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Covid-19 : cinq questions sur l'enquête menée par des experts de l'OMS en Chine

Dix scientifiques, venus de dix pays différents passent plusieurs semaines en Chine. Leur objectif : chercher à identifier l'origine de la pandémie, qui s'est déclarée à Wuhan fin 2019.

Article rédigé par franceinfo
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Des experts de l'ONU quittent l'hôtel de Wuhan (Chine) où ils étaient en quarantaine, le 28 janvier 2021. (HECTOR RETAMAL / AFP)

Les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui enquêtent en Chine sur l'origine du coronavirus se sont rendus dimanche 31 janvier au marché Huanan de Wuhan, premier foyer connu de l'épidémie. Ce marché, où étaient notamment vendus des animaux sauvages vivants, est fermé depuis janvier 2020. Sortis jeudi de 14 jours de quarantaine, les membres de l'équipe ont entamé vendredi leur enquête de terrain. Franceinfo répond à cinq questions sur ces investigations.

Qui sont les experts qui participent à la mission ?

L'OMS a mandaté dix scientifiques venant de dix pays différents (Allemagne, Australie, Danemark, Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Pays-Bas, Qatar, Russie et Vietnam), pour se rendre en Chine. Selon La Nouvelle République, qui brosse brièvement leurs portraits, l'équipe compte notamment des spécialistes des maladies respiratoires et infectieuses, des virologues, des épidémiologistes ou encore des experts travaillant sur la transmission des pathologies des animaux à l'homme.

Quel est le but de cette mission ?

Les experts de l'OMS cherchent à identifier la source de l'épidémie. "Toutes les hypothèses sont sur la table. Il est clairement trop tôt pour parvenir à une conclusion sur l'endroit où est né ce virus, que ce soit en Chine ou hors de Chine", a annoncé mi-janvier le directeur chargé des questions d'urgence sanitaire à l'OMS, Michael Ryan. Fabian Leendertz, épidémiologiste allemand qui participe à la mission, confirme : "L'OMS a averti sur le risque de nouvelles maladies, rappelle-t-il dans un entretien au Guardian*. [Cette enquête] doit permettre de comprendre et d'apprendre [de cette épidémie] pour se préparer à l'avenir."

Il s'agira notamment de comprendre si le virus a été transmis à l'homme par un animal, et lequel. Les experts du gouvernement chinois avaient dans un premier temps expliqué que l'épidémie était apparue dans un marché de Wuhan, où étaient vendus vivants des animaux sauvages. Le virus aurait ainsi été transmis de la chauve-souris à une autre espèce animale avant de se propager à l'homme. Les médias chinois ont depuis avancé une autre théorie, non démontrée, selon laquelle le virus aurait pu être importé en Chine, notamment via de la viande congelée.

"Nous connaissons les virus les plus proches [du Covid-19 qu'on trouve] chez les chauves-souris. Mais nous devons trouver le réservoir d'origine [du virus], s'il y a eu des hôtes intermédiaires chez les animaux et même des hôtes intermédiaires chez les humains", détaille Fabian Leendertz. La mission de l'OMS n'a en tout cas pas pour but de "pointer quelqu'un du doigt", martèle l'épidémiologiste allemand. "Il ne s'agit pas de prouver que la Chine est coupable ou de dire : 'Cela a commencé ici, à plus ou moins trois mètres'."

Comment va se dérouler leur enquête ?

Durant plusieurs semaines (la durée exacte de l'enquête n'est pas connue), les experts vont échanger avec des confrères chinois ayant travaillé sur la pandémie, participer à des séminaires, analyser des prélèvements et des données médicales pour tenter d'identifier l'origine du virus, explique Euronews*. Ils vont aussi effectuer des visites de terrain, a indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères.

Les scientifiques ont notamment prévu de se rendre sur le marché qui est le premier cluster connu de l'épidémie. "Nous allons démarrer à l'endroit où nous avons le plus de cas humains identifiés, même si nous ne savons pas si le marché de Wuhan est le lieu où le virus a été transmis pour la première fois à l'homme ou si c'était seulement le premier méga-cluster, explique Fabian Leendertz au Guardian. Depuis Wuhan, nous allons remonter dans le temps en suivant les preuves. Peut-être que [l'origine de l'épidémie] sera bien dans cette région. Peut-être que ce sera dans une autre région de Chine. Ou peut-être même dans un autre pays."

Selon l'épidémiologiste allemand, la mission sera principalement centrée sur les lieux connus de contamination. "Je ne veux pas faire croire qu'on va faire des prélèvements ou rapporter des chauves-souris, mais il est capital de voir les lieux et les conditions, le marché de Wuhan, l'institut de virologie, les fermes, les interfaces potentielles entre le virus et les humains", poursuit-il.

Quels sont les résultats attendus ?

Le scientifique Fabian Leendertz avertit toutefois qu'il est possible que ce séjour ne mène "qu'à des scénarios" et pas à la découverte de "preuves scientifiques""C'est une occasion d'aller chercher des faits. (...) Je ne suis pas sûr qu'un seul voyage permette de trouver toutes les réponses, peut-être qu'on ne les aura jamais toutes, mais c'est un départ", abonde John Watson, expert britannique qui participe à la mission, dans les colonnes du Guardian.

Plus d'un an après le début de la pandémie, de nombreux spécialistes craignent en effet que les premières traces du Covid-19 soient difficiles à retrouver. "Je ne suis pas optimiste. Ils vont arriver après la bataille", s'inquiète l'infectiologue américain Gregory Gray, cité par L'Express. "Ce sera incroyablement difficile de trouver l'origine du virus", ajoute Ilona Kickbusch, de l'Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, interrogée par l'hebdomadaire.

Est-ce que Pékin va coopérer ?

Officiellement, Pékin collabore avec les experts de l'OMS pour mener cette investigation. Mais certains observateurs redoutent que la Chine ne surveille ou n'entrave leurs recherches, afin d'éviter d'être mise en cause. Les autorités communistes ont ainsi longtemps rejeté les appels des autres pays à organiser cette enquête indépendante, rappelle le New York Times*.

En juillet, deux experts de l'OMS avaient déjà été autorisés à se rendre en Chine pour préparer l'investigation. Mais ils n'avaient pas pu accéder à Wuhan, note le New York Times. L'arrivée du groupe de dix scientifiques a par ailleurs été bloquée au dernier moment, mi-janvier, la Chine refusant de leur fournir des visas. Les autorités avaient notamment expliqué que les négociations étaient encore en cours sur le déroulé de leur séjour. Selon l'AFP, le programme exact des chercheurs n'est d'ailleurs toujours pas connu. L'agence de presse affirme ainsi que "rien ne garantit qu'ils pourront visiter le laboratoire de virologie, pas plus que le marché au centre des premières hypothèses".

* Les liens marqués par des astérisques renvoient vers des contenus en anglais.

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