Covid-19 : "La France peut jouer un rôle important dans le deuxième tour de vaccination, l'hiver prochain", selon un économiste de la santé
"Le vaccin, c'est du soft power, c'est de la géopolitique. Il faut rebondir", affirme Frédéric Bizard qui rappelle que "c'est en France qu'on a découvert l'ARN-messager".
"La France peut jouer un rôle important dans le deuxième tour de vaccination l'hiver prochain", a déclaré mercredi 7 avril sur franceinfo Frédéric Bizard, économiste de la santé. Le lancement du conditionnement de vaccins en France mercredi "ne va pas changer le calendrier de vaccination", explique-t-il, car "c'était intégré dans le planning". Pour Frédéric Bizard, la France ne doit pas rester un sous-traitant mais doit se préparer à l'apparition à venir de variants du Covid-19, "en construisant un pôle de production complet d'ARN-messager, ça prend six mois et c'est 150 millions d'euros d'investissement".
franceinfo : Est-ce que le conditionnement de vaccins en France peut accélérer la campagne de vaccination chez nous ?
Frédéric Bizard : D'abord, je crois qu'il faut féliciter les entreprises qui ont été sélectionnées par Pfizer et Moderna : Delpharm et Recipharm. C'est une belle preuve de reconnaissance et de qualité de ces entreprises. Est-ce que ça change le planning d'approvisionnement en doses de vaccin ? Non, puisque tout cela était intégré dans le planning. Il faut savoir que les vaccins qui vont sortir de ces usines qui réalisent le conditionnement de ces vaccins vont être distribués par l'Union européenne. C'est l'accord qui a été scellé en juin 2020 entre les États membres de l'Union européenne. Donc ça ne va pas changer le calendrier, c'est un fait.
Dans ce cas, quel est l'intérêt de produire des vaccins en France ?
C'est que la France participe à l'effort de production, ce qui est la moindre des choses. Il faut être un peu réaliste : La France a vraiment un peu perdu la bataille des vaccins pendant cette première année. On parle de guerre anti-Covid, le vaccin est l'arme fatale de cette guerre. La France, pendant la première année de la crise, n'a rien découvert, rien développé et rien produit avec succès. C'est la réalité de fond. Donc, est ce que cet évènement d'une production sous forme de conditionnement de vaccins change la donne de fond, à savoir que nous sommes absents aujourd'hui de la découverte et du développement de vaccins ? Malheureusement, non. Donc, je pense qu'il faut aller bien plus loin.
"Il faut être bien plus ambitieux, sans quoi on va rester des sous-traitants de l'Allemagne et des États-Unis, ce qui n'est pas vraiment la place de la France quand on regarde son histoire."
Frédéric Bizard, économiste de la santéà franceinfo
Je rappelle que c'est en France qu'on a découvert l'ARN-messager, la France était leader dans la génomique dans les années 1990 et la France a d'excellents chercheurs et de grandes capacités. Je pense qu'il y a un autre projet possible que moi j'avais appelé les Airbus de l'ARN-messager, mais il faut aller bien plus loin que de la sous-traitance.
Pour l'instant, c'est donc une façon de dire que la France existe sur le marché du vaccin, mais ça ne permet pas forcément de rattraper le retard sur les Britanniques ou sur les Américains ?
Je dirais que c'est une manière de sauver la face. Mais le gouvernement n'est pour rien dans cette situation puisque c'est la suite de 20 ans de désinvestissement dans la recherche médicale et on a raté le virage des biotechnologies dans les années 2010. Mais il n'est pas trop tard parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a des variants. Il y a au moins trois variants qui vont nécessiter probablement un deuxième tour de vaccination l'hiver prochain, probablement à partir de vaccins de deuxième génération à base d'ARN-messager. Et la France peut jouer un rôle important dans ce deuxième tour. Mais c'est dès maintenant qu'il faut s'y préparer, par exemple en construisant un pôle de production complet d'ARN-messager sur notre territoire, ça prend six mois et c'est 150 millions d'euros d'investissement. Mais je pense que c'est probablement le meilleur investissement possible pour redonner un peu à la France sa place dans le concert des nations qui comptent dans le vaccin. Et le vaccin, c'est du soft power, c'est de la géopolitique, ça n'est pas simplement un produit de santé, donc je pense qu'il faut rebondir.
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