Covid-19 : un risque "important" que le nouveau variant devienne la souche prédominante en Angleterre et ailleurs, alerte un généticien
Il faudrait mettre en place un réseau Sentinelle, estime Philippe Froguel pour "séquencer, vérifier et anticiper" les effets de ce variant, "parce que le pire serait qu'on vaccine des milliers de gens pour rien".
Une première contamination au variant du Covid-19 en France a été confirmée par les autorités sanitaires françaises vendredi 25 décembre. Ce premier cas détecté à Tours est un homme de nationalité française résidant en Angleterre. Asymptomatique, il est isolé à son domicile.
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Pour faire face à l'arrivée de ce variant, "la seule solution c'est de séquencer de manière aléatoire un certain nombre de gens positifs un peu partout en France, de manière répétée, pour savoir si cette souche nouvelle se répand en France ou si elle reste localisée à Tours ou dans quelques endroits", estime samedi sur franceinfo le professeur Philippe Froguel, généticien et endocrinologue au CHRU de Lille. Pour lui, "il y a un risque important" que le nouveau variant devienne "la souche prédominante en Angleterre, voire ailleurs" car "il semble remplacer les autres [variants] parce qu'il est plus contagieux, il se répand plus vite".
franceinfo : Faut-il systématiquement tester les personnes venant du Royaume-Uni ?
Philippe Froguel : Oui et il est important de séquencer le virus puisqu'il y a un risque important, on l'a vu à Tours, que les porteurs de virus venant d'Angleterre aient cette nouvelle variante qui est peut-être plus contagieuse, voire dangereuse, que les autres.
L'homme détecté à Tours a été placé à l'isolement, un traçage de ses contacts est en cours. Comment est-ce que cela se passe ?
Cette personne a dû être un sujet contact, puisqu'elle est asymptomatique. Comme elle venait d'Angleterre, le virus a été envoyé à l'institut Pasteur, a été séquencé, on a retrouvé cette variante anglaise et là on va chercher les personnes qu'il a contactées. Cela ne va pas être simple parce qu'il a pris l'Eurostar. Il y avait beaucoup de monde et il est possible qu'il ait contaminé des gens en venant de Londres.
Est-ce que d'autres zones de France vont être concernées ?
Il va y avoir d'autres zones d'autant plus que dans quelques jours cela ne sera plus les gens qui viennent d'Angleterre mais la deuxième ou troisième génération qui va être porteuse de ce virus. La seule solution c'est de séquencer de manière aléatoire un certain nombre de gens positifs un peu partout en France, de manière répétée, pour savoir si cette souche nouvelle se répand en France ou si elle reste localisée à Tours ou dans quelques endroits.
Que faut-il chercher exactement ?
Il n'est pas suffisant de regarder si cette souche est là, il faut savoir s'il n'y a pas d'autres souches nouvelles, si celle-ci n'a pas bougé parce qu'elle va évoluer.
Le plus difficile va être de trouver des corrélations avec la maladie : est-ce qu'elle est plus contagieuse, est-ce qu'elle est plus sévère ?
Philippe Froguelà franceinfo
Cela demande un suivi des patients qui n'est pas très facile. À Londres, où la souche nouvelle est importante, il y a eu une explosion de nouveaux cas alors que c'était plutôt en baisse quelques jours avant. Donc, on en a déduit que c'était lié à cette souche. Il peut y avoir d'autres raisons, mais plus on séquencera, plus on sera capable de dire si cette souche est plus dangereuse que les autres.
Les laboratoires pourront-ils modifier le vaccin en six semaines, comme ils le disent, si c'est nécessaire ?
Techniquement c'est possible, mais la seule question qu'il faut se poser c'est de savoir s'il faudra refaire des tests cliniques ou si ceux déjà faits sont suffisants. S'il faut refaire des tests cela retarde de trois, quatre mois à chaque fois. Il faut que les autorités compétentes le disent. Il va falloir faire un réseau Sentinelle, séquencer, vérifier et anticiper, parce que le pire serait qu'on vaccine des milliers de gens pour rien. Des scientifiques, dont je fais partie, ont proposé un réseau Sentinelle qui s'appelle Senticov, pour séquencer de échantillons de plusieurs milliers de patients de manière répétée pour qu'on suive ce qui se passe en France. On ne sait pas exactement qu'elle est la proportion de gens en France, dans les régions, qui portent le virus et on ne connaît pas la nature de la souche.
Ce variant va-t-il remplacer le virus initial ?
En Angleterre, il semble remplacer les autres parce qu'il est plus contagieux, il se répand plus vite. Les autres vont disparaître rapidement et il y a un risque important que ce soit la souche prédominante en Angleterre, voire ailleurs. La souche d'Afrique du Sud serait apparue avant l'anglaise. Il y a beaucoup de contacts entre l'Afrique du Sud et l'Angleterre et il est possible que cela soit la souche d'Afrique du Sud qui soit arrivée en Angleterre et qui ait évolué et soit devenue plus contagieuse. En France, on n'a pas assez surveillé les souches virales.
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