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"Les effets secondaires du médicament ont ruiné ma vie", des consommateurs de Propecia témoignent

Ce traitement, utilisé notamment contre la chute des cheveux, est prescrit à 30 000 hommes en France. L'agence du médicament alerte sur de possibles cas de dépression qui lui seraient liés.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des boîtes de Propecia, un traitement prescrit contre la calvitie, dans une pharmacie. (MAXPPP)

"Je me sens comme un vieillard de 90 ans", confie Frédéric*. Depuis la prise du finastéride (Propecia et génériques), un traitement contre la chute des cheveux, les effets indésirables se sont accumulés chez ce jeune homme de 30 ans. A tel point qu'aujourd'hui, il peine à sortir d'une profonde dépression, malgré l'arrêt du médicament.

Fin octobre, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a alerté contre ces traitements à base de finastéride, prescrits à 30 000 hommes, qui servent notamment à traiter la calvitie. Des cas de "dépression et plus rarement d'idées suicidaires" ont été observés, indique l'ANSM, en plus des effets indésirables sur la libido, déjà connus. L'agence précise aussi "qu'il est possible d'observer une persistance" de ces troubles sexuels après l'arrêt du traitement.

Les personnes traitées au Propecia commencent à s'organiser. "On a des dizaines de dossiers en cours de constitution et on va engager des expertises", explique à franceinfo Charles Joseph Oudin, avocat de l'association Aide aux victimes du finastéride, qui confirme qu'une action judiciaire contre le laboratoire Merck est en cours de réflexion. Celle-ci pourrait aboutir "courant 2018".

Une libido en berne et des angoisses

L'association a été créée en septembre par Sylviane Millon-Mathieu. Son fils, Romain, s'est suicidé à l'âge de 25 ans, alors qu'il prenait du Propecia depuis deux ans. Elle a d'abord constitué un groupe Facebook et, face à l'afflux de témoignages sur des effets secondaires similaires, elle a décidé de monter cette association. 

Lors du premier rendez-vous avec la dermatologue de mon fils en 2010, elle nous a présenté ce traitement comme révolutionnaire et sans effets secondaires.

Sylvia Millon-Matthieu

à franceinfo

La liste d'effets indésirables possibles est en fait vertigineuse : varices testiculaires, troubles de la libido, pertes de mémoire, problèmes d'élocution, dépression voire idées suicidaires...

Pour Régis, il n'y a pas eu de phases de dépression. Agé de 35 ans, il prend du Propecia depuis ses 17 ans et a aussitôt ressenti des douleurs testiculaires. Aujourd'hui, il a diminué sa prise de comprimés mais sa libido est en berne. "J'aimerais bien arrêter. Passé 30 ans la perte de libido devient plus problématique car on a moins d'appétit sexuel", confie-t-il à franceinfo.

La difficulté d'en parler

Quand Anthony a commencé à prendre du Propecia, il y a cinq ans, des premiers effets secondaires sont immédiatement apparus, comme la baisse de libido. Mais ça ne s'est pas arrêté là : "J'ai également eu des baisses de moral, puis j'étais de plus en plus angoissé. Mais je n'ai pas tout de suite fait le rapprochement avec le médicament", explique le jeune homme de 29 ans à franceinfo.

Au fil de ses recherches sur internet, Anthony apprend que d'autres hommes ont les mêmes symptômes. Il a pourtant choisi de prendre ce traitement après l'approbation de deux dermatologues et de son médecin traitant. Cet été, au bout d'un an et demi de prises, il décide d'arrêter ce traitement, présenté comme "miracle" chez beaucoup d'hommes, inefficace pour lui. Mais la galère continue : s'il reconnaît que les choses se sont légèrement améliorées, Anthony n'arrive toujours pas à venir à bout de sa dépression.

Tout comme Frédéric, qui a dû démissionner, trop instable pour parvenir à travailler. Si son entourage n'ignore pas sa dépression, il n'a pas parlé à ses proches de ses soupçons à l'encontre du Propecia.

Je suis honteux. Je me sens coupable. J'ai l'impression de m'être empoisonné moi-même.

Frédéric

à franceinfo

Depuis, Frédéric enchaîne les antidépresseurs et se désole du peu d'écoute des professionnels : "J'ai arrêté de voir ma psychiatre, j'en avais ras-le-bol qu'elle ne veuille pas prendre en compte le traitement anticalvitie que je prenais." Il a néanmoins bon espoir que l'alerte de l'ANSM puissent changer les choses. "Les effets secondaires ont détruit ma vie. La balance bénéfices/risques mérite vraiment d'être revue."

*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interrogée

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