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"Un système fou qui rapporte plus à la médiocrité qu'à la qualité" : pourquoi le plan santé veut revoir le mode de financement des hôpitaux

Le financement des hôpitaux repose en grande partie sur le nombre d'actes qu'ils pratiquent. La réforme de la santé devrait modifier ce modèle décrié par de nombreux médecins. 

Article rédigé par Solenne Le Hen, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un bloc opératoire de l'hôpital Georges-Pompidou à Paris (illustration) (MARTIN BUREAU / AFP)

C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron : arrêter le "tout T2A" ou la tarification à l'acte systématique. Alors que le chef de l'État présente mardi 18 septembre sa réforme de la santé, cette mesure fait quasiment consensus dans le milieu de la santé, tant le système a engendré une course effrénée à l'acte, et parfois au détriment de la qualité de soins.

La médiocrité valorisée face à la qualité

Le professeur Lantieri travaille à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris. Chaque année, il opère des centaines de femmes, pour une reconstruction mammaire après un cancer du sein. Avec la tarification à l'acte, pour chaque opération effectuée, l'hôpital reçoit une somme. Le montant est le même quelle que soit la technique utilisée. "C'est un système totalement fou qui rapporte plus à la médiocrité qu'à la qualité", déplore le médecin. 

Car les techniques ne se valent pas toutes. Pour une reconstruction sans implantation de prothèse, l'intervention dure quatre heures mais la patiente n'aura plus à revenir à l'hôpital par la suite. À l'inverse, pour l'autre technique utilisée – l'implant de prothèse – l'opération dure deux fois moins longtemps, mais souvent, la patiente devra être réopérée au bout de 4 ou 5 ans pour changer sa prothèse.

"À chaque fois que vous faites un reconstruction avec prothèse, vous avez donc une sorte de rente permanente, explique le professeur Lantieri, car les patients vont revenir, et la Sécurité sociale va continuer à payer. Dans une reconstruction sans prothèse, c'est plus long, plus complexe. C'est de meilleure qualité, mais vous n'êtes payés qu'une fois."

Dans ce système, on ne promeut pas les techniques les plus complexes et qui donnent la meilleure qualité. On nous dit de faire de la quantité en permanence. C'est une course à l'acte.

Professeur Lantieri

à franceinfo

Des actes de moins en moins bien rémunérés pour les hôpitaux au fil des ans.  Il faut donc augmenter la productivité, et les personnels sont épuisés. "On a de plus en plus de travail. Cela devient très difficile pour nous de suivre le rythme", explique Habssatou Diarra, une infirmière. "On devrait presque se dédoubler et du coup, on est sur les genoux."

"L'hôpital fonctionne aujourd'hui comme une entreprise"

Des actes trop nombreux et inutiles pour les patients : un constat que partage la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. "L'hôpital fonctionne aujourd'hui comme l'entreprise, il cherche des parts de marché et à faire de l'activité pour être rentable" expliquait-t-elle devant l'Assemblée nationale fin 2017.

Alors faut-il jeter la tarification à l'acte ? Pas totalement estime le gouvernement, qui devrait réintroduire d'autres formes de financement, selon chaque acte. Par exemple, un forfait à la journée pour les soins palliatifs ou la réanimation, le financement pour tout le parcours de soin pour l'ensemble des séances de radiothérapie d'un patient souffrant de cancer, ou encore le financement des maladies chroniques prises en charge à l'hôpital par une dotation globale. 

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