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"Je suis dégoûtée d'en arriver là" : infirmière à l’hôpital public, Agathe arrondit ses fins de mois en faisant des heures supplémentaires non déclarées

La concertation commence aujourd’hui entre gouvernement et professionnels de l’hôpital pour améliorer leurs conditions de travail et de rémunération. Ils sont en effet nombreux, comme Agathe, à arrondir leurs fins de mois dans l’illégalité faute d’un salaire suffisant à l’hôpital public.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des soins infirmiers prodigués à domicile (illustration). (FABIEN DUBESSAY / MAXPPP)

Un salaire de 2 100 euros, après onze ans de carrière : c’est ce que touche Agathe, infirmière dans un service d’urgences d’un hôpital de Nouvelle-Aquitaine. Depuis son divorce il y a un an et demi, cette maman fait des heures supplémentaires "illégalement" comme infirmière dans une association pour s’en sortir. "Je gagne entre 200 et 400 euros de plus par mois grâce à ce job, explique-t-elle. Cela me prend deux ou trois jours par mois et cela permet de bien arrondir les fins de mois."

J’ai réussi à trouver ces heures supplémentaire par le bouche-à-oreille, entre collègues. C’est comme cela qu’on arrive à se débrouiller. Je suis dégoûtée d’en arriver là, de faire cela dans l’illégalité.

Agathe

à franceinfo

Agathe aide en ce moment une autre collègue en difficulté à trouver ces paramédicalisations hors hôpital. Pas le choix vu le salaire. "Vous gagnez 1 500 euros en début de carrière, c’est quand même hallucinant, soupire-t-elle. Nous ce que nous attendons, c’est au moins 300 euros net de revalorisation sur nos salaires." Aujourd’hui, elle pense à quitter l’hôpital public. "Amoureuse de mon métier, je le suis, insiste-t-elle. Mais avec ces heures à gogo et ce salaire qui n’est pas digne de ce que nous faisons, même si j’aime mon métier, je suis prête à le quitter. Cela pourrait me faire changer d’avis s’il y avait une vraie prise de conscience politique. Mais une vraie…"

Le phénomène est difficile à quantifier

Quelle est l’ampleur du phénomène ? Difficile de le chiffrer puisque ces heures supplémentaires sont "illégales". Le ministère de la Santé, qui a prévu une revalorisation des salaires des soignants, affirme qu’il n’est pas en mesure de le quantifier. Les syndicats, eux, évoquent un phénomène concentré dans des grandes villes, où le coût de la vie est plus élevé. Il s’agit ainsi plutôt des jeunes infirmiers ou infirmières célibataires qui viennent de tous les services de l’hôpital : urgences ou réanimation par exemple et qui effectuent ces heures illégales dans des structures privées, comme des Ehpad ou des centres de rééducation. Pour ceux qui souhaitent augmenter leurs rémunération et aussi pour plus d’attractivité, Olivier Véran propose donc d’assouplir les 35 heures à l’hôpital.

Mais pour Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers, le ministre de la Santé fait fausse route. "Ils n’ont pas bien travaillé leurs dossiers, dénonce-t-il,  car les hôpitaux en France sont en 38 heures, voire en 37 heures, avec des jours de RTT qu’ils ne peuvent pas prendre puisqu’il manque du personnel." "Ce qui est important, pour nous, poursuit Thierry Amouroux, est de créer des postes pour permettre aux agents de prendre leurs jours de repos sans être obligés de revenir sur leurs jours de repos, ou de fermer des lits faute de personnel." Le salaire moyen d’un infirmier est aujourd’hui de 1 800 euros net par mois.

Ecoutez le témoignage d'Agathe, recueilli par Farida Nouar

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