueulades et des conflits. Donc pas de contre-indication : on y va", ajoute-t-il.

Franceinfo a par ailleurs constaté au centre de vaccination parisien de la porte de Versailles que les vérifications étaient sommaires pour tous les candidats au vaccin, pas seulement ceux souffrant de troubles psychiatriques.

"Ils ne m’ont rien demandé du tout"

Malgré le peu de vérifications menées, les personnes qui souhaitent se faire vacciner prennent leurs précautions. "Je n’avais pas eu le temps de demander une attestation à mon psychiatre, donc j’ai pris avec moi toutes mes ordonnances, mais au final ils ne m’ont rien demandé du tout", raconte à franceinfo Yaelle, 21 ans, qui a été vaccinée dans l'Aube, dans un centre loin d'être bondé.

De son côté, Cassandre, également atteinte de troubles psychiatriques, a été brièvement interrogée au centre de vaccination du Stab Vélodrome de Roubaix. "J'ai dû passer au maximum 10 minutes avec le médecin, ce qui comprend l'administration, mais aussi la vérification", relate la quadragénaire à franceinfo. "Il m'a demandé quelle était ma profession, j'ai expliqué que j'étais en invalidité, il m'a demandé pourquoi. J'ai donc montré le courrier du psychiatre et cela a suffi", poursuit-elle.

"J'ai plus eu l'impression d'une vérification de routine, je n'ai absolument pas ressenti de méfiance."

Cassandre, vaccinée

à franceinfo

Malgré l'affluence importante dans certains centres de vaccination, aucun problème majeur n'a été rapporté à Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). Elle assure à franceinfo n'avoir été informée d'aucun cas de refus de vaccination pour une personne déclarant souffrir de troubles psychiatriques, ou d'aucun interrogatoire trop poussé.

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