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Funérailles "horribles" et système D pour se protéger : les pompes funèbres ont "la peur au ventre" face au coronavirus

À cause de l'épidémie de coronavirus, les professionnels des pompes funèbres ont de plus en plus de corps à prendre en charge, dans des conditions sanitaires délicates, et avec beaucoup de restrictions pour les familles.

Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
En Italie, comme ici à Seriate, les funérailles se déroulent avec un seul parent en raison du coronavirus, le 20 mars 2020 (photo d'illustration). (NICOLA MARFISI / MAXPPP)

Les pompes funèbres sont de plus en plus sollicitées, plusieurs professionnels l’ont constaté depuis mardi 24 mars à Paris ou depuis la semaine dernière en Alsace. Elles se retrouvent désormais en première ligne face au coronavirus. La France a dépassé, mardi 24 mars, les 1 000 morts constatés à l'hôpital à cause du Covid-19 depuis le début de l’épidémie, selon la direction de la santé. Un chiffre qui ne prend pas en compte les dizaines de décès dans les Ehpad.

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Marc Miranda, patron d’une entreprise familiale à Mulhouse dans le Haut-Rhin, gère désormais deux à trois décès par jour, c’est quatre fois plus que d’habitude, et dans des conditions difficiles : "Le problème maintenant c’est que tous les décès en milieu hospitalier ou Ehpad sont considérés comme un Covid-19. Du coup, il y a des procédures qui sont imposées, c’est-à-dire mises en bière immédiate et l’impossibilité pour la famille d’assister à la fermeture du cercueil."

Des corps qui n'ont pas été testés au Covid-19

Depuis mardi, la Haut-Conseil de la Santé publique recommande quand même que les familles puissent voir le visage du défunt. Les soins mortuaires sont eux proscrits en cas de coronavirus avéré ou suspecté. Mais comment le savoir ? "On est très stressé", explique Mickaël Lebreton. Il est thanatopracteur dans le Val d’Oise, il s’occupe des corps : "On travaille avec la peur au ventre. Les corps qui sont en centre hospitaliers sont logiquement diagnostiqués Covid-19. Mais pour les corps qui sortent des Ehpad, il n’y a pas eu d’analyse sur le défunt, qui nous dit qu’il n’est pas infecté ? C’est vrai qu’on a très peur de ce côté là."

Certains thanatopracteurs ont d’ailleurs préféré arrêter toute activité. Pour certaines pompes funèbres, c’est le "système D" pour se protéger au maximum. "On n’a pas été mis dans la boucle, explique Lambert Rivasi qui dirige les Pompes Funèbres Convention à Paris. Il a fallu que chaque entreprise se débrouille un peu. On y arrive avec les moyens du bord, avec des masques plus ou moins exotiques trouvés dans les magasins de bricolage, mais c’est mieux que rien."

"Chacun pleurait dans son coin"

"On porte des lunettes et des gants, poursuit Lambert Rivasi, on fait très attention pour la manipulation des corps". Et beaucoup de prévention aussi à l’égard des familles avec pas plus de 20 personnes autorisées pour les inhumations. Des choix souvent douloureux, et des cérémonies écourtées d'une quinzaine de minutes. Marc Miranda en a dirigé une mardi à Mulhouse avec seulement six personnes : "Chacun a respecté la zone de protection de plus d’un mètre et je peux vous dire que c’était horrible. Il n'y a aucun mouvement d’empathie qui peut se faire, comme s’embrasser. Chacun pleurait dans son coin, à des mètres de distance, c’est un truc de fou."

Même désarroi pour Véronique Bertrand : "C’est très très dur". Elle travaille dans une pompe funèbre de Paris avec une dizaine de cas de Covid-19 pris en charge depuis mardi. "Il va y avoir certainement des gens qui auront besoin de suivi après pour faire leur deuil, indique Véronique Bertrand, car ne pas revoir son défunt, ne pas pouvoir lui faire un hommage comme ils auraient eu envie de lui faire. On est peiné pour eux".

Par crainte des contaminations tous les proches préfèrent même parfois renoncer à venir aux obsèques. Dans l’Oise, une société de pompes funèbre s’apprête à enterrer un septuagénaire seul, sans sa conjointe ni ses enfants.

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