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Manifestations contre le pass sanitaire : on vous explique l'affaire de la pancarte antisémite brandie par une femme à Metz

Le message, remarqué dans un cortège samedi, reprend notamment un slogan en plein essor chez les complotistes antisémites. Une enseignante, ex-membre du Front national et ancienne élue locale, a été interpellée lundi en Moselle.

Article rédigé par franceinfo
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Une manifestation contre le pass sanitaire à Metz (Moselle), le 7 août 2021, où une pancarte antisémite (absente de cette image) a été brandie. (NICOLAS BILLIAUX / HANS LUCAS / AFP)

Le sujet de l'antisémitisme de certains opposants au pass sanitaire ou à la vaccination contre le Covid-19 (déjà soulevé par le port de l'étoile jaune), est revenu dans l'actualité, dimanche 8 août, au lendemain d'une manifestation qui a rassemblé près de 4 000 personnes à Metz (Moselle) selon la police.

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Le préfet de Moselle, interpellé par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé l'ouverture d'une enquête au sujet d'une pancarte brandie par une femme dans le cortège samedi, dont la photo a été diffusée sur les réseaux sociaux. Elle reprend un slogan devenu un signe de ralliement de militants antisémites, accompagné d'une liste de personnalités dont le principal point commun n'est pas un lien avec les restrictions sanitaires, mais l'appartenance réelle ou supposée de la plupart d'entre eux à la communauté juive.

Franceinfo vous explique ce qui se cache derrière ce message, et ce que l'on sait de l'identité de son autrice, interpellée lundi.

Que dit la pancarte ?

Le panneau brandi par cette manifestante à Metz, samedi, porte le nom de 13 personnalités – responsables politiques, hommes d'affaires, intellectuels – affublées du qualificatif "traîtres". Si Emmanuel Macron figure dans cette liste, une partie d'entre elles n'ont pas de lien direct avec la gestion de la pandémie (le philosophe Bernard-Henri Lévy, le fondateur du forum économique de Davos, Klaus Schwab, l'économiste Jacques Attali, etc.) et n'ont en commun que leur appartenance réelle ou supposée à la communauté juive.

Si le lien fait entre ces noms n'est pas explicité, il porte également l'inscription "Mais qui ?" (le "q" étant surmonté de cornes), devenue récemment une référence discrète chez les militants antisémites. Elle fait référence à une séquence diffusée le 18 juin dernier sur CNews, et déjà dénoncée à l'époque par la Licra. Dominique Delawarde, général à la retraite et signataire d'une tribune dans Valeurs actuelles, y est interrogé sur des propos passés dans lesquels il considère l'élection présidentielle américaine comme truquée et évoque "la meute médiatique dont nous savons qui la contrôle". "Qui contrôle la meute médiatique ?" questionne alors le membre du bureau exécutif de LREM Claude Posternak, intervenant dans la même l'émission. "C'est la communauté que vous connaissez bien", finit par répondre Dominique Delawarde, en référence à peine voilée aux théories du complot antisémites. 

Le parquet de Paris avait ouvert peu après l'interview une enquête pour "diffamation publique" et "provocation à la haine et à la violence à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion".

Ce "Qui ?" a depuis été repris sur internet dans des sphères antisémites. Puis il est apparu sur des pancartes notamment aperçues dans des manifestations contre les mesures sanitaires les 17 et 24 juillet, rapporte Libération.

Qui est la femme qui la brandit ?

Lundi matin, "les services de police ont interpellé la jeune femme brandissant cette pancarte", a annoncé Gérald Darmanin sur Twitter, sans préciser son identité. Mais de nombreux internautes avaient reconnu sur la photo le visage de Cassandre Fristot, une responsable politique d'extrême droite de Moselle.

Cette enseignante de 33 ans a notamment été candidate du Front national aux élections législatives de 2012 dans le département. Quelques mois plus tard, elle avait été nommée au cabinet de Louis Aliot, alors vice-président du parti. Avant de quitter ce poste et la formation de Marine Le Pen en mars 2013. A l'époque, Le Républicain lorrain relatait un différend portant sur son planning de travail, et Marine Le Pen affirmait sur France 3 qu'il avait été mis fin à sa période d'essai. La jeune femme dénonçait "des méthodes totalitaires" et avait ensuite critiqué l'investiture aux municipales accordée par le FN à Florian Philippot, aujourd'hui figure du mouvement d'opposition au pass sanitaire. Elle a depuis été candidate à deux reprises à la mairie de Hombourg-Haut, se présentant en 2020 avec le soutien du Parti de la France, une formation d'extrême droite fondée par des anciens du FN. Elle est élue d'opposition au conseil municipal.

Louis Aliot, aujourd'hui maire RN de Perpignan (Pyrénées-Orientales), était interrogé dimanche par L'Indépendant et a semblé reconnaître son ancienne collaboratrice. "Ça ne m'étonne pas qu'on la retrouve là, a-t-il affirmé au quotidien local. Ces dingueries ne me font pas rire du tout... C'est honteux."

Cassandre Fristot a été interpellée lundi à Hombourg-Haut, avant d'être placée en garde à vue vers midi. Elle est entendue pour "provocation publique à la discrimination en raison de la religion", a appris franceinfo de source policière.

Confirmant son statut d'enseignante, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a annoncé qu'elle serait "suspendue en attendant les suites disciplinaires". "Sur le plan pénal, le recteur saisit le procureur", a ajouté le ministre.

Quelles ont été les réactions ?

C'est samedi en fin de journée que la photo de cette pancarte a commencé à être partagée sur Twitter, notamment par Rudy Reichstadt, fondateur du site de lutte contre le complotisme Conspiracy Watch. Une autre image montrant la jeune femme et son message a également été partagée par un journaliste de Ouest-France

Après les premières condamnations de responsables politiques samedi soir et dimanche matin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est exprimé sur Twitter dimanche soir, dénonçant une pancarte "abjecte".

Il a annoncé avoir demandé au préfet de Moselle de signaler le message au parquet, et la préfecture a confirmé ce signalement. Une enquête de flagrance a été ouverte et confiée au commissariat de Metz, a affirmé le préfet à l'AFP.

La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) a annoncé dimanche à l'AFP son intention de porter plainte et a dénoncé sur Twitter le slogan "Qui ?" comme une "nouvelle manière d'afficher – et d'assumer – son antisémitisme". Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a également annoncé son intention de déposer une plainte, visant cette fois Cassandre Fristot. Le président de SOS Racisme Dominique Sopo a expliqué que l'association allait "étudier les voies pour faire condamner cette expression de haine".

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