Coronavirus : à l'hôpital Bichat, "on était une équipe et maintenant on est une famille", raconte le professeur Xavier Lescure
Médecin spécialiste en maladies infectieuses dans cet hôpital parisien, Xavier Lescure raconte comment les soignants se sont soudés pour faire front commun face à une épreuve qui laisse "des traces".
Établissement de santé de référence (ESR), l'hôpital parisien Bichat est fortement impliqué dans la lutte contre l'épidémie de Covid-19. Le chef du service des maladies infectieuses, Yazdan Yazdanpanah, a même dû y être hospitalisé après avoir été touché par le virus. Un événement inhabituel qui a contribué à souder l'équipe, raconte Xavier Lescure, médecin spécialiste en maladies infectieuses. "On était une équipe et maintenant on est une famille", livre-t-il avec émotion.
Le médecin évoque aussi la fatigue après des semaines de combat contre la maladie : "Psychologiquement on n'a plus des réactions très normales parce qu'on est à fleur de peau".
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franceinfo : Est-ce que la vague importante de patients liés au Covid-19 a laissé des traces dans votre hôpital ?
Xavier Lescure : Ce n'est pas fini, ça va un peu mieux. On commence à respirer un peu depuis huit jours. Les traces, on les a encore sous les yeux. Il y a aussi des traces à l'intérieur. On a pris un gros coup, on est un peu assommés, certains sont un peu sidérés. On est hyper vigilants dans les équipes à surveiller les burn-out et les signes annonciateurs de burn-out. Les traces que va laisser cette vague ce ne sont pas seulement des traces négatives non plus. On a bien morflé, ça va mieux, mais il y a aussi des traces positives. Une crise ça passe ou ça casse. Il y a des truc qui ont un peu cassé mais je pense que c'est à la marge. Par contre il y a plein de choses qui se sont passées dans les deux sens du terme. On s'est fédérés, on est une équipe, très soudée à tous les niveaux. Ce n'est pas un scoop, le professeur Yazdanpanah a été touché par le Covid, il a été hospitalisé 10 jours dans le service et ça soude. On était une équipe, et lui-même le dit, maintenant on est une famille.
C'est lui qui a choisi d'être hospitalisé à Bichat ?
Il a émis le souhait d'être hospitalisé dans le service, ce qui n'était pas forcément évident. Ce qui aurait pu être quelque chose à éviter parce que ce n'est pas forcément facile de s'occuper des gens qu'on connaît. Il est sorti, il est en convalescence, il va bien. Il a vécu de l'intérieur que le service était hyper soudé, qu'on était hyper solidaires les uns des autres, que l'information passait, que les choses difficiles étaient verbalisées et c'est sûr que ça nous a rapprochés.
On a qu'une envie après cette crise, c'est de faire ce qu'on appelle une fête de service pour concrétiser ça dans le positif pour aller de l'avant.
Xavier Lescure, médecin spécialiste en maladies infectieusesà franceinfo
Est-ce qu'à voir des collègues tomber malades on en prend un coup ? Parce qu'on peut se croire indestructibles en tant que soignants ?
Oui, on prend un coup. D'abord parce qu'on est fatigués et que psychologiquement on n'a plus des réactions très normales parce qu'on est à fleur de peau. Moi, des fois rien que le fait d'écouter de la musique... il y a des choses qui m'émeuvent et qui ne m'émouvaient pas avant. Je sens que je suis fatigué et je ne suis pas le seul à être dans cet état. Vous vous sentez aussi vulnérable.
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