Cet article date de plus de trois ans.

Vaccination contre le Covid-19 : quels sont les (très rares) cas de contre-indication ?

Seules quelques centaines de personnes en France présentent des pathologies conduisant à leur déconseiller la vaccination.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 15min
Un homme reçoit une dose du vaccin Pfizer-BioNTech contre le Covid-19, le 6 août 2021 à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe. (CEDRICK ISHAM CALVADOS / AFP)

Olivier Véran n'a pas pu masquer son agacement. Interpellé jeudi 22 juillet par une lectrice du Parisien qui s'interrogeait sur la manière dont les personnes "qui ne peuvent pas se faire vacciner" contre le Covid-19 allaient pouvoir vivre une fois l'extension de l'application du pass sanitaire adoptée, le ministre de la Santé s'est soudainement raidi. "Tout ce que vous entendez sur le fait de ne pas pouvoir se faire vacciner pendant le premier trimestre [d'une grossesse], à cause d'une maladie auto-immune, d'une allergie à un antibiotique ou aux piqûres de guêpes, ou tel ou tel truc : ça n'est pas vrai !", a-t-il balayé, évoquant seulement "quelques centaines de personnes en France" qui "ne peuvent vraiment pas" recevoir le vaccin.

Ce discours s'est traduit quelques semaines plus tard dans la réglementation. Publiée le 8 août au Journal officiel, la liste des contre-indications médicales admises permettant de bénéficier d'un pass sanitaire valide sans passer par un dépistage ou la case piqûre est concise. Elle inclut quelques cas d'allergies, de rares complications survenues après l'injection d'une première dose, ou encore des cas de victimes de syndromes inhabituels. Un décret en date de jeudi a ajouté à cette liste une nouvelle contre-indication pour les "personnes ayant présenté un syndrome thrombotique et thrombocytopénique" lors d'une vaccination avec AstraZeneca.

En quoi consistent les maladies évoquées ? Que provoquerait une injection chez ces patients ? Combien de personnes sont concernées ? Pour répondre à ces questions, franceinfo a interrogé des spécialistes de chacune des exceptions retenues.

En cas d'allergie à un des composants du vaccin

De quoi s'agit-il ? Le décret précise que le vaccin contre le Covid-19 est contre-indiqué en cas d'"antécédent d'allergie documentée [par l'avis d'un allergologue] à un des composants du vaccin, en particulier le polyéthylène-glycol et par risque d'allergie croisée aux polysorbates". Utilisés dans les vaccins à ARN messager de Pfizer-BioNTech et Moderna, les polysorbates et le polyéthylene-glycol (souvent présenté sous le sigle PEG 2000) sont des excipients, c'est-à-dire des substances ayant pour but de transporter les principes actifs du vaccin dans l'organisme.

Dans le cas du vaccin contre le Covid-19, "ces excipients permettent de stabiliser l'ARN messager pour que celui-ci ne soit pas immédiatement détruit après l'injection, et puisse ainsi faire secréter à l'organisme la protéine virale qui entraînera elle-même la production des anticorps", détaille à franceinfo le professeur Alain Didier, président de la Société française d'allergologie.

Combien de personnes sont concernées par ces allergies ? Très peu. Si les autorités sanitaires britanniques avaient déconseillé aux personnes habituées aux fortes allergies de recevoir une injection au début de leur campagne vaccinale, "le temps et le recul nous ont heureusement permis de réduire ces contre-indications", se félicite le professeur Alain Didier, qui estime que les concernés sont "probablement moins de 500" en France.

Que risquent les malades en cas d'injection ? Les patients allergiques au PEG 2000 ou aux polysorbates risquent une anaphylaxie dans les minutes qui suivent l'injection. "Il s'agit d'une réaction allergique qui touche plusieurs organes. Dans la plupart des cas, cela concerne la peau avec une urticaire, à laquelle se combine une espèce de crise d'asthme, ou une chute de tension artérielle", détaille le président de la Société française d'allergologie.

Dans cette situation, les patients sont pris en charge par les urgences, où il peut leur être administré de l'adrénaline, des antihistaminiques et des corticoïdes, explique la Société française de médecine d'urgence (PDF).

Faut-il prendre des précautions si je suis sujet aux allergies ? Dans certains cas seulement. "Il est relativement fréquent que des personnes présentent une urticaire dans les heures qui suivent l'injection et croient faire une forte réaction allergique. Il s'agit le plus souvent d'une réactivation d'une urticaire qui était déjà présente. Isolée, il ne s'agit pas d'une anaphylaxie", rassure le spécialiste. "Hélas, cela conduit certains médecins à contre-indiquer, à tort, la seconde injection. Lorsqu'une telle situation se présente, il ne faut pas paniquer : dans la plupart des cas, il suffit de se protéger lors de la seconde dose en prenant des antihistaminiques", conclut Alain Didier.

