Cet article date de plus de treize ans.

Le ministre de la santé a promis une réforme profonde du système de santé suite au scandale du Médiator

Moins d"une semaine après la remise du rapport accablant de l"Inspection des affaires générales, Xavier Bertrand a esquissé les grandes lignes de la réorganisation du secteur, notamment la refonte de l"Afssaps.Mercredi devant la presse parlementaire, il a jugé indispensable des mesures radicales "si l'on veut restaurer la confiance".
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le ministre de la Santé a demandé à l'Afssaps de lui transmettre la liste de 76 médicaments soupçonnés d'être à risque. (AFP - Bertrand Guay)

Moins d"une semaine après la remise du rapport accablant de l"Inspection des affaires générales, Xavier Bertrand a esquissé les grandes lignes de la réorganisation du secteur, notamment la refonte de l"Afssaps.

Mercredi devant la presse parlementaire, il a jugé indispensable des mesures radicales "si l'on veut restaurer la confiance".

Les visiteurs médicaux

Rappelant que la réforme qu"il avait porté en 2004 avait « singulièrement diminué le nombre, la place et le rôle des visiteurs médicaux, Xavier Bertrand a admis qu"il "fallait aller plus loin et continuer à encadrer", sans toutefois préciser dans quel sens.

Ancien directeur de l'Agence française de Sécurité sanitaire des aliments, Martin Hirsch s'est, lui, montré beaucoup plus précis sur le sujet : "Je propose que les visiteurs médicaux soient plutôt payés par les autorités sanitaires pour aller expliquer aux médecins comment les autorisations de marché sont données et quels sont les médicaments, plutôt que payés par les laboratoires pharmaceutiques", a déclaré M. Hirsch jeudi matin sur France 2.

"Je préfère moins de franchises médicales pour des médicaments plus efficaces, mieux remboursés et plus utiles, que pour vendre des médicaments dont on s'aperçoit 10 ou 15 ou 20 ans après que l'industrie a utilisé des moyens déshonorants pour les maintenir (...) contre vents et marées", a ajouté M. Hirsch.

La transparence comme rempart aux conflits d'intérêts

Sur la question des conflits d'intérêts affectant notamment les membres des cabinets ministériels, Xavier Bertrand différencie trois périodes : avant, pendant, et après l"exercice des fonctions officielles.

Pour "l"après", le ministre estime que l'actuelle Commission de déontologie apporte "un certain nombre de règles et de clarifications" sans exclure toutefois de les élargir ou les renforcer.

Sur le "avant", le ministre résume la situation en une question : "Veux-t-on interdire à toute personne qui aurait exercé dans un domaine, les professeurs universitaires praticiens hospitaliers par exemple (PU-PH), d"exercer des fonctions dans un cabinet ministériel ou politique ?" avant d'enchaîner "Si on veut des personnes qui n"aient aucune expérience dans aucun domaine, cela ne va pas être simple"

D"où sa proposition généralisée de déclaration d"intérêts.

Rappelant qu"en tant que secrétaire général de l"UMP et devant la commission de réflexion présidée par Jean-Marc Sauve (Vice-président du Conseil d'Etat), il avait déjà suggéré l'extension de cette procédure à l"ensemble "des membres du gouvernement et leurs proches, aux membres des cabinets ministériels ainsi qu"aux hauts fonctionnaires", M. Bertrand est parfaitement à l"aise pour réitérer sa proposition. Et se poser en modèle.

"Ce matin, ma directrice de cabinet a fourni un modèle de formulaire (…) pour soumettre l"ensemble des membres de mon cabinet à cette déclaration d"intérêts" a-t-il fait savoir mercredi ajoutant "Pourquoi je le fais ? Parce que je veux qu"on ait une totale transparence sur les liens entre l"industrie pharmaceutique et le reste du monde de la santé. C"est mon ministère et mon cabinet qui sont en première ligne, je pense que si je veux qu"aucune question ne soit posée, il faut que je le fasse en premier".

Voilà pour l"exemple.

Autre suggestion du ministre, savoir si les personnes en poste sont titulaires d"action dans des sociétés liées au domaine de la santé et, le cas échéant, exiger qu"il y ait un mandat de gestion délivré à un tiers, pendant l"exercice de leur fonction

Les liens troubles entre la recherche publique et l"industrie pharmaceutique

Profitant de l'occasion pour revenir sur les "révélations" du Canard Enchaîné » au sujet de deux collaborateurs qu"il avait repris à son arrivée au ministère de 2005 et 2007, M. Bertrand a tenu à s"expliquer.

"De quoi parle-t-on ? On parle de PU-PH, de professeurs universitaires praticiens hospitaliers, c'est-à-dire des universitaires qui sont dans des programmes de recherche. Mais qui finance la recherche dans notre pays notamment dans le milieu médical ? les laboratoires" a-t-il insisté avant de poursuivre : "Oui le programme de recherche de ces collaborateurs était financé par l"industrie pharmaceutique dont le laboratoire Servier à l"époque. Mais ces conseillers là n"étaient pas du tout en charge du médicament. Ils n"ont pas participé à des décisions concernant le médicament".

Selon M. Bertrand le Canard a fait un "raccourci" facile. "Si je veux qu"il n"y ait ni raccourci ni confusion, il faut aller beaucoup plus loin que la réglementation actuelle". Une conclusion qui sonne comme un énième constat d"échec.

Mais si raccourci il y a, le problème de la dépendance de la recherche publique au secteur privé en France n"en demeure pas moins posé. Et au vu des récentes révélations, avec encore plus d"acuité.

Sur cet aspect pourtant, aucune révolution en vue. Or que l"on veuille ou non, l"indépendance du secteur passe aussi par la question des moyens.

Seule autre piste évoquée sur ce point par le ministre, la mise en place en France d"un système équivalent au "Sunshine Act" mise en oeuvre par Barack Obama aux Etats-Unis consistant à "centraliser et publier l"intégralité des versements de l"industrie pharmaceutique aux acteurs de la santé : professionnels, sociétés d"experts, associations" et à sanctionner en cas de manquement.

Avant d'engager la réforme promise "dès cette année", le ministre a répété qu'il attendait les conclusions des deux missions parlementaires (Assemblée et Sénat) lancées sur le sujet.

Il sera d'autant plus observé que ces premières propositions n'ont pas convaincus notamment à gauche. La numéro un socialiste Martine Aubry a estimé mercredi que les mesures annoncées par le ministre de la Santé pour éviter "un nouveau Mediator" allaient "dans le bon sens", mais "pas assez loin", notamment sur le problème des conflits d'intérêts.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.