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#EtAprès Coronavirus : face aux risques existentiels que court l'humanité, la nécessité d'un "plan global"

La pandémie de coronavirus interroge sur les risques existentiels qui pèsent sur l'espèce humaine. Ricardo Abromovay plaide pour un dépassement des réthoriques nationalistes et une gestion rationnelle et coopérative à l'échelle mondiale.

Article rédigé par franceinfo
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Modélisation en 3D du Covid-19 (illustration). (ARIS MESSINIS / AFP)

Coronavirus : et après ? franceinfo ouvre le débat. Un échange à grande échelle pour stimuler et partager des questions, des idées, des témoignages et ouvrir le débat le plus largement possible sur les solutions de demain : #EtAprès, qu’est-ce qui doit changer ? Cette contribution de la Fondation pour l'innovation politique est signée par Ricardo Abramovay, professeur à l’Institut de l’énergie de l’université de São Paulo, auteur de Amazônia. Por uma economia do conhecimento da natureza (éditions Elefante/Outras Palavras). Traduction du portuguais brésilien par la Fondation pour l’innovation politique.


#EtAprès. Aussi grande que soit la souffrance causée par le nouveau coronavirus, tout indique qu’il ne représente pas un risque existentiel pour l’espèce humaine. Cependant, la pandémie a provoqué une impressionnante activité en termes de travaux académiques dans les centres de recherche les plus prestigieux du monde et dont les questions centrales sont : combien de temps l’humanité survivra-t-elle ? Quels sont les risques existentiels qui nous attendent et qui ont la capacité d’interrompre une histoire de deux cent mille ans qui, bien que ce temps nous semble gigantesque, ne représente que l’enfance de notre espèce ?

Une pandémie mondiale, la plus importante de ces cent dernières années, inspire la crainte individuelle et la solidarité collective avec ceux qui nous sont proches. Mais il est fondamental qu’elle stimule également une réflexion sur l’avenir de l’espèce humaine elle-même, sur la solidarité entre les générations. La seule façon de faire honneur à ceux qui nous ont précédés pour tout ce qu’ils nous ont légué est de veiller à ce que les générations futures puissent s’épanouir et profiter d’une vie qui vaille la peine d’être vécue.

Risques existentiels

C’est notamment le fondement éthique des recherches menées par le Centre for the Study of Existential Risk, de l’université de Cambridge , et le Future of Humanity Institute, de l’université d’Oxford. C’est également le thème d’un livre fascinant que vient de publier Toby Ord, chercheur à Oxford, intitulé The Precipice. Existential Risk and the Future of Humanity.

L’enjeu de la recherche sur le risque existentiel ne consiste pas en un exercice macabre sur la fin de l’espèce humaine. La recherche sur les risques existentiels valorise avant tout notre capacité à faire en sorte que la créativité et l’intelligence humaine permettent des réalisations futures dont nous ne pouvons même pas rêver aujourd’hui et qui, bien sûr, ne se concrétiseront que si l’humanité existe encore pour les porter.

Et c’est précisément autour de notre intelligence et de notre créativité que se situe le paradoxe fondamental qui définit les risques existentiels, c’est-à-dire ceux qui menacent l’ensemble de l’espèce humaine. Malgré la menace que représentent les catastrophes naturelles (comme pourraient en témoigner les dinosaures…), les principaux risques présents résultent de l’avancée même de la science et de la technologie contemporaines. Si, bien entendu, les volcans et les tremblements de terre sont dangereux, ce qui nous menace le plus, c’est ce que nous créons et ce qui résulte de notre ingéniosité et de notre talent.

Ce constat ne conduit pas à rejeter les accomplissements qui ont permis l’augmentation de l’espérance de vie, l’amélioration de la santé publique, l’augmentation globale du niveau d’éducation, la réduction de la pauvreté et le confort matériel dont bénéficie – malgré les inégalités impressionnantes – une partie très importante et croissante de l’espèce humaine.

Mais le point de départ des recherches sur les risques existentiels est l’écart entre le pouvoir que nous accumulons pour transformer le monde qui nous entoure et la précarité de la sagesse, de la prudence et des instruments politiques pour gérer ce pouvoir. L’augmentation spectaculaire de notre mobilité et la densité des agglomérations dans lesquelles nous vivons amplifient ces risques, comme le montre clairement l’épidémie de Covid-19. Et bien que nous vivions plus longtemps et mieux que jamais, nos risques existentiels sont en train d’augmenter.

Risques globaux, réponse globale

Il existe quatre risques existentiels particulièrement importants étudiés par les experts : la guerre nucléaire, la crise climatique, l’avancée de l’intelligence artificielle et les menaces biologiques. Et, bien sûr, ce qui est le plus préoccupant de nos jours, ce sont les "risques biologiques catastrophiques mondiaux". Sur ce sujet, le livre de Toby Ord fait un panorama particulièrement contradictoire sur ces risques. Aujourd’hui, nous comprenons les maladies qui nous touchent, et ce qui n’était pas le cas il y a deux cents ans. Nous disposons d’antibiotiques, de vaccins, nous sommes capables d’organiser des quarantaines, et les systèmes de santé, malgré toutes leurs lacunes, n’ont jamais été aussi étendus et efficaces. Bien entendu, cela ne nous débarrasse pas des risques biologiques comme celui que nous connaissons actuellement, mais ce qui inquiète le plus les chercheurs, c’est la possibilité croissante que les pandémies soient le résultat de la recherche elle-même, que ce soit par accident, par des fuites ou intentionnellement. Ainsi, en 2014, quarante-cinq litres d’un réservoir où un grand pharmacien stockait le virus de la polio sont accidentellement tombés dans une rivière belge, et, en 2005, trois rats infectés par la peste bubonique ont été perdus et n’ont jamais été retrouvés à la New Jersey School of Medicine and Dentistry.

Par ailleurs, la démocratisation de la biotechnologie et la baisse des coûts des techniques qui permettent la manipulation de l’ADN sont des avancées scientifiques remarquables, mais cela ouvre des dangers sans précédent, parmi lesquels se distinguent ceux d’une guerre biologique et la possibilité d’une contamination massive et intentionnelle par des agents pathogènes créés en laboratoire.

Le problème, explique Toby Ord, n’est pas l’excès de technologie mais le manque de raison. En pratique, la base de cette sagesse repose sur un élément décisif mis en avant par Yuval Noah Harari dans un article paru tout récemment (lien vers un article en anglais) : il est essentiel de renforcer le multilatéralisme démocratique et la coopération internationale afin qu’un plan global puisse être formulé pour faire face aux quatre risques existentiels qui menacent l’espèce humaine. La rhétorique nationaliste qui marque les gouvernements d’extrême droite du monde actuel ouvre la voie à des solutions inefficaces et destructrices concernant chacune de ces menaces. Mais il est impossible de répondre nationalement à des menaces qui, comme le nouveau coronavirus, sont globales. Cependant, le multilatéralisme démocratique présuppose que les dirigeants politiques et l’élite économique respectent l’activité scientifique, cultivent un dialogue sérieux et fassent en sorte que le bon sens, l’équilibre et la solidarité guident le pouvoir croissant de l’intelligence humaine.

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