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"Emmerder les non-vaccinés" : des soignants "OK sur le fond, moins sur la forme", après les propos polémiques d'Emmanuel Macron

La petite phrase du président de la République a été largement commentée par ses opposants politiques, mais aussi dans les cabinets médicaux et les hôpitaux. Certains professionnels de santé lui reprochent de "stigmatiser" une partie des citoyens, quand d'autres "comprennent".

Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un soignant transporte un patient alité, dans le couloir des urgences de l'hôpital Tenon, à Paris, le 23 septembre 2021. (THOMAS COEX / AFP)

Monica Mazigh rentrait de son cabinet quand elle a entendu à la radio que "le président voulait emmerder les non-vaccinés". "Au début, je me suis dit que j'avais dû mal comprendre, raconte cette médecin généraliste de Nice. Mais en fait, si, si, il a vraiment dit ça mot pour mot." A une question d'une lectrice du journal Le Parisien soulignant que les malades pas encore vaccinés "occupent à 85% les réanimations", Emmanuel Macron a répondu, mardi 4 janvier : "Les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça, la stratégie."

La formule-choc du chef de l'Etat s'est aussitôt retrouvée dans une groupe WhatsApp baptisé "Covid" que Monica Mazigh partage avec une vingtaine de confrères et consœurs de la Côte-d'Azur. "C'est en ce moment le sujet de conversation numéro 1, assure-t-elle. Dans les messages que l'on s'est échangés, personne ne s'est dit choqué par les termes employés par le président. En gros, il en a ras-le-bol. Nous aussi. Depuis lundi, une dizaine de patients non vaccinés m'ont demandé de leur faire une ordonnance pour que l'Assurance maladie rembourse leurs tests. A un moment donné, on peut dire que le temps de la pédagogie est passé."

"Je connais quelqu'un qui se moquait des masques, qui est contre le vaccin depuis le début. Et aujourd'hui, il est en réa."

Monica Mazigh, médecin généraliste

à franceinfo

A 200 km de là, Stéphanie Panattoni, infirmière à l'hôpital de La Timone à Marseille, applaudit aussi "la déclaration du président". "Il a dit tout haut ce que beaucoup d'entre nous pensent tout bas. Avec les collègues, on n'est pas contre cette idée-là. A La Timone, c'est majoritairement des non-vaccinés qu'on retrouve aux urgences."

"Ces personnes bloquent le système"

Le médecin Yonathan Freund partage aussi cet avis. L'interview présidentielle était en ligne depuis moins de deux heures quand l'urgentiste à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, s'est fendu de quelques mots sur Twitter pour affirmer qu'il avait aussi "envie de les emmerder jusqu'au bout", les non-vaccinés, "parce que leur acte a des conséquences". Selon lui, "la vraie question est 'à quel point les non-vaccinés emmerdent le reste de la population ?'" et "la réponse est 'énormément'".

Autre soutien de poids pour Emmanuel Macron, celui du médiatique infectiologue Eric Caumes. "Le médecin comprend ce dérapage – probablement contrôlé d'ailleurs", a expliqué sur BFMTV le professeur de la Pitié-Salpêtrière. Et d'ajouter : "Il y a le serment d'Hippocrate qui fait qu'on est obligé de prendre en charge tous les malades. Après, vous dire que ça ne nous exaspère pas, ce serait vous mentir. Ce sont ces personnes qui bloquent le système de santé."

"S'il pense nous aider en disant ça, il se trompe"

D'autres professionnels de santé livrent un diagnostic plus réservé au sujet de la sortie présidentielle. Le professeur Jean-Michel Constantin est par exemple "OK sur le fond de la pensée", mais "un peu moins sur la forme". "Le président a classiquement une vraie capacité à choisir les mots, je ne comprends pas pourquoi il a choisi celui-ci. Quand on veut 'emmerder' quelqu'un, ce n'est pas à bon escient", regrette l'anesthésiste-réanimateur de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Lui aurait dit les choses autrement.

"Si j'avais été le président, j'aurais plutôt dit que j'allais mettre une pression de dingue sur les non-vaccinés, pour leur rendre la vie dure. Mais les 'emmerder', non."

Jean-Michel Constantin

à franceinfo

Bruno Mégarbane, son confrère de Lariboisière, a tout de suite pensé la même chose quand il a eu vent des propos présidentiels. "Disons que ce n'est pas la meilleure manière de faire, recadre le chef du service de réanimation de l'hôpital parisien. Je n'aurais pas utilisé une telle formulation, car elle peut être ressentie comme provocatrice, stigmatisante. Je pense qu'il faut toujours chercher à expliquer les choses aux personnes non vaccinées, chercher à les convaincre. Mais pas les choquer par le verbe."

Dit autrement, "on n'avait pas besoin de ça". "Si le président pense nous aider en disant ça, il se trompe", s'agace le délégué CGT Olivier Poher. "J'ai aussi été assez surpris de lire ça de la part d'un président", assure l'infirmier-anesthésiste à la clinique du Mousseau à Evry. "Ses propos n'ont rien à faire dans sa bouche du chef de l'Etat, c'est ridicule et déplacé. Je ne comprends pas l'intérêt médical. C'est assez dur comme ça pour tout le monde." Avant de conclure ainsi : "Si on avait utilisé les mêmes mots à la CGT, qu'aurait-on pas entendu ?"

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