Covid-19 : des étudiants infirmiers de l'AP-HP refusent d'être "la main-d'œuvre au rabais" de la lutte contre l'épidémie
Début octobre, plus de 400 élèves infirmiers de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris vont être mobilisés dans le cadre de leur stage pour réaliser des tests dans les aéroports parisiens ou encore prendre les appels de la plateforme Covidom.
Ils refusent de sacrifier leur formation sur l'autel de la crise sanitaire. Un collectif d'étudiants infirmiers de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dénonce, vendredi 2 octobre dans un communiqué, la mobilisation de 440 des leurs pour renforcer le dispositif de lutte contre le Covid-19. "Nous ne sommes pas une main-d'œuvre au rabais", proteste Léonie* auprès de franceinfo.
Leur premier stage de deuxième année, d'une durée de cinq semaines, va être profondément modifié. "A compter de lundi prochain 5 octobre, ils rejoindront les équipes de Covidom [une plateforme téléphonique de suivi des malades peu graves], de l'HAD [hospitalisation à domicile] ou des EOH [équipe opérationnelle d'hygiène], au lieu des services hospitaliers initialement prévus", peut-on lire dans un mail consulté par franceinfo. Ils seront par exemple mobilisés dans les aéroports pour faire des tests PCR ou nettoieront les locaux hospitaliers. La directrice des soins à l'AP-HP, Michèle Jarraya, a reconnu devant les étudiants que "ce n'est pas ce que [l'AP-HP] aimer[ait] enseigner", tout en défendant la nécessité de faire face à la pandémie.
"On ne veut pas avoir un diplôme Covid"
"Un test PCR, vous le faites une fois, vous savez le faire dix fois. Ce n'est pas du tout instructif, ce n'est pas un stage qualifiant", proteste Léonie*, déjà mobilisée lors de la première vague au printemps. Avec ses camarades, elle redoute l'impact de ces stages sur leur diplôme. "On ne veut pas avoir un diplôme Covid, dévalorisé, avec que du soin Covid. On ne peut pas être formés simplement sur les soins d'une seule pathologie", argumente-t-elle. Cette décision les prive également de contacts dans les services hospitaliers pour trouver du travail à la sortie de leur formation.
Consciente des risques de fronde, l'AP-HP a pris les devants en annonçant dans la foulée une revalorisation de l'indemnité de stage pour cette période. Fixée à 38 euros par semaine, elle sera augmentée de 100 euros. "Cela ne nous satisfait pas", réagit Léonie, en comparant cette indemnité (690 euros pour cinq semaines de stage) au smic (1 219 euros net par mois). Un avis partagé par le syndicat SUD-Santé dans un communiqué publié le 29 septembre, avant l'annonce de la revalorisation de 100 euros.
En tension alors même que la deuxième vague n’est encore qu’hypothétique, l’APHP contraint les étudiants en soins...
Publiée par SUD Santé Ap-hp sur Mardi 29 septembre 2020
Dans le communiqué publié vendredi 2 octobre, le collectif d'étudiants demande donc "d'être rémunéré à hauteur d'un smic horaire". "Si l'AP-HP a besoin de nous au point d'annuler les stages de 440 étudiants en soins infirmiers et d'impacter à nouveau la qualité de notre formation, c'est un RENFORT et NON UN STAGE", estiment-ils.
Communiqué de presse des étudiants infirmiers de l'AP-HP by Franceinfo on Scribd
Enfin, les étudiants s'inquiètent des conditions dans lesquelles ils vont travailler. Michèle Jarraya "nous a garanti que nous aurions les protections nécessaires. La dernière fois, nous avions aussi eu des garanties, mais nous n'avions pas eu d'équipements", dénonce Léonie.
Contactée par franceinfo, l'AP-HP assure qu'il "ne s'agit pas d'un appel à renfort en ressources humaines, mais de stages infirmiers encadrés par des tuteurs, avec apprentissage de gestes techniques et de compétences". Elle ajoute que les "terrains de stage sont diversifiés, avec plusieurs stages en un" (télésuivi, hospitalisation à domicile, hygiène hospitalière, dépistage). "Cela permet de proposer un parcours de stage très riche et varié, loin d'être monothématique, et en lien avec l'activité principale de santé publique actuellement", estime-t-elle, sans donner de réponse sur l'indemnité de stage ou les conditions de sécurité. Il est peu probable que ces réponses convainquent les étudiants, qui ont prévu de manifester lundi 5 octobre devant le campus Picpus de l'AP-HP.
* Le prénom a été modifié.
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