Revalorisation des personnels hospitaliers non médicaux : "Ce n'est pas ça qui va changer la vie des soignants" selon le Syndicat national des professionnels infirmiers
"Le problème de fond, ce sont les salaires", réagit Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers, dimanche 24 décembre sur franceinfo. À partir du 1er janvier, l'indemnité forfaitaire pour le travail des dimanches et jours fériés et le travail de nuit pour une partie du personnel hospitalier non médical sera majorée, selon deux textes publiés samedi au Journal officiel. Thierry Amouroux considère que "ces petites primes par-ci, par-là" ne vont pas "changer fondamentalement la vie des soignants sous-payés".
"Dans le prolongement de l'accord relatif à la fonction publique hospitalière dans le cadre du Ségur de la santé", l'indemnisation du travail de nuit sera majorée de 25%, selon un décret. Et "l'indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés" passe de 44,89 euros à 60 euros, au 1er janvier, selon un arrêté.
franceinfo : Cela va vraiment faire la différence sur le bulletin de salaire cette revalorisation pour les dimanches, jours fériés et heures de nuit ?
Thierry Amouroux : Non pas vraiment, parce que le problème de fond, ce sont les salaires. Les infirmiers français sont sous-payés par rapport à leurs collègues des autres pays de l'Union Européenne. On est à moins 10% sous le salaire infirmier moyen, moins 30% par rapport à la Belgique, en Suisse les infirmiers sont payés double et le triple au Luxembourg.
Plutôt que des hausses exceptionnelles, vous attendriez des hausses globales des salaires des soignants et aides-soignants ?
Oui, on comprend que pour le gouvernement, c'est mieux de saupoudrer des petites primes par-ci, par-là. Ça fait toujours plaisir, ce sont des petits cadeaux de Noël. La prime du dimanche et des jours fériés était bloquée depuis 2004 à 44 euros 89, elle passe à 60 euros bruts. Ça fait 15 euros bruts par jour de prime : ce n'est pas ça qui va changer fondamentalement la vie des soignants sous-payés.
Pour la prime de nuit, l'effort est plus conséquent puisqu'en moyenne les soignants de nuit vont toucher 180 euros brut de plus. Mais il faut savoir que les soignants qui travaillent la nuit ne représentent que 12% des effectifs. Il y a aussi ceux qui alternent, ils représentent 3%. Cela veut dire que 85% des effectifs n'auront que leurs yeux pour pleurer.
On s'étonne que ça n'ait pas été fait plus tôt, juste après le Ségur de la santé ?
Comme tous les salariés, on subit le choc de l'inflation. Comme tous les fonctionnaires, on a eu ce gel du point pendant 20 ans. Voilà pourquoi il y a un tel différentiel entre les infirmiers hospitaliers français, par rapport aux autres pays. Conséquence : les jeunes s'en vont travailler dans les pays frontaliers, où ils sont nettement mieux payés et considérés qu'en France... Ou en libéral.
C'est une mesure qui doit aussi permettre de faire face au manque de personnel, en incitant financièrement le personnel à travailler les jours fériés ou la nuit... Ça peut suffire ?
Non, pas du tout. Il n'y a pas de problème d'attractivité de la profession. Malheureusement les conditions de travail actuelles à l'hôpital sont tellement difficiles qu'il y a une fuite du personnel. Une récente étude de la Drees (la direction des statistiques du ministère de la Santé) montre que la moitié des infirmières abandonnent leur exercice au bout de 10 ans, parce qu'elles sont broyées par le système, avec une maltraitance institutionnelle terrible et une vraie mise en danger des patients.
Les normes internationales sont fixées à six à huit patients par infirmière, en France on est au double. Cela entraîne une perte de sens. Il y a tout ce décalage entre ce que l'on est et ce que l'on nous demande à faire, avec des moyens qui diminuent après année.
La loi de financement de la sécurité sociale qui a été votée récemment conduit à 600 millions d'euros d'économies imposées à l'hôpital en 2024. Donc on va continuer à fermer des lits, alors qu'il y a une augmentation des besoins de la population. On est très inquiet.
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