Covid-19 : un spécialiste de la finance craint "des faillites" en mars à cause de la chute des marchés
Plombées par l'épidémie de coronavirus, les bourses ont ouvert vendredi en forte baisse.
Alors que la Bourse de Paris a dévissé de 3,36% à son ouverture vendredi 28 février, que la Bourse de Londres chute aussi, inquiétées par l'épidémie de coronavirus covid-19 et la crainte du pandémie mondiale, le directeur de l'Institut de haute finance Philippe Dessertine craint des faillites à la fin du premier trimestre 2020 en mars et estime sur franceinfo qu'il "faut une coordination de toutes les institutions monétaires mondiales si on veut arriver à redonner un peu de confiance" aux marchés.
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franceinfo : Le bourses européennes paniquent-elles face à l'épidémie de coronavirus ?
Philippe Dessertine : Oui, enfin c'est aussi quelque chose qui est logique. Quand vous arrêtez un pays entier qui est la deuxième puissance économique mondiale, la Chine, quand vous commencez à avoir la huitième puissance du monde, l'Italie, qui elle-même est obligée d'arrêter sa région la plus productive, ça veut dire que les entreprises dans le monde entier vont avoir probablement des répercussions qui vont entraîner des baisses de résultats. La bourse, c'est acheter des résultats futurs, donc là on achète de la perte, ce n'est pas complètement illogique. Il y a cette accélération liée au fait que jour après jour on a le sentiment que quelque chose qui pouvait être relativement éphémère en fait peut durer et peut augmenter en terme d'intensité, donc on anticipe les difficultés, et il y a aussi le fait que les marchés financiers sont "fragiles" parce que trop haut depuis de nombreuses semaines voire de nombreux mois, et on craignait de toute façon de manière pratiquement technique, une correction un jour ou l'autre. Là, la correction, venant avec un facteur externe objectivement justifié, peut amplifier la chute.
Quelles seront les conséquences économiques réelles de la chute des marchés ?
C'est le problème que l'on a depuis 2008, la crise finanicère a montré qu'il y a une dynamique propre au marché, une dynamique propre négative. C'est-à-dire qu'évidemment elle reflète le problème de l'économie mais elle peut contaminer l'économie dans l'autre sens. Aujourd'hui on a des craintes que nous ayons un mécanisme comparable à ceux qu'on a connu dans le passé, c'est-à-dire que la chute des marchés fait craindre des difficultés de certains acteurs, par exemple des faillites. On risque d'avoir ça dans le courant du mois de mars, quand on va regarder un petit peu les états financiers. En 2008 c'était en septembre, parce que c'était la fin du troisième trimestre. Là c'est la fin du premier trimestre et on peut avoir effectivement une dégradation par la perte de liquidité sur les marchés.
Les gouvernements peuvent-ils rassurer les bourses ou les appeler à la sagesse ?
Vous avez d'un côté la sagesse et de l'autre objectivement les risques qui peuvent se produire si un acteur allait vraiment mal, ce qu'on appelle l'effet domino : le fait que l'ensemble de la sphère financière puisse commencer à être contaminée, par la situation. Et ça, ça veut dire que tout le monde fait attention, si j'ai un gros acteur qui est en difficulté, ce n'est pas le gouvernement qui pourra m'aider donc je préfère me dégager. Et donc là c'est vrai que la seule réponse possible n'est pas tellement le gouvernement, ce sont plutôt les banques centrales qui peuvent l'apporter et là, quand on dit les banques centrales, ce sont bien toutes les banques centrales. De manière tout à fait paradoxale peut-être en ce moment où tout le monde veut fermer les frontières, on voit à quel point, par rapport au phénomène financier, la seule réponse peut être une réponse coordonnée. Même les plus grandes banques centrales, par exemple l'américaine ou la BCE européenne, ne peuvent rien à elles toutes seules.
Il faut une coordination de toutes les institutions monétaires mondiales si on veut arriver à redonner un peu de confiance.
Philippe Dessertineà franceinfo
Sauf que ça fait un moment qu'elles ont du mal à discuter entre elles, et on va dire que là le climat n'était pas vraiment favorable à ça. Mais c'est vrai que le fait que les indices s'effondrent peut jouer le même rôle qu'en 2008, un éléctrochoc, et alors qu'on avait tendance à ne pas se parler, on s'oblige à se mettre autour de la table parce que la situation est trop grave.
Pensez-vous, comme le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, qu'il faut relocaliser les industries en France ?
Je ne sais même pas si c'est possible ou si c'est souhaitable. Bruno Le Maire a utilisé ce terme de "game changer", mais ce "game changer", est-il prêt aussi à l'accepter dans le tourisme qui aujourd'hui vit beaucoup avec les Chinois, avec l'aviation car nous exportons des Airbus, avec notre agriculture ? C'est difficile de dire qu'on ne veut pas dépendre d'autres pays et en même temps on veut que ces autres pays dépendent de nous. Donc le fait d'avoir un fonctionnement mondial est quelque chose qui n'est pas forcément mauvais en soi, mais qui suppose probablement de manière plus forte qu'on ait une vraie réflexion coordonnée sur les stratégies, en particulier sur les stratégies de production. Là, ce n'est pas un choix économique ou politique, c'est une catastrophe sanitaire. On peut avoir une autre catastrophe demain qui posera la question sur la manière dont les approvisionnements du monde sont peut-être trop concentrés dans certaines zones. Mais c'est peut-être très différents de dire il faut que nous relocalisions tout. Par exemple, on ne pourra pas relocaliser la production de pétrole ou la production d'uranium, puisqu'on n'en a pas sur le territoire.
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