"L'idéal serait d'interdire les cabines UV en France aussi"
A cause des risques de cancer de la peau, l'Australie a décidé de bannir les cabines de bronzage à compter du 1er janvier. Cette décision est-elle fondée ? Les réponses du président du syndicat national des dermatologues.
Pour bronzer, il faudra aller dehors. Après le Brésil en 2009, c'est désormais au tour de l'Australie de sauter le pas en interdisant à compter du 1er janvier 2015 les cabines de bronzage à travers la majeure partie du pays. Les autorités ont pris cette décision face à la recrudescence des cas de mélanomes, la forme la plus agressive du cancer de la peau, au sein de la population. Avec plus de 2 000 morts par an, l'Australie est le pays où le taux de cancers de la peau est le plus élevé au monde.
D'après le Cancer Council Victoria, une ONG spécialisée dans la lutte contre le cancer, les solariums seraient responsables d'un mélanome sur six chez les jeunes australiens. En France, leur utilisation serait responsable, de 91 à 350 nouveaux cas de cancers de la peau chaque année. Le Sénat a ainsi proposé dès 2012 d'interdire les lampes à UV sans que cela soit suivi d'effets. Alors faut-il durcir la législation française ? Quels sont les risques du bronzage en cabine ? Francetv info a demandé l'avis du docteur Luc Sulimovic, dermatologue et président du syndicat national des dermatologues et vénéréologues.
Francetv info : La législation française concernant l'utilisation des cabines UV est-elle suffisante ?
Luc Sulimovic : Non. L'idéal serait d'interdire l'usage des cabines de bronzage. Nous déconseillons fortement l'exposition aux UV artificiels que ce soit dans un solarium ou à la maison par l'utilisation de lampes. L'augmentation des cancers de la peau est un problème de santé publique dont le ministère de la Santé doit s'emparer.
D'autant que les campagnes de prévention aux risques des UV naturels et artificiels sont insuffisantes par rapport à des pays comme l'Australie où le cancer de la peau est un enjeu majeur de santé publique depuis des années. L'Australie est très en avance sur le sujet, les autorités sanitaires militent de longue date pour informer le public des dangers qu'il y a à s'exposer au soleil ou aux cabines de bronzage, via de nombreuses campagnes de prévention.
Quels sont les dangers des cabines UV ?
Aller régulièrement en cabine de bronzage accroît les risques de cancer de la peau. Qu'elle soit naturelle ou artificielle, l'exposition aux UV est dangereuse et peut provoquer des mélanomes. Nous sommes déjà suffisamment exposés aux UV naturels. Il est donc inutile et dangereux de s'imposer une exposition supplémentaire, car c'est cette accumulation des expositions qui donne le cancer.
Les cabines de bronzage provoquent un comportement addictif qui pousse à multiplier les séances. Et plus les personnes commencent tôt, plus les risques sont importants. Une étude, menée aux Etats-Unis, a montré que si un adolescent prend l'habitude de faire des UV, il s'exposera à l'âge adulte beaucoup plus que les autres aux UV naturels et artificiels.
La France, comme l'Australie, est touchée depuis plusieurs années par une augmentation des cas de cancer de la peau... Comment peut-on l'expliquer ?
Les cancers de la peau sont en augmentation exponentielle car les gens s'exposent de plus en plus sans avoir conscience des risques. Au 19e siècle, les femmes ne voulaient pas être bronzées parce que le bronzage était lié aux professions ouvrières et aux métiers des champs. Dorénavant, être bronzé signifie avoir les moyens de partir en vacances. Ces codes sociaux ont la vie dure.
Les personnes veulent bronzer le plus possible sur un temps court. Ils vont en cabine de bronzage ou s'exposent intensivement lorsqu'ils sont en vacances, au risque de prendre des coups de soleil. Il vaut mieux s'exposer progressivement, et se protéger avec de la crème solaire, des habits, des lunettes et des chapeaux, tout en prenant soin d'éviter le soleil entre 11 et 16 heures.
Sommes-nous tous égaux face aux risques d'exposition aux UV ?
Non, chaque personne possède un "capital soleil" différent défini par ses gènes, sa couleur de peau, ses yeux... Il correspond à la dose d'UV que la personne peut tolérer tout au long de sa vie sans courir de risque. Les peaux foncées ont par exemple un capital soleil très élevé et sont beaucoup moins exposées aux risques de cancer de la peau.
Si l'Australie enregistre un si grand taux de mélanomes c'est avant tout parce que dans ce pays très ensoleillé, la majorité de la population est d'origine anglo-saxonne, avec une peau claire, donc plus sensible aux rayons du soleil.
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