Covid-19 : "Contrairement à ce que répète le gouvernement, le télétravail n'est pas obligatoire", regrette un inspecteur du travail CGT
Gérald Le Corre accuse l'État de "se protéger" avec des discours et dénonce un manque de volonté politique. Selon lui, en cas de risque comme le Covid, le télétravail doit être rendu obligatoire "avec une sanction pénale extrêmement dissuasive".
"Aujourd'hui, il manque un texte qui peut être pris très simplement et qui rendrait obligatoire le télétravail avec une sanction pénale extrêmement dissuasive", a déploré mercredi 24 mars sur franceinfo Gérald Le Corre, représentant CGT du ministère du Travail et inspecteur du travail, alors que le ministère du Travail a publié mardi un nouveau protocole sanitaire qui enjoint les entreprises à mettre en place "un plan d'action" pour encourager le télétravail. Mais l’exécutif se refuse à inscrire cette obligation dans le Code du travail.
franceinfo : Comment peut-on contraindre les entreprises à mettre plus de salariés en télétravail ?
Gérald Le Corre : Le taux de télétravail est bien plus faible que lors du premier confinement. Entre novembre et aujourd'hui, il y a encore plus de salariés qui restent à leur poste de travail : en tout cas, c'est ce qui remonte d'un peu partout en France. Pour une raison assez simple : contrairement à ce que répètent en boucle les différents ministres et Madame Borne en premier, le télétravail n'est aujourd'hui pas obligatoire. Un texte qui est obligatoire, c'est dans le Code du travail. Un texte qui édicte une mesure précise sur un risque, par exemple. Et donc là, un risque Covid et un texte qui prévoirait une sanction pénale en cas de non-application. On a vu depuis un an des dizaines et des dizaines d'ordonnances sur tous les sujets, mais aucune ordonnance ne rend obligatoire la mise en œuvre des différents protocoles élaborés par la Direction générale du travail.
L'État n'est pas assez ferme avec les entreprises ?
Non, l'État se protège par un certain nombre de discours si jamais il y a des plaintes dans quelques années de victimes du Covid sur le lieu de travail. Pour qu'il puisse dire : 'Regardez ! On a pris des mesures. On a 10, 20, 30 discours de ministres qui disent ce qu'il faut faire'. Mais en pratique, le télétravail n'est pas obligatoire, il n'y a pas de sanctions pénales pour les entreprises qui ne le mettent pas en œuvre. Et de ce point de vue-là, tous les avocats que vous pouvez consulter - des avocats qui défendent les organisations syndicales comme ceux qui défendent le Medef ou la CPME - auront la même analyse que nous.
"Aujourd'hui, il manque un texte qui pourrait être pris très simplement et qui rendrait obligatoire le télétravail, avec une sanction pénale extrêmement dissuasive."
Gérald Le Correà franceinfo
Qu'est-ce que vous pouvez, faire sur le terrain ?
D'abord, beaucoup de rappels. Les derniers résultats de l'enquête de l'Institut Pasteur sur les lieux de contamination, dont personne ne remet en cause la compétence, parlent de 29% de contamination sur le lieu travail. Il y a urgence d'agir. Un texte pénal aujourd'hui est possible. Ceci dit, cela amènera à des sanctions lointaines puisque la justice met du temps à traiter ce type de dossier. En revanche, il y a une autre solution : aujourd'hui, les inspecteurs du travail ont un pouvoir extrêmement fort mais dans un champ extrêmement réduit, en matière d'exposition à l'amiante, de chutes de hauteur ou de risques électriques. L'inspecteur du travail qui fait un constat peut, en moins de quinze minutes, prendre une décision de suspension d'activité pour protéger les salariés, le temps qu'une solution soit trouvée. Si monsieur Macron et madame Borne en avaient la vraie volonté politique, ils pourraient prendre une ordonnance qui préciserait que le non-respect du protocole de la DGT donne le droit aux inspecteurs du travail, en cas de manque de télétravail, d'absence de masques, de non-respect des gestes barrières ou d'absence de décontamination, de suspendre temporairement l'activité. Et, en général, une fois que l'activité est suspendue, je peux vous dire que les employeurs, des petites comme des grandes entreprises, se plient aux demandes des services de l'inspection du travail. C'est un manque volonté politique.
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