Non, un décret ne légalise pas l'euthanasie pour les seniors atteints par le coronavirus
Des internautes accusent le gouvernement d’avoir adopté un décret le 28 mars qui permet aux soignants d’euthanasier des personnes atteintes du Covid-19 en leur administrant du Rivotril. Ce texte a bien été publié au sujet de ce sédatif, mais il n’autorise en aucun cas l’euthanasie qui reste illégale en France.
L'information est massivement partagée sur les réseaux sociaux. Le recours à l'euthanasie aurait été autorisé par décret pour les personnes atteintes par le coronavirus. L'eurodéputé du Rassemblement national, Gilbert Collard, l'a même relayé sur son compte Twitter. Le message a été partagé plus de 2 300 fois sur la plate-forme. Il renvoie vers le témoignage du Docteur Hardy sur Radio Shalom, le 1er avril. Cette information a également été reprise par le site Agoravox.tv dont l'article a été partagé plus de 1 800 fois sur Facebook entre le 3 et le 6 avril. Le décret du 28 mars 2020 a bien été publié au Journal officiel, mais il n’autorise en aucun cas la pratique de l’euthanasie. Elle continue d'être illégale en France. La Cellule Vrai du faux de franceinfo vous explique.
Parce que le décret rend seulement plus accessible un médicament déjà utilisé
Le décret du 28 mars 2020 modifie temporairement le périmètre d’utilisation et de prescription du Rivotril sous forme injectable. Cette mesure est en vigueur jusqu'au 15 avril 2020. Ce médicament est habituellement prescrit pour soigner certaines crises d’épilepsie. Il peut aussi être "appliqué comme sédatif pour des patients en soin palliatif", explique le président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), Olivier Guérin, dans un communiqué.
Ce décret permet aux médecins de ville de prescrire du Rivotril sous forme injectable aux patients atteints du coronavirus. D’autre part, il permet aux pharmacies de ville de délivrer sur ordonnance ce médicament pour les "patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le virus SARS-CoV-2 dont l’état clinique le justifie". Avant ce texte, le Rivotril sous forme injectable "ne pouvait être fourni que par les pharmacies hospitalières", précise Olivier Guérin.
Parce que le décret encadre l'administration de ce médicament
Le décret du 28 mars fixe des conditions de délivrance bien précises. Le médecin doit "se conformer aux protocoles exceptionnels et transitoires", précise le texte. Les professionnels de santé peuvent y avoir recours pour prendre en charge "de la dyspnée (gêne respiratoire)", mais aussi dans le cadre de soins palliatifs "de la détresse respiratoire, établis par la Société française d’accompagne et de soins palliatifs (SFAP)". L'objectif est de permettre d’apaiser, à domicile ou en Ehpad, la fin de vie des patients "ne pouvant être admis en réanimation" et après une décision collégiale, précise la Fédération des pharmaciens d’officine.
Le 26 mars, dans une lettre ouverte au ministre de la Santé, le Conseil national professionnel de gériatrie (CNPG) demandait à Olivier Véran de mettre en place neuf mesures "pour atténuer l’impact de l’infection à Covid-19 sur les personnes âgées dépendantes résidant en Ehpad ou vivant à domicile". Parmi les demandes, il y a la mise à disposition dans les maisons de retraite de molécules, comme le Rivotril, qui sont habituellement réservées aux hôpitaux. Le CNPG considère qu'elles sont "indispensables pour assurer une prise en charge digne de la détresse respiratoire asphyxique des très nombreux résidents, ne relevant pas d’une hospitalisation, qui décéderont en Ehpad".
Parce que la sédation diffère de l'euthanasie
Soulager la fin de vie d’un patient ne signifie pas que l'euthanasie est légalisée en France, explique Olivier Guérin. "Administrer du Rivotril à un patient ne veut pas dire arrêter les soins, prévient le président de la Société française de gériatrie et gérontologie. Il s’agit au contraire, lorsque la situation se dégrade et dans certaines circonstances, d’un accompagnement pour soulager sa souffrance en le plaçant dans une sédation lorsque la détresse respiratoire devient insupportable." Le professeur de gériatrie au CHU de Nice ajoute également qu'"il ne s’agit certainement pas d’un médicament destiné à pratiquer une euthanasie. Il est bien entendu hors de question de faire de la sédation sur des patients qui nécessiteraient une hospitalisation".
La Haute Autorité de santé explique que l'objectif de la sédation profonde est de "soulager une souffrance réfractaire", alors que l'euthanasie est une réponse "à la demande de mort du patient". Le moyen de parvenir à une sédation profonde est "d’altérer la conscience profondément" en utilisant "un médicament sédatif avec des doses adaptées". L'euthanasie a pour but, quant à elle, de "provoquer la mort" en utilisant "un médicament à dose létale". Le résultat aussi diffère. Dans le cas de la sédation profonde, le décès est causé par "l’évolution naturelle de la maladie". Cela n'est pas le cas de l’euthanasie qui provoque une "mort immédiate du patient".
En France, l’euthanasie est illégale. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite "loi Leonetti", est une loi française qui a pour objectif d’éviter les pratiques d’euthanasie tout en empêchant l’acharnement thérapeutique. Ce texte permet d’une part au patient de demander, dans un cadre défini, l’arrêt d’un traitement médical trop lourd et d’autre part de développer les soins palliatifs donnés aux patients afin de prendre en compte leurs souffrances.
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