En cas de myocardite ou de péricardite survenue après la première dose

De quoi s'agit-il ? La myocardite est une inflammation du muscle cardiaque, et la péricardite une inflammation de l'enveloppe fibreuse qui entoure le cœur. Dans la plupart des cas, la myocardite est provoquée par une infection virale, et touche principalement une population jeune, âgée de 20 à 40 ans, et plus masculine que féminine. "Le sujet présente habituellement des douleurs thoraciques, parfois associées à des syndromes grippaux. Souvent, la situation évolue favorablement en quelques semaines", résume le professeur Philippe Charron, coordinateur du Centre de référence des maladies cardiaques héréditaires à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

Des formes plus sévères de myocardites peuvent toutefois survenir. "L'inflammation peut alors troubler le rythme cardiaque, en provoquant une tachycardie ou au contraire un ralentissement du rythme des battements du cœur. Cela peut aller jusqu'à la mort subite", continue le cardiologue.

Combien de personnes sont concernées ? "Il a fallu plusieurs mois pour l'établir, car les chiffres ne sautaient pas aux yeux, mais il apparaît désormais que la vaccination contre le Covid-19 présente un surrisque de myocardite par rapport à la population générale", détaille Philippe Charron, qui déplore que la recherche n'ait "pas encore d'explication très claire sur ce phénomène."

Cela concerne toutefois un nombre très faible de personnes. D'après le dernier point de situation sur la surveillance des vaccins contre le Covid-19 publié par l'Agence nationale de sécurité du médicament (PDF), "11 cas de myocardites ont été observés" au 30 juillet en France chez des jeunes ayant reçu le vaccin de Pfizer-BioNTech, parmi lesquels huit sont rétablis. Sept cas ont par ailleurs été recensés chez des patients âgés de 18 ans immunisés avec le vaccin de Moderna, dont six ont déclaré être rétablis.

Que risquent les malades en cas d'injection ? Si la myocardite a eu lieu après la première injection d'un vaccin contre le Covid-19, les autorités sanitaires recommandent d'attendre une évolution favorable du patient, quitte à ne pas terminer le cycle vaccinal, pour éviter une récidive. "Dans 10 à 20% des cas, il existe un risque que la myocardite devienne chronique et provoque une insuffisance cardiaque sur le long terme", justifie le professeur Philippe Charron.

Faut-il prendre des précautions si je suis sujet à une maladie cardiaque ? A moins d'avoir connu une myocardite après votre première dose, non. "Le fait d'avoir une maladie cardiaque chronique est même une raison supplémentaire de se faire vacciner", lance le spécialiste. "Le rapport bénéfice-risque reste extrêmement favorable à la vaccination, puisque le risque de connaître une complication cardiaque par le vaccin est infiniment inférieur au risque de complications en cas d'infection par le Covid-19".

En cas de syndrome inflammatoire grave chez l'enfant après une infection par le virus

De quoi s'agit-il ? Souvenez-vous : au printemps 2020, on apprenait qu'un nombre inhabituel d'enfants avaient été admis à l'hôpital pour ce qu'on appelait alors le syndrome de Kawasaki. Hospitalisés 20 à 30 jours après une infection par le Sars-CoV-2, ces enfants présentaient non seulement une forte fièvre et une grande fatigue comme lors d'un syndrome de Kawaski classique, mais également des myocardites et des baisses de tension qui les conduisaient en service de réanimation.

"Ces deux dernières caractéristiques étaient assez atypiques. On a donc rebaptisé ce syndrome Pims [acronyme anglais de syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique], qui est une sorte de syndrome de Kawasaki déclenché par le coronavirus", se souvient Christèle Gras Le Guen, cheffe du service de pédiatrie au CHU de Nantes et présidente de la société française de pédiatrie. Elle décrit ce syndrome comme une "réaction inflammatoire à retardement de l'organisme, qui tente de se débarrasser d'une bactérie ou d'un virus de façon inadaptée et excessive".

Combien de personnes sont concernées ? Quelques centaines. A Lyon (Rhône) et à Paris, des équipes dédiées à l'observation de ce syndrome "ont enregistré environ 500 cas d'enfants concernés en France", détaille Christèle Gras Le Guen. Ceux-ci sont désormais bien pris en charge par le corps médical, et soignés à l'aide de perfusions d'anticorps (baptisés immunoglobulines polyvalentes), parfois accompagnés de corticoïdes. "A ce jour, on n'a pas observé de cas d'enfants n'ayant pas récupéré du syndrome", se réjouit la pédiatre.

