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Vaccination obligatoire des soignants : une mesure "prématurée" et "contre-productive", selon une association de directeurs d'Ehpad

Romain Gizolme, directeur de l'AD-PA, craint une vague de démissions des personnels ne voulant pas se soumettre à une telle injonction.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Romain Gizolme, le directeur de l’Association des directeurs au service des personnes âgées. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Cela paraît bien prématuré et précipité", a opposé vendredi 2 juillet sur franceinfo Romain Gizolme, directeur de l'AD-PA, l'Association des directeurs au service des personnes âgées, concernant le texte de loi visant à rendre obligatoire la vaccination des soignants sur lequel le gouvernement travaille, selon les informations de franceinfo. "Pointer du doigt les gens n'aide pas à les amener vers une politique de santé publique et, au contraire, cela peut avoir un effet contre-productif", a-t-il critiqué. Parmi les conséquences qu'il redoute, Romain Gizolme la déission des professionnels qui ne veulent pas se faire vacciner. Auquel cas, prévient-il, "l'État doit accompagner cette obligation de mesures qui permettraient de compenser ces effets collatéraux."

franceinfo : Que pensez-vous de l'idée de rendre la vaccination obligatoire pour les soignants ? Faut-il en arriver là pour protéger les personnes âgées de soignants qui travaillent à leurs côtés dans les Ehpad ?

Romain Gizolme : Cela paraît bien prématuré et précipité. Aujourd'hui, plus de 90 % des personnes âgées sont vaccinées donc elles sont protégées et cela marche puisque leurs décès ont chuté. Les professionnels sont engagés dans cette vaccination. Même s'il faut encore améliorer les chiffres de la vaccination des professionnels de santé, ils sont clairement au-delà de ce que nous connaissons tous les ans avec la vaccination contre la grippe. Contre la grippe, ce sont 20 à 25 % des professionnels qui se font vacciner. Dans le cadre du vaccin contre le Covid-19, on est à plus du double. Il faut les encourager, les conforter, leur expliquer s'il y a des inquiétudes, des interrogations, mais imposer cela aux seuls professionnels de santé, c'est les pointer du doigt.

"Il ne faut pas essayer de les faire passer pour des irresponsables quand hier encore ils travaillaient auprès de ces personnes âgées comme des héros formidables, applaudis tous les soirs."

Romain Gizolme, directeur de l'AD-PA

à franceinfo

Il faut se souvenir que c'est l'État qui ne leur fournissait pas les masques pour se protéger.

Cela serait contre-productif pour vous ?

Oui car il faut aussi penser aux conséquences d'une telle obligation. Qu'est-ce que l'État prévoit pour les professionnels qui ne voudraient quand même pas se faire vacciner ? Est-ce qu'il prévoit que ces professionnels démissionnent et partent d'un secteur qui est largement en souffrance d'un point de vue des ressources humaines, précisément parce que l'État n'investit pas assez en personnel dans ce secteur ? Cela pourrait être l'une des conséquences, donc l'État doit prévoir cela s'il assume la responsabilité d'envisager cette obligation. Il doit accompagner cette obligation de mesures qui permettraient de compenser ces effets collatéraux.

Quelle proportion de professionnels des Ehpad sont vaccinés contre le Covid-19 ?

Aujourd'hui les derniers chiffres dont nous disposons, selon le ministère, seraient de 57 %. Nous ne savons pas si ces 57 % comptent aussi ceux qui sont protégés parce qu'ils ont attrapé le coronavirus, qu'ils sont guéris et donc immunisés. Il y a un manque de précisions. L'AD-PA est favorable à cette vaccination, à faire en sorte qu'elle soit mieux diffusée, mais il serait opportun que l'État prévoie aussi la consultation des organisations professionnelles car les gens qui ne sont pas encore vaccinés, ne sont pas forcément anti-vaccins. Ce sont des personnes qui ont des incertitudes, des questionnements, des interrogations. Il faut savoir considérer cela. Il faut savoir l'entendre. Il faut savoir lever ces éventuelles inquiétudes par la pédagogie et la conviction. Pointer du doigt les gens n'aide pas à les amener vers une politique de santé publique et, au contraire, peut avoir un effet contre-productif. 

"Il faut aussi mesurer que cela pose, nécessairement, la question du crédit qu'accorde les Français à la parole de l'État."

Romain Gizolme

à franceinfo

Dans notre secteur d'activité, l'État promet depuis 20 ans des améliorations des conditions de travail, des conditions d'accompagnement des personnes âgées, qui ne sont pas tenues. L'État doit composer, aussi, avec le fait qu'un certain nombre de ces Français peuvent mettre en doute la parole de l'État.

Les familles des personnes âgées vous semblent-elles préoccupées par le fait que certains soignants ne sont pas encore vaccinés ?

Ce qui préoccupe surtout les familles c'est que l'État impose encore des contraintes bien trop importantes pour qu'elles puissent venir voir leurs proches dans leurs établissements. Les personnes âgées estiment qu'elles sont protégées et d'ailleurs, c'est le cas, il n'y a plus de cluster aujourd'hui dans les établissements pour personnes âgées. Par ailleurs, la crainte derrière, du moins l'interrogation c'est de savoir si les familles qui ne sont pas vaccinées pourront toujours venir voir leurs parents. Cette obligation aux seuls professionnels pose cette question de relation entre les familles et leurs proches.

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