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Covid-19 : quatre questions sur le versement du RSA aux salariés non vaccinés suspendus

Quinze présidents socialistes de départements ont écrit au Premier ministre pour protester contre le fait de rendre éligibles au RSA les salariés suspendus pour absence de pass sanitaire.

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Un modèle de pass sanitaire présenté à l'entrée d'un établissement à Paris, le 9 août 2021. (DAVID HIMBERT / HANS LUCAS / AFP)

Les salariés suspendus et privés de salaire parce qu'ils ne disposent pas d'un schéma vaccinal complet ou d'un pass sanitaire doivent-ils recevoir le RSA ? Une quinzaine de présidents de départements de gauche s'y opposent et demandent au gouvernement de trouver une autre solution. Leur contestation soulève plusieurs questions, auxquelles franceinfo tente de répondre.

Pourquoi des salariés non vaccinés privés d'emploi sont-ils amenés à toucher le RSA ?

Depuis le 30 août, certains salariés doivent présenter à leur employeur leur pass sanitaire. Sont notamment concernées les personnes travaillant dans les restaurants, les bibliothèques, les cinémas, les musées, les transports publics ou les centres commerciaux. En cas de non-respect de cette obligation, ces employés peuvent être suspendus, rappelle le site Vie publique.

Depuis le 15 septembre, certaines professions (médecins, sages-femmes, infirmiers, pompiers, etc.) sont en outre soumises à une obligation de vaccination. La loi prévoyait une période de tolérance jusqu'au 16 octobre. Mais, depuis cette date, les salariés concernés doivent justifier auprès de leur employeur soit d'un schéma vaccinal complet, soit d'une contre-indication médicale à la vaccination, soit d'un rétablissement après une contamination au Covid-19. En cas de non-respect de cette obligation, le salarié peut voir son contrat de travail suspendu par son employeur, détaille le ministère du Travail.

Le salarié suspendu ne pouvant prétendre à une allocation chômage, "le droit commun" s'applique, fait valoir le ministère des Solidarités et de la Santé, interrogé par l'AFP. "Une personne qui est sans ressource doit pouvoir bénéficier de la solidarité nationale, d'un soutien comme le RSA ou un autre minima social", argumente le ministère. Ce dernier dément avoir mis en place un "dispositif nouveau" pour les personnels suspendus.

Pourquoi certains présidents de départements refusent-ils cette disposition ?

Le président socialiste du conseil départemental de Loire-Atlantique, Michel Ménard, a "reçu de la part de la Caisse d'allocations familiales cette décision de l'Etat disant que les personnes non vaccinées voyaient leurs ressources neutralisées et basculaient de fait dans le RSA", relate sur France Bleu Landes son homologue landais, Xavier Fortinon.

Les présidents PS des conseils départementaux de Loire-Atlantique, des Landes, mais aussi de Gironde, du Gers, de Seine-Saint-Denis, de l'Aude, du Tarn, de la Nièvre, de Lozère, de Haute-Vienne, des Pyrénées-Orientales, de l'Ariège, du Lot-et-Garonne, des Côtes-d'Armor et de Haute-Garonne ont donc écrit au Premier ministre, Jean Castex, pour lui faire part de leur "désaccord".

"Le RSA étant un dispositif de compétence départementale (...), il n'est pas acceptable qu'une décision relative à sa gestion soit prise sans consultation avec les départements", dénoncent-ils dans leur lettre. L'Etat "prend une décision, que je ne commente pas, mais qu'il l'assume et qu'il ne demande pas à d'autres de payer à sa place", fustige le Landais Xavier Fortinon sur France Bleu.

Les quinze présidents socialistes de départements jugent le mode d'attribution inéquitable. "Le versement du RSA se base sur les revenus des trois derniers mois  : généralement, une absence de revenu ou des revenus trop faibles, expose à Libération le président de la Gironde, Jean-Luc Gleyze. Or permettre à toute personne privée d’emploi, parce qu'elle n'est pas vaccinée, d'accéder au RSA conduit forcément à une inégalité. Un cadre, bien payé, mais qui ne veut pas se faire vacciner, pourrait toucher le RSA."

Autre objection soulevée par Jean-Luc Gleyze : "Le RSA est une allocation, mais qui induit aussi des mesures d'accompagnement et d'insertion à l'emploi, à travers le contrat d'engagement signé entre l'allocataire et le département. Comment envisager un contrat d'accompagnement pour une personne qui – par définition – ne va pas être employable ?"

Quelle autre solution proposent-ils ?

Plutôt que le RSA, les présidents de départements plaident pour "une allocation chômage temporaire", "plus juste", détaille le Girondin Jean-Luc Gleyze dans Libération. Le pass sanitaire n'a, en effet, pas vocation à devenir un dispositif pérenne. De même, la suspension de ces salariés peut être provisoire, ceux-ci pouvant par exemple être réintégrés une fois vaccinés.

"S'ils restent peu de temps chez Pôle Emploi, à ce moment-là, ils retrouveront du travail sans trop de difficulté. S'ils devaient y rester longtemps parce que la question sanitaire dure, ils pourraient un jour basculer dans le champ des allocataires du RSA. Et très légitimement, nous les récupérerions à ce moment-là. Ce serait à l’issue d’un processus qui correspond au droit commun de la perte d’emploi", décrit le président PS de Gironde. Les présidents de départements suggèrent qu'une telle allocation soit financée "via les cotisations sociales ou bien la solidarité nationale".

"L'assurance-chômage garantit aux salariés leurs revenus, avec environ 70% de leur dernier salaire, soit bien plus que le RSA pour un temps complet", souligne dans Le Parisien le président de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, estimant lui aussi que "c'est ce mécanisme de solidarité nationale (...) en cas de perte d’emploi qui devrait être mobilisé".

Combien de salariés suspendus sont concernés ?

Difficile à dire. "Pour l'instant, nous n'avons aucune donnée", reconnaît dans Libération Jean-Luc Gleyze. "Il faudrait connaître entreprise par entreprise le nombre de personnes qui n'ont pas été vaccinées, celles qui vont faire l'objet d'une suspension", relève-t-il. Certaines entreprises ont par ailleurs fait le choix de financer les tests PCR et antigéniques, devenus payants pour les adultes non vaccinés. D'autres ont affecté les salariés concernés par le pass sanitaire au travail à des tâches où ils ne sont plus en contact avec le public.

Pour le seul secteur de la santé, l'obligation vaccinale concerne environ 2,7 millions de travailleurs. Mais seule une infime minorité ne s'est pas conformée à cette contrainte. La ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a précisé à l'Assemblée nationale que 7 930 soignants étaient suspendus en France, à la date du 20 octobre. Mais moins d'une semaine plus tard, lors d'une audition au Sénat sur le projet de loi "vigilance sanitaire", le ministre de la Santé, Olivier Véran, a ajouté que "les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinés".

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