Le président Nicolas Sarkozy a demandé "la transparence la plus totale" sur l'affaire du médicament Mediator
Une demande faite lors du conseil des ministres de mercredi, a rapporté le porte-parole du gouvernement, François Baroin.
Le chef de l'Etat a évoqué un "impératif de protection", rappelant que l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) devait rendre son rapport à la "mi janvier", a également rapporté François Baroin.
"S'il s'avère qu'il y a des failles dans le système, elles seront corrigées", a-t-il dit. Il a demandé que des propositions "claires et opérationnelles" entre les différents acteurs de la chaîne sanitaire soient présentées dès la fin de l'enquête en cours de l'IGAS.
Selon les estimations des autorités sanitaires, le Mediator, médicament normalement réservé aux diabétiques en surpoids, mais largement prescrit comme coupe-faim, aurait provoqué la mort de 1000 à 2000 personnes. Selon Le Canard de mercredi, les "premières alertes sérieuses" sur la dangerosité de ce médicament sont tombées en 1995.
Un faisceau d'indices restés sans suite
"Si dès le début j'ai souhaité confier une enquête à l'Igas, c'est bien parce que les éléments dont nous disposons montrent clairement qu'il y a de fortes présomptions de défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament", déclarait de son côté le ministre de la Santé Xavier Bertrand, dans un entretien accordé au Figaro lundi.
Il reconnaissait aussi la nécessité de régler la question des "conflits d'intérêts". "Comme chacun, je veux tout savoir de ce qui s'est passé depuis la mise sur le marché du Mediator en 1976. Je veux comprendre pourquoi, malgré une parenté chimique avec des molécules interdites, ce médicament est resté sur le marché pendant trente-trois ans", déclare Xavier Bertrand dans cet entretien.
C'est bien là le fond du problème. D'autant qu'en 1998, trois professeurs de médecine de la Sécurité sociale avaient alerté l'Agence du médicament sur les risques de l'utilisation non autorisée du Mediator comme coupe-faim. L'antidiabétique est pourtant resté en vente encore onze ans, sans qu'aucune décision n'intervienne.
En outre, plusieurs documents montrent que les dérives de médecins prescrivant à tort, du Mediator comme coupe-faim étaient connues depuis 2001 selon le Parisien lundi. Et 84 praticiens ont ainsi été condamnés par le Conseil national de l'ordre des médecins, à des suspensions temporaires d'exercice depuis 2001 écrit le quotidien.
Puis les signaux d'alerte s'intensifient.
En 2003-2004, le Mediator est retiré du marché en Espagne et en Italie. En 2006, un document remis à la Haute Autorité de Santé (HAS) soulignant les dangers du médicament, qui continue toutefois à être remboursé à 65%.
En 2007, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) recommande aux médecins de ne pas prescrire le Mediator comme coupe-faim et en 2008, une pneumologue de Brest Irène Frachon lance l'alerte sur les risques cardiaques liés à la prise du Mediator.
Pourquoi autant d'indicateurs n'ont-ils entraîné aucunces décisions des instances politiques ? Les responsables avaient-ils connaissances de ces éléments ?
La question sous-jacente des conflits d'intérets
"Il faut que toutes les parties soient auditionnées (...) y compris les laboratoires Servier" poursuit en outre Xavier Bertrand, qui admet que "D'une manière générale, il faut absolument que nous soyons capable de régler la question des conflits d'intérêts qui est régulièrement posée" eu égard aux soupçons de collision entre les grands groupes pharmaceutiques et le milieu scientifique et décisionnel (politique).
Un soupçon largement partagé par le député PS Gérard Bapt, à l'origine d'une demande de mission d'information parlementaire sur le Mediator. Pour l'élu de Haute-Garonne "la question des conflits d'intérêts est majeure". Il souligne qu'elle n'a fait l'objet, ces dernières années, que "de mesures partielles et insuffisamment appliquées jusqu'à ce jour".
"Il m'apparaît également que certaines sociétés savantes, notamment la Société française de pharmacologie et la Société française de cardiologie, sont perméables à l'influence du laboratoire Servier", accuse même le député, lui-même cardiologue dans un communiqué.
L'appel à la "responsabilité" du professeur et député UMP Bernard Debré
Interrogé sur le dossier lundi matin sur Europe 1, l'élu n'a pas mâché ses mots. "Ignorer, pour un politique, c'est une faute. Un ministre doit être responsable de son administration, quelle qu'elle soit. Il doit donc être au courant. S'il n'est pas au courant, c'est qu'il y a une faille dans la transmission".
Ne voulant "ni accuser personne", ni "stigmatiser personne", le député appelle les anciens ministres à prendre leurs responsabilités. "Au moins, qu'ils disent 'oui, j'étais au courant', ou 'oui, c'est une faute de ma part de ne pas avoir été au courant'", a-t-il lancé.
"J'aimerais en France qu'on soit responsable de ses actes. Quand on brigue un poste de ministre, ce n'est pas rien", a ajouté Bernard Debré, lui-même ex-ministre.
Le PS prend ses distances
"Martine Aubry, Bernard Kouchner et leur cabinet n'ont pas eu d'informations concernant la dangerosité du médicament", a déclaré lors du point presse hebdomadaire du parti socialiste David Assouline, secrétaire national à la Communication. Il était interrogé sur l'alerte donnée par trois médecins de la sécurité sociale en 1998.
"Ils n'ont pas été au courant et n'ont pas été alertés de la dangerosité de ce produit", a répété M. Assouline, tout en reconnaissant qu'il y avait eu "dysfonctionnement". A l'époque, Mme Aubry était ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et Bernard Kouchner, son secrétaire d'Etat à la Santé.
"Il y a eu trop de lenteur pour réagir. C'est l'organisation de la santé qui est à revoir", a-t-il déclaré ajoutant "ne commençons pas à désigner des responsables sans qu'il y ait eu l'établissement de faits" a-t-il conclu.
Retiré du marché après 33 ans de commercialisation (en novmbre 2009), en raison des risques de valvulopathie qu'il présente, le Mediator aurait fait au moins 500 morts selon une estimation de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) ; 1.000 à 2.000 victimes, selon une autre étude de deux épidémiologistes.
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