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En Suisse, les travailleuses du sexe plongées dans la pauvreté

L'activité est pourtant encadrée dans le pays. Mais la crise sanitaire l'a démontré : même légale, la prostitution se manifeste surtout par la très grande précarité de celles qui l'exercent.

Article rédigé par franceinfo - Jérémie Lanche, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le coronavirus a contraint des travailleuses du sexe à retourner dans la rue en Suisse, alors que l'activité y est légale en temps normal (photo d'illustration). (REMY GABALDA / AFP)

Les associations de défense des droits des travailleuses du sexe en Suisse se sont inquiétées des dérives pendant le confinement.

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Des prostituées se sont retrouvées forcées d’aller "faire la rue" tout simplement pour pouvoir se payer de quoi se nourrir et se sont exposées, non seulement au risque d'être contaminées, mais aussi d'être arrêtées, explique Pénélope Giacardy, de l'association d'aide aux travailleuses du sexe Aspasie : "Certaines personnes ont effectivement continué à travailler, parfois sur l’insistance de clients. Elles étaient dans une pression financière telle qu’elles ont pu finir par accepter. Par contre, il y a eu une forte répression policière".

Il y a des femmes qui se sont fait arrêter par la police, qui ont reçu de très fortes amendes et en cas de récidive, qui ont même été incarcérées. On peut questionner l’incarcération pour des personnes qui exercent une activité en état de nécessité. 

Pénélope Giacardy, de l'association d'aide aux travailleuses du sexe Aspasie

à franceinfo

Des aides existent, en principe. Mais parce que toutes les travailleuses du sexe ne sont pas suisses ou n'ont pas forcément de statut très régulier, elles sont peu nombreuses à les demander. Les associations comme Aspasie n'avaient plus l'habitude de devoir gérer l'interdiction de la prostitution et les problèmes qu'elle engendre. "Le cas de la France le montre bien, lance Pénélope Giacardy. Il y a beaucoup plus de violence quand le travail du sexe est interdit. Donc là quand il l’était, certaines personnes qui se font passer pour des clients, mais qui sont en réalité des agresseurs, ont profité d’un sentiment d’impunité en se disant qu’effectivement, les travailleuses du sexe ne pouvant pas travailler elles ne pourraient pas être en mesure d’appeler la police si elles avaient un problème et une situation qui les mettait en insécurité".  

Les autorités suisses voulaient initialement ré-autoriser la prostitution à la fin de l'été. Finalement, ce sera à partir de samedi 6 juin, sous la pression des prostituées elles-mêmes.  

La fin de la galère ?

Ce n'est pas aussi simple que ça. Déjà parce que les prostituées, qui ont, dans une grande majorité, respecté le confinement, ont maintenant des dettes. Certaines n'ont pas pu payer leur loyer ou leur assurance maladie, très chère en Suisse.

Yumie est Française. Elle se définit comme "escort". Et elle sait qu'on ne peut pas vraiment parler de retour à la normale quand on exerce dans le milieu de la prostitution. "Urgemment on avait besoin de reprendre, déjà d’un point de vue de la précarité économique mais en plus d’un point de vue symbolique", dit-elle.

C’était très violent pour nous qui sommes déjà stigmatisées, qui sommes déjà à la fois exclues de la société mais quand même pointées du doigt. 

Yumie, une escort française qui travaille en Suisse

à franceinfo

"C’est pas qu’on est exclues et qu’on nous laisse tranquilles, c’est qu’en plus on nous pointe du doigt et que l’image de la putain est quand même très sale. D’un point de vue gouvernemental, on nous disait encore une fois qu’on était différentes et en plus qu’on était plus à risque, dénonce-t-elle. Donc ce n’est pas la fin de la galère. C’est le début de la fin de la galère".

La crise du Covid aura en tout cas relancé le débat sur l'encadrement de la prostitution en Suisse. À Lausanne, des élus ont même proposé que la ville ouvre une maison close. Une proposition accueillie fraîchement pour le moment par les autorités. 

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