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Covid-19 : est-il possible d’acheter des licences aux grands laboratoires pour fabriquer les vaccins en France ?

L'urgentiste Philippe Juvin affirme que cela permettrait d’accéder à une plus grande quantité de vaccins contre le coronavirus. 

Article rédigé par Gérald Roux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Vaccin contre le Covid-19 (illustration 12 novembre 2020). (VOISIN / PHANIE)

Face au manque de doses de vaccins contre le Covid-19, Philippe Juvin a une solution. Pour le chef des urgences de l’hôpital Pompidou à Paris, également membre du Parti les Républicains, interrogé sur franceinfo dimanche 31 janvier, il faut "acheter les licences des vaccins Pfizer et Moderna pour les fabriquer sur le territoire français". C’est possible en théorie, mais difficile dans la pratique. La cellule le Vrai du Faux vous explique pourquoi.  

Il faut d’abord savoir que quand un laboratoire pharmaceutique met au point une molécule, il dépose un brevet qui dure entre 20 et 25 ans. Pendant cette période, le labo tire un maximum de bénéfices de sa découverte. Il vend son produit aussi cher qu’il le pourra. Il peut aussi vendre ses licences, qu’on appelle des "licences volontaires", à d’autres sociétés qui vont fabriquer une partie de son médicament.  AstraZeneca a fait un accord de ce type avec des fabricants indiens pour son vaccin contre le Coronavirus.  

La "licence obligatoire" en cas d’urgence

Mais ce n’est pas de cette possibilité dont parle Philippe Juvin. Le médecin fait allusion à la "licence obligatoire", qui se négocie au niveau des États, au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Depuis 1994, il existe une exception au régime de propriété intellectuelle, qui protège mondialement les médicaments pendant 20 à 25 ans. Avec la "licence obligatoire", un pays a théoriquement le droit pour des raisons de santé publique de demander à l’OMC d’obtenir une licence afin de produire une molécule détenue par un laboratoire. Si c’est accepté, le labo sera rémunéré par le pays demandeur.  

Une procédure rare  

Dans la pratique, la "licence obligatoire" n’est pas fréquemment utilisée. D'adord, "les labos n’aiment pas du tout cette procédure", rappelle l’économiste de la santé, Nathalie Coutinet : "S’ils sont forcés par un pays, ils peuvent prendre des mesures de rétorsion sur la vente de futurs médicaments à ce même pays", précise-t-elle. Il y a eu des bras de fer comme cela dans le cadre de traitements contre le Sida entre le Brésil et la Thaïlande face aux laboratoires Merck dans les années 2000.

Ensuite, les pays industrialisés demandent très peu à faire jouer cette "licence obligatoire" car ils protègent eux-mêmes leurs propres laboratoires. La France avec Sanofi, par exemple. Aux États-Unis, il existe aussi le l'article "301 spécial", qui permet à Washington de prendre des mesures de rétorsion si les intérêts d’une firme américaine sont menacés dans un autre pays. En décembre 2020, l’OMC, sous la pression des pays riches, a refusé une demande de plusieurs pays en développement de dispenser de brevet le vaccin contre le Covid-19.  

D'autres difficultés s’ajoutent   

La mise en œuvre de l’idée de Philippe Juvin apparait délicate. Et pour d'autres  raisons encore. Le ministère de l’Industrie rappelle que si l’achat de licences est théoriquement possible, le gros souci c’est la production. "Un transfert de technologie, cela nécessite des compétences, des savoir-faire et des équipements. Ça ne se fait pas en un claquement de doigts". Sans compter le prix de la licence qu’il faudrait payer à Pfizer ou Moderna en cas d’hypothétique accord.   

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