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Covid-19 : mal-logés, soignants, immigrés… Les populations les plus exposées au virus pendant la première vague

Une enquête de santé publique réalisée au mois de mai sur 135 000 personnes dresse la liste des facteurs associés à un risque plus élevé d'être contaminé par le virus. Ses conclusions montrent de grandes disparités sociales.

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un couloir du service des urgences de l'hôpital Delafontaine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 17 juillet 2020. (JOEL SAGET / AFP)

Habitants des quartiers pauvres ou de logements surpeuplés, soignants, ouvriers, immigrés : les profils des individus les plus contaminés par le Covid-19 sont révélateurs des inégalités de la société française. C'est ce que montre l'enquête de santé publique EpiCov, pilotée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)* au printemps dernier, et publiée vendredi 9 octobre.

Premier enseignement de l'enquête : très peu de Français avaient attrapé le coronavirus Sars-CoV-2 à la sortie du confinement. Seuls 4,5% de la population âgée de 15 ans ou plus avaient des anticorps contre le Covid-19 au mois de mai. "On est très loin des 60% de l'immunité collective", relève l'épidémiologiste Josiane Warszawski, codirectrice de l'enquête avec la démographe Nathalie Bajos. Au niveau régional, les taux vont de 1,5% en Bourgogne Franche-Comté à seulement 9,2% en Ile-de-France, un territoire pourtant durement frappé pendant la première vague.

Les adultes âgés de 30 à 49 ans ont les taux de contamination les plus élevés : 6,5% de positifs contre 1,3% chez les plus de 65 ans. "L'hypothèse selon laquelle les premiers, au cœur de la vie active, ont pu avoir plus de contacts pourrait expliquer ces résultats", avancent les auteurs de l'enquête, en ajoutant qu'"à l'inverse, les personnes les plus à risque de développer une forme grave de la maladie, et particulièrement les personnes les plus âgées, ont été invitées à moins sortir de chez elles".

Dans le monde du travail, tout le monde n'est pas sur le même pied d'égalité. Les chiffres les plus élevés se retrouvent dans le milieu de la santé et du médico-social. La proportion de positifs est de 11,4% chez les travailleurs du soin, une catégorie qui regroupe le personnel médical et paramédical, les pharmaciens, les pompiers, les secouristes et les ambulanciers. Du fait d'effectifs insuffisants dans les échantillons étudiés, l'enquête ne donne pas les chiffres de contamination d'autres professions exposées, comme les employés de supermarché ou de sociétés de ménage. L'étude montre en revanche de fortes disparités sociales dans l'accès au télétravail. Ainsi, la moitié des cadres supérieurs ont pratiqué exclusivement le télétravail pendant le confinement contre seulement 1% des ouvriers.

Autre enseignement de l'enquête EpiCov, les taux de contamination sont particulièrement élevés chez les étrangers : 9,4% des immigrés d'origine non européenne sont testés positifs contre 4,1% pour les non-immigrés.

Cette disparité s'explique par les conditions de vie des immigrés, qui sont souvent moins favorables que celles du reste de la population. Les auteurs de l'étude constatent que les personnes issues de l'immigration "vivent beaucoup plus souvent dans des communes de forte densité et dans des logements surpeuplés que les personnes nées françaises de parents français". Or, ces conditions augmentent fortement le risque de contracter le Covid-19. 

Les quartiers pauvres sont particulièrement touchés. "Deux fois plus de personnes vivant dans un quartier prioritaire de politique de la ville (QPV) sont positives que celles vivant dans le reste du territoire, avec une séroprévalence de 8,2%, contre 4,2% hors QPV ", notent les auteurs de l'enquête. Ce constat vaut également pour les logements surpeuplés, dont la surface par habitant est inférieure à 18 m².

L'enquête EpiCov ravive enfin l'idée que les fumeurs sont potentiellement moins exposés au Covid-19. Le taux de positivité est en effet de seulement 2,8% chez les personnes qui fument quotidiennement contre 5,1% chez les non-fumeurs. "Ce résultat confirme la corrélation inverse entre des marqueurs d'infection à la Covid-19 et la consommation de tabac, déjà rapportée dans d'autres études", constatent les auteurs.

Afin de compléter les résultats de cette première enquête, une deuxième vague de tests doit être lancée à partir de la semaine prochaine sur la même population que celle interrogée au mois de mai. Ce deuxième volet doit permettre d'obtenir des informations plus précises sur les différences d'exposition au virus entre les professions. Il permettra également de savoir si les personnes qui ont développé des anticorps pendant le confinement sont toujours immunisées contre le Covid-19. Les résultats sont attendus pour le début de l'année 2021.

* Cette étude a été conduite auprès de 135 000 personnes, dont 12 400 testées sur la présence d'anticorps, entre le 2 mai et le 2 juin 2020.

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