Que risquent les enfants déjà touchés en cas d'injection ? La crainte d'une récidive a poussé les autorités sanitaires à déconseiller la vaccination contre le Covid-19 aux enfants concernés. "On redoute que ce Pims, qui a surgi une première fois au contact des particules du virus, puisse à nouveau se déclencher à l'introduction de l'ARN messager, qui a pour but de fabriquer à nouveau des particules virales", résume la spécialiste.

Faut-il craindre de faire vacciner mon enfant en raison du Pims ? Non. Christèle Gras Le Guen insiste sur le fait que ces cas sont extrêmement rares, et rappelle le bénéfice principal de la vaccination chez les adolescents. "Il s'agit d'abord de leur permettre de reprendre une vie moins contrainte, moins stressante, avec moins de pression : pouvoir retrouver une vie sociale, fréquenter à nouveau les établissements scolaires sans être soumis aux demi-jauges, aux tests en permanence…"

En cas de syndromes sévères et rares chez l'adulte

De quoi s'agit-il ? Deux autres conditions médicales sont évoquées par le décret : le syndrome de Guillain-Barré et le syndrome de fuite capillaire. Dans le premier cas, il s'agit d'un fonctionnement anormal des anticorps, qui vont attaquer les nerfs du malade plutôt que les microbes. "Cela peut entraîner une paralysie progressive, du bas au haut du corps, qui peut finir par atteindre les poumons et provoquer un arrêt respiratoire", explique Thomas Palpacuer, chef de clinique au service de neurologie du CHU de Caen (Calvados). Ce syndrome, qui peut survenir à la suite d'infections aussi banales que la grippe, a également été lié au Covid-19, précise l'expert.

Dans le cas du syndrome de fuite capillaire, les cellules qui forment les vaisseaux sanguins traversent des crises au cours desquelles elles deviennent perméables et laissent s'échapper dans le corps le plasma contenu dans le sang. Ce liquide entre alors en contact avec les organes, provoquant des œdèmes. "Dans la plupart des cas, cette fuite capillaire est liée à une autre maladie, comme une insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique. Mais il arrive dans des cas extraordinairement rares dont ignore sa cause : on parle alors de syndrome de Clarkson", détaille Marc Pineton de Chambrun, chef de clinique assistant au service de médecine intensive-réanimation de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et spécialiste de ce syndrome.

Combien de personnes sont concernées ? Là encore, très peu. "En moyenne, on compte deux cas par an pour 100 000 habitants. Le vaccin de Janssen induit toutefois probablement davantage de syndromes de Guillain-Barré, puisque les chiffres de l'ANSM [PDF] évoquent une incidence de quatre cas pour 100 000 habitants par an", ajoute Thomas Palpacuer.

Seuls une quarantaine de malades sont suivis en France pour des syndromes de fuite capillaire. "On a toutefois observé que certaines infections, parmi lesquelles le Covid-19, peuvent provoquer des crises chez des malades qui ignoraient être touchés par ce syndrome", commente Marc Pineton de Chambrun.

Que risquent les malades en cas d'injection ? "On redoute que les patients atteints d'un syndrome de Guillain-Barré récidivent à l'occasion de la vaccination contre le Covid-19, avec dans les pires hypothèses une forme plus rapide et plus grave de la crise", commente Thomas Palpacuer pour justifier la contre-indication médicale à la vaccination.

Les rares malades atteints par le syndrome de fuite capillaire font l'objet d'une prudence particulière dans le cadre de la vaccination, explique Marc Pineton de Chambrun. "On a vu des malades connus pour avoir un syndrome de Clarkson qui récidivaient après d'une vaccination contre le Covid-19. La stimulation immunitaire provoquée par le vaccin induit sans doute la crise, sans qu'on sache exactement comment à l'heure actuelle", observe le médecin, qui relève toutefois que les patients qui bénéficient d'un traitement préventif à base d'anticorps administrés par intraveineuse semblent pouvoir être vaccinés sans problème.

Dois-je craindre de contracter l'un de ces syndromes en me faisant vacciner ? Non. "Le Covid-19 a plus de chances de provoquer le syndrome de Guillain-Barré que le vaccin, de sorte que le bénéfice du vaccin sera toujours supérieur au risque de la maladie", appuie Thomas Palpacuer.

Le spécialiste du syndrome de fuite capillaire ne dit pas autre chose : "Le risque de contracter un syndrome de fuite capillaire après une vaccination est aussi élevé qu'une chance de gagner au loto". Pour insister sur les bénéfices de la vaccination, le médecin précise même conseiller à ses patients atteints par le syndrome de Clarkson, particulièrement rare, de se faire immuniser dans un cadre hospitalier. "Pour eux, le risque est plus élevé que pour la population générale, mais le bénéfice reste largement supérieur au risque de faire une crise après une infection par le Covid-19", assure-t-il.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.