Vaccination contre le Covid-19 : "Il faut raccourcir les délais" prône Jean-François Mattéi
"La logistique n'est plus de la science, c'est de l'organisation", affirme sur franceinfo le président de l’Académie nationale de médecine, pour qui la campagne de vaccination est beaucoup trop lente.
"Il faut raccourcir les délais" de vaccination de Covid-19, a demandé jeudi 31 décembre sur franceinfo Jean-François Mattéi, président de l’Académie nationale de médecine qui a publié un communiqué intitulé "Il n'est plus temps d'attendre". L'Académie pointe du doigt la lenteur du déploiement de la campagne, en comparaison avec d'autres pays européens. "Pourquoi n'a-t-on a vacciné que 150 personnes" en trois jours, s'interroge Jean-François Mattéi. "Les pays voisins règlent les problèmes de logistique et nous, on invoque la logistique pour expliquer notre lenteur. Je ne pense pas que ça tienne la route", dit-il.
franceinfo : L'Académie de médecine juge le démarrage de la stratégie vaccinale française trop timide ?
Jean-François Mattéi : Je pense que le vaccin est une nécessité parce que c'est le seul moyen que nous avons aujourd'hui de contrer le virus, il n'y a pas à hésiter. Et nous pensons pour notre part que la vaccination de l'ensemble de la population prendra du temps et c'est une raison pour commencer beaucoup plus rapidement que nous ne le faisons aujourd'hui. Cela fait trois jours, on a vacciné 100 ou 150 personnes alors que nos voisins sont à 900 000 ou à plusieurs dizaines de milliers. Je ne comprends pas et comme tous les Français, les académiciens ne comprennent pas. Il faut raccourcir les délais.
"Il faut évidemment donner la priorité comme c'est fait pour les personnes âgées. Mais là encore, il faut y aller."
Jean-François Mattéi, président de l’Académie nationale de médecineà franceinfo
Quand on arrive dans un Ehpad, on demande aux gens oui ou non et dès que les gens disent "oui", on n'a pas le temps de réfléchir plusieurs jours. Et puis surtout, il faut qu'on ait une feuille de route. Je comprends très bien qu'il y ait une sorte de prudence. Mais aux Etats-Unis, on a démontré que plus on vaccinait plus on finissait par convaincre les hésitants. Alors que notre prudence aujourd'hui pourrait faire croire, a contrario, que l'on n'est pas tout à fait sûr de ce qu'on fait. Si, on est sûr que ce qu'on fait.
Faut-il avancer la deuxième phase de vaccination qui doit notamment toucher les personnes âgées hors-Ehpad ?
Moi, je pense qu'il faut avancer la deuxième phase de vaccination. Si on savait le nombre de doses qu'on a, on pourrait discuter davantage pour dire à qui les attribuer. À notre sens à l'Académie, il faut aussi donner la priorité aux départements qui sont aujourd'hui les plus touchés. Or, on n'a pas eu un mot de tout cela dans les explications. Combien on a de stocks disponibles aujourd'hui ? Et pourquoi on a vacciné que 150 personnes ? Ça, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre avec notre logique médicale.
Le professeur Alain Fischer qui coordonne la stratégie vaccinale explique que c'est un problème logistique à cause de la nature du vaccin qui doit être transporté au froid et rapidement utilisé...
Alain Fischer est probablement celui qui connaît le mieux la question de la vaccination. Mais la logistique n'est plus de la science, c'est de l'organisation et ce n'est plus son domaine à proprement parler. Les pays voisins règlent les problèmes de logistique et nous on invoque la logistique pour expliquer notre lenteur. Je ne pense pas que ça tienne la route.
Que craignez-vous si on accélère pas le processus ?
Je pense que les gens vont hésiter en disant : pourquoi ils sont si prudents ? Je pense que les politiques diront : comme les masques, comme les tests, on n'avait pas préparé, on n'avait pas anticipé, on est à la traîne.. Voilà ce que penseront les gens et je pense que ça ne mérite pas ça.
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