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Coronavirus : une bactérie intestinale est-elle responsable de l’aggravation de la maladie ?

Plusieurs publications d’internautes mettent en cause la bactérie du genre Prevotella, qui aggraverait l’état de santé des malades. Or, toute la démonstration est à prendre avec des pincettes, tant les preuves manquent à l’appui.

Article rédigé par franceinfo - Louis Mondot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Une représentation de la bactérie Prevotella. (SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP)

"Pour combattre efficacement le Sars-Cov-2, il faut tuer Prevotella." Cette idée est défendue dans une longue tribune anonyme, publiée mardi 7 avril, sur le site AgoraVox.fr. Depuis cette date, des idées similaires ont été de nombreuses fois partagées sur les réseaux sociaux. Des séries de tweets affirment que le nouveau coronavirus "ne tuerait pas directement, mais par l'intermédiaire d'une bactérie intestinale qu'il infecterait, la Prevotella", une bactérie présente dans la flore intestinale. Or, ces théories mélangent de vraies et de fausses informations. La Cellule Vrai du faux de franceinfo vous explique pourquoi.

Le Sars-CoV-2 n’attaque pas les bactéries

Les propriétés de Prevotella intéressent beaucoup la communauté scientifique, mais son rôle par rapport au Covid-19 est loin d’être connu. Selon les messages partagés sur les réseaux sociaux, le virus attaquerait d’abord les bactéries de genre Prevotella. Ces "bactéries infectées qui, devenant virulentes, déclencheraient l'hyper-réaction immunitaire qui délabre les poumons et tue le malade". Or, de l’avis de plusieurs spécialistes du microbiote et du système immunitaire contactés par franceinfo, l’état actuel des recherches ne permet pas d’affirmer que le virus est bactériophage. Autrement dit, il ne s’attaque pas aux bactéries.

Prevotella est un genre de bactérie naturellement présente dans l'organisme humain, parmi d’autres espèces de bactéries. Son importance dans le corps dépend en partie du patrimoine génétique. Il peut même évoluer au cours de la vie. Cette bactérie fait notamment partie des micro-organismes qui peuplent notre flore intestinale, mais elle existe aussi dans les poumons ou la cavité buccale. En général, la bactérie du genre Prevotella n’a aucun impact sur la santé, selon l’Institut Pasteur. Mais, elle a des propriétés pro-inflammatoires. On parle d’une bactérie "opportuniste", c'est-à-dire qu'elle se multiplie souvent lors d’une inflammation dentaire, intestinale ou pulmonaire.

Aucune preuve de causalité entre Prevotella et Covid-19

Pour l’auteur de la tribune libre, "la bactérie Prevotella est responsable de tous les paramètres épidémiologiques et symptomatologiques de cette pandémie". Selon lui, elle est la "signature" de l’aggravation de la maladie. Cette thèse n’a pas été prouvée. "Ce qui est observé et crédible, c’est que les patients plus sensibles au covid-19 seraient caractérisés par l’augmentation de la fréquence de la Prevotella" dans leur organisme, analyse Rémy Burcelin. Pour le directeur de recherche à l’Inserm, "c’est comme s'[il] disait que les patients sensibles au Covid-19 ont des chaussettes vertes, ça ne veut pas dire que ces dernières sont la cible du virus, c’est seulement une observation".

Un coup de faiblesse dû à l’infection virale pourrait se traduire par la prolifération d’une bactérie, en l’occurrence Prevotella. "Cela ne dit pas qu’elle en est la cause, avertit le chercheur. Il pourrait y avoir une émergence opportuniste de cette bactérie qui est associée par ailleurs à un certain nombre de maladies." Dans cette tribune, l'auteur suggère l’usage d’antibiotiques pour détruire Prevotella. Dans l'hypothèse où il s’agirait de la combattre, "on n’a pas d’antibiotique spécifique d’une espèce bactérienne, les antibiotiques agissent toujours sur plusieurs groupes de bactéries afin de régler le problème de surinfection", explique Frédéric Altare. L'immunologiste et directeur de recherche à l’Inserm ajoute qu'"en nettoyant celle-là, on risquerait de nettoyer des bactéries qui seraient bénéfiques et la contre-balanceraient".

Il est en revanche possible que la dangerosité du virus dépende du microbiote intestinal. "C’est une hypothèse qui tient la route, car le mode d’action du virus est de faire du mal à l’hôte lorsque son système immunitaire ne fonctionne pas assez bien", explique Rémy Burcelin. Il a été observé, par exemple, que les personnes diabétiques et les personnes obèses ont un système immunitaire affaibli et un microbiote intestinal déséquilibré. "Il a été démontré que l’équilibre microbien intestinal contrôle la défense immunitaire pulmonaire. L’hypothèse que cela contribue à tuer le virus reste à prouver", conclut le chercheur.

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