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Disparités sociales de la vaccination Covid-19 en France : "Il y a une grande œuvre d’éducation à reprendre dès l’école"

Y a-t-il un lien entre la fracture vaccinale et la fracture sociale ? La carte de France de la population vaccinée révèle que ce sont les territoires défavorisés qui ont le plus faible taux de vaccination. Franceinfo s'est rendu à Romainville en Seine-Saint-Denis à la rencontre d'habitants inquiets.

Article rédigé par franceinfo - Jean-François Fernandez
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le local du Secours Populaire rue Jean Jaurès, à Romainville, Seine Saint Denis. (JEAN-FRANCOIS FERNANDEZ / RADIO FRANCE)

Les enfants jouent dans la rue piétonne du Chemin vert à Romainville où ont été installées des animations sportives d'été. Dans cette banlieue de Seine-Saint-Denis, un peu moins d'un habitant sur quatre a moins de 14 ans, une jeunesse plus importante que la moyenne des villes de France.

De nombreux professionnels du milieu socio-éducatif accompagnent tous ces jeunes. C'est le cas d’Ali Kissi, éducateur sportif dans un club de football. Avec l'application du pass sanitaire, il redoute une perte d'adhérents et de pratiquants à la rentrée dans les clubs de sport de la ville. "On va rentrer dans une phase où les gens vont se désolidariser du pass sanitaire".

"Certains parents vont éviter d’envoyer leurs enfants à l’école et de les mettre dans les différentes structures."

Ali Kissi, éducateur sportif dans un club de football

à franceinfo

"Cela donnera peut-être une raison à certaines personnes de s’isoler et de dire : ‘Nous, on ne veut pas vivre comme les autres", craint l’éducateur que nous avons rencontré. 

Beya Bahrouni, vice-présidente de l'association Maraude soldat de la rue, confirme que certains parents du quartier envisagent en effet de déscolariser leur enfant à la rentrée à cause du pass. "Ils vont faire l’école à la maison. C’est dommage parce qu’on va être obligé de retirer aux enfants tout ce qu’ils avaient avant : les copains, la récré… Ça va être encore des gens un petit peu exclus de la société et auxquels on ne s’intéressera peut-être pas", déplore-t-elle.

Dans ce quartier, au sud de la rue Jean Jaurès, au bas des immeubles, un local est le point de ralliement, un peu comme dans un village. C'est l'antenne du Secours populaire. Joel Mangalam en est le président du comité Romainville. Il connaît bien les habitants et ne cache pas non plus son inquiétude. 

Ce pass sanitaire va créer une grande fracture au niveau des habitants de cette ville. Cette population souffre, va souffrir encore et ce n’est pas près de se terminer.

Joel Mangalam, président du comité Romainville

à franceinfo

Déjà lors du premier confinement, les acteurs sociaux ont constaté les dégâts collatéraux de l'isolement des familles. Et le pass sanitaire risque encore de creuser l'écart. Quand on demande aux habitants pourquoi ils ne sont pas vaccinés, ce n'est pas par manque d'accès aux créneaux de vaccination. "Je n’ai pas encore envie de me faire vacciner, explique tout bonnement Grassa, maman de deux enfants de 4 et 10 ans. J’ai encore des doutes au niveau du vaccin, si ça va marcher ou pas, si ça ne représente pas un danger pour ma famille". 

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Driss n'est pas non plus vacciné. Il estime que sans pass sanitaire, il va continuer à pouvoir vivre sa vie comme avant. "Moi je n’ai pas eu le vaccin, je fais la queue par là, les autres qui l’ont fait montrent leur papier et passent de l’autre côté. Ça ne me dérange pas", avance-t-il.

Seul un habitant de Romainville sur trois a un médecin traitant

Un peu comme une insouciance, les gens rencontrés semblent ne pas mesurer le risque pour leur santé. Il faut dire qu'ici un habitant sur trois seulement à un médecin traitant. Pour le géographe Emmanuel Vigneron, le cœur du problème est un manque d'éducation à la santé. "Il faut reprendre à la base l’éducation à la santé, aux bienfaits de la vaccination pour éclairer les personnes, prône-t-il. Ce n’est pas toujours facile à comprendre. Il y a une grande œuvre d’éducation à reprendre dès l’école. Il faut éduquer les gens partout au bon usage des services de santé". 

Cette situation existe en Seine-Saint-Denis, mais aussi dans le sud de la Seine-et-Marne, les quartiers nord de Marseille ou encore la banlieue de Lyon avec Vaux-en-Velin et Vénissieux, les grandes banlieues qui sont souvent défavorisées. 

Pourquoi les habitants de Romainville (Seine-Saint-Denis) sont-ils si peu vaccinés ? Un reportage de Jean-François Fernandez.